Le non-débat climatique reste la norme

Si, comme le prétendent les activistes du climat, il y avait vraiment consensus à ce sujet, aucun discours anxiogène ni aucune exagération ne seraient nécessaires pour alerter l’opinion et persuader les décideurs politiques à l’action. Si par contre, rien ne se passait entre climat et activités humaines, il ne serait pas non plus nécessaire de nier les affirmations scientifiques ni d’en sélectionner des tordues pour démontrer la fausseté de l’alarme. Les partisans de chaque bord pratiquent tels discours, en partie par ignorance mais le plus souvent par malice, y compris les attaques personnelles.

La grande difficulté de tout débat ou de toute dispute à propos du climat réside dans l’inaptitude des parties à saisir les éléments sérieux du discours de l’autre et la propension à le réduire à ce qu’il a d’erroné. Ce n’est d’ailleurs pas une exclusivité du climat que de donner lieu à telles surdités.

Pour qu’il y ait une mince chance de discussion constructive à ce sujet, ou du moins un accord sur les points de désaccord, il est nécessaire d’en structurer le contenu afin d’éviter de sauter du coq à l’âne, de tout mélanger ou de voler au ras des pâquerettes. Chacun devrait tout d’abord se reconnaître dans ce qui est supposé être son avis ou son opinion, qu’elle soit fondée ou non.

Une longue liste est donnée en annexe qui présente les affirmations et les arguments des uns et des autres. Résumée sous forme de cours paragraphe en forme de bullet points, elle s’étend sur une dizaine de pages. Elle ne demande qu’à être complétée et corrigée.  Elle ne demande qu’à être complétée et corrigée.  En débattre en détail reviendrait à parler des arbres en ignorant la forêt. Mais il suffit de comprendre la complexité du sujet et le ridicule qu’il y a à le réduire à un paramètre isolé. Ce ne sont que les têtes de chapitres d’un livre qui ne s’écrira pas, faute d’intérêt à le faire, mais dont les conclusions seraient les suivantes.

Politique climatique raisonnée

Toute politique, même climatique, doit être fondée, bien raisonnée, efficace et efficiente. Dans un régime démocratique où règne le droit, il devrait être possible de mener une conversation polie afin de s’entendre sur les différences qui doivent nécessairement exister entre le souhaitable de chacun et le réalisable pour tous. Une concordance pourrait en résulter permettant de décider d’actions justes et bénéfiques, même si elles ne satisfont pas tous les vœux de chacun. 

Si les uns acceptaient que leurs certitudes n’aient de loin pas la solidité qu’ils prétendent, et les autres qu’un état d’incertitude ne doive pas être prétexte à paralysie, alors il devrait y avoir un terrain d’entente pour des actions qui ne pourront pas causer de regrets : ni de n’avoir rien fait, ni d’avoir mal fait, ni d’avoir fait du mal. Cela laisse beaucoup de place à l’action réfléchie et utile.

Un préambule sérieux doit être posé :

Des politiques fondées sur la création de pénuries artificielles ou autres constructions virtuelles ne seront jamais acceptables.

D’intenses efforts de recherche et développement sont d’abord nécessaires, avec les moyens humains et matériels qui y correspondent, sans succomber à la tentation de les contraindre a priori dans quelque direction que ce soit. L’impossible est indéfinissable et la création est justement une découverte de l’impossible, tant pour les sciences que pour les développements technologiques. Cela nécessite une grande liberté d’action et beaucoup de patience.  

Pour que Monde puisse se sevrer du carbone, il ne fait pas de doute que la production électrique doive être multipliée et que des modes de transformation énergétique, stockage et distribution adéquats doivent être développés, alors que, quoi qu’on en dise, les solutions actuelles sont prématurément obsolètes, béquilles peu efficientes et peu durables. S’il faut séquestrer définitivement du CO2, alors les promesses technologiques doivent être tenues ou changées afin de le permettre vraiment à l’échelle souhaitée. Un même impératif est valable pour tout processus de réduction de ce satané CO2 afin d’en refaire des carburants liquides, faciles d’emploi. Dans ces domaines concernant l’énergie, le plus grand défi n’est pas tant la faisabilité technique que la validité économique, c’est-à-dire que les ressources à engager ne soient pas démesurément élevées par rapport au résultat attendu. Tous les recyclages sont exposés à telles limites où la récupération du dernier microgramme d’une chose coûterait des mégatonnes d’autres choses.

L’agriculture continuera d’adapter ses semences et ses variétés aux conditions changeantes et d’améliorer les techniques de conservation des sols et de traitements de précision. Les outils biotechnologiques nécessaires, édition du génome ou incorporation de traits allogènes, ne doivent pas être entravés au nom de postures dont le fondement est mystique ou grossièrement politique.

Si les transports doivent aussi cesser de dépendre des carburants fossiles, ce n’est pas une raison pour brider les besoins de rencontres, de voyages et de découvertes en imposant le transport collectif aux dépens de la liberté de mouvement qui est un des droits fondamentaux de la personne.

Accompagnées par d’autres mesures d’adaptation, urbanisme et aménagement du territoire par exemple, ce sont là des tâches dont les dimensions sont immenses et dont les solutions sont encore inconnues. Elles demanderont plusieurs générations pour être accomplies ; les croire d’ores et déjà efficaces, faisables et économiquement supportables dans un délai de dix à trente ans est une prétentieuse illusion.

L’action publique n’est pas de présider à toutes ces tâches mais d’aménager un cadre législatif et des infrastructures favorables à leur développement. Il est absurde de les décréter et de prétendre les contrôler à l’avance, ce que trop de politiciennes vertes s’activent à promulguer.

Des risques anciens disparaîtront ou seront mieux maîtrisés et d’autres apparaîtront que l’on ne peut pas anticiper. Le fameux principe de précaution doit retrouver son intention originelle qui est de permettre le progrès en gérant ces risques, et non de l’interdire afin de n’en courir aucun.

La tolérance au risque est un préalable à toute action humaine.

Si bien des problèmes seront résolus par l’innovation, il en restera d’autres n’ayant rien à voir avec les aptitudes prométhéennes de notre espèce. Il y a aussi bien des choses à ne pas faire, par exemple dépenser des ressource dingues pour ne pas faire bouger le schmilblick d’un millimètre. Et d’autres à ne pas abandonner, car une justice climatique consiste aussi à laisser le climat au rang secondaire qu’il mérite face aux défis posés pour le développement du bien-être des générations actuelles qui n’ont pas à être sacrifiées à l’autel d’un avenir radieux.

Tout cela ne peut pas non plus se permettre l’inefficience au prétexte du « quoi qu’il en coûte », les enjeux sont bien trop importants.

Divergences fondamentales

Il est pourtant fort probable que cette conversation n’ait jamais lieu et qu’une concordance ayant les contours exposés ci-dessus soit impossible. Des divergences de principe l’empêchent, fondamentalement irréconciliables. Elles vont bien au-delà de la seule question climatique.

Pour résumer la longue liste en annexe, ce sont les différentes appréciations des incertitudes qui séparent les activistes de leurs opposants. Elles concernent les faits et les interprétations qui en sont faites, les conséquences avérées ou attendues d’un réchauffement, ainsi que les projections de ce que le climat pourrait devenir en tenant compte de l’évolution de nos sociétés et de trajectoires naturelles qui doivent être tenues en compte.

Du point de vue climatiste, la science serait dite, avec des enseignements certains qui pointent dans une seule et même direction. La lutte climatique a donc prééminence sur toutes les autres, sans compromission. Au contraire, opposent les hérétiques, les incertitudes scientifiques et les spéculations futuristes sont accommodées de tant de facteurs d’ajustement (fudge factors) que n’importe quelles conclusions peuvent en être tirées, les unes aussi valables ou invalides que les autres. Ce sont là de vraies divergences, une vérité dogmatique faisant face au refus de se la laisser imposer et au rejet d’une science péremptoire, prétendument établie et figée (settled science). Peu importent la bonne ou la mauvaise foi qui sont mises dans la défense de chacune de ces positions, elles sont irréconciliables.

À cela se superpose une autre divergence encore plus vaste, de nature idéologique.

L’activisme politique se saisit d’une menace climatique la plus effrayante possible, mais pas seulement cette menace-là, pour appeler à des changements profonds de la société et de son organisation, et ce au niveau planétaire. Il ne s’agit qu’accessoirement de climat, d’environnement, de pollutions ou de biodiversité, car il est surtout question « d’injustice climatique et sociale » frappant sélectivement les démunis, d’inégalités à éliminer, d’intersectionnalités de revendications légitimes de toute minorité exclue ou qui se sent exclue. C’est en fin de compte un collectivisme généralisé qui est à mettre en œuvre depuis la cellule de quartier jusqu’à la gouvernance de la planète entière. Le marxisme se limitait à la binarité de la lutte des classes, il se déroule désormais dans un espace multi-dimensionnel. Certains veulent croire que telle idéologie est bienveillante et peut s’établir spontanément par le miracle du verbe et d’une bonne volonté généralisée – comme dans la chanson « si tous les gars du Monde voulaient se donner la main » – mais ce n’est qu’un néo-marxisme de plus. Sans s’en rendre compte, le naïf devenu anxieux vient au soutien d’un nouvel oppresseur qui lui propose un marché faustien ou mafieux : renoncer à la liberté afin d’obtenir insouciance, protection et bien être.

Se soumettre, fuir ou combattre ?

Telle est la vraie question que personne ne peut éviter.

Il n’y a déjà plus besoin d’intellectuels ou de visionnaires pour dépasser ou repenser le capitalisme, les milieux économiques, financiers, bureaucratiques et médiatiques s’en chargent qui l’orientent vers un paternalisme oligarchique et autoritaire nommé État profond (deep state). Nos amis chinois se trouvent d’ores et déjà plongés dans une telle notopie[1] où le pain et les jeux leur sont offerts au prix de leur soumission. N’ayant jamais rien connu d’autre ils en sont généralement contents. Notre civilisation occidentale est en train de se précipiter dans un régime analogue. La liberté de parole y est d’ores et déjà fliquée par les réseaux asociaux, relayés par les médias qui s’en délectent. La résistance à ces mouvements n’est pas seulement désinvitée, elle est généralement réprouvée comme incongrue, politiquement incorrecte, voire criminelle d’écocide. Le malheureux ayant fauté doit non seulement présenter des excuses mais réformer sa pensée en profondeur. Cette inquisition n’a d’original que de nier son existence et de prétendre « scientifique » ses études et fondements.

Dans tout régime d’oppression, le résistant sera appelé terroriste, car la tyrannie d’État ne saurait s’avouer elle-même terroriste. Toutes sortes de mesures d’exception sont alors permises à l’égard de cet égaré. Pour ceux, sages vieux croûtons, dont l’avenir n’est plus rempli de projets d’entreprise ni d’éducation d’enfants, exprimer son hérésie ne porte pas à trop de conséquences et ne demande que de la lucidité. Mais cela n’aura que peu d’impact. Par contre, pour les plus jeunes qui peuvent influencer le cours des choses, en pleines activités productrices ou à l’orée de celles-ci, leur choix requiert plus de courage dans un climat de pensée dominante qui ostracise à la première incartade.  

Après la reconquista espagnole il n’est resté aux arabes et aux juifs de la péninsule qu’à émigrer ou se convertir afin de pouvoir rester. La plupart de ces derniers l’on fait de manière insincère, pour vivre en paix, tout en maintenant leur foi et leurs traditions au sein de leurs familles. La conversion au dogme climatique et aux autres doctrines de transformation culturelle et sociétale produit son lot de fanatiques mais aussi, espérons-le, un bon nombre de ces conversos marranes qui se rétracteront dès que possible. On ne blâmera donc pas ceux qui choisiront soumission ou fuite mais on s’inquiétera qu’ils laissent leurs enfants se faire inculquer des idéologies de contrainte devenues officielles, fondées sur l’illusion et le mensonge. La ligne rouge à ne pas laisser franchir avec fermeté et courage est celle de l’endoctrinement qui se déguise en enseignement, de l’embrigadement de mineurs dénués de discernement, donc pas encore adultes, dans des croisades d’apparence héroïque et généreuse mais dont le but n’est que l’exercice du pouvoir. Tout ça bien sûr est proclamé d’intérêt général.

La fuite n’est qu’un pis-aller. Géographique, elle n’est pas possible, où irait-on sauf sur une île déserte ?  Il ne reste que l’abstention ou la démission, évasion intérieure qui n’est que partiellement possible car l’interaction sociale est indispensable. Une répression morale poursuit aussi le fuyard au prétexte qu’il agirait par individualisme égoïste. Le fugitif survit mais trouvera-t-il la paix ?  

L’aspiration à la liberté, bien sûr en respectant celle des autres, n’a pas les faveurs populaires parce que cela exige de la clairvoyance, du caractère et de la tolérance, ainsi qu’une capacité de décision malgré les immenses incertitudes auxquelles on est confronté. La responsabilité qu’entraîne la liberté effraye. Le paradoxe d’une telle société ouverte est d’être en principe désirable mais dans laquelle il est plus difficile de se mouvoir que dans un régime de contrainte idéologique, commode et simpliste. C’est pourtant un effort salutaire qui mérite d’être accompli.


[1] Promesse populiste du centre et de la médiocrité. Ce n’est pas un avenir radieux qui est promis mais l’absence de vagues et d’aspérités, la transition vers le néant, la mort spirituelle d’un corps dont le métabolisme se voit paramétrisé pour satisfaire aux normes sociales mais aussi morales et comportementales.
Voir le billet de blog https://blog.mr-int.ch/?p=7292 et sa suite https://blog.mr-int.ch/?p=7364


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