La Cour qui perd le sens des droits de l’homme

Depuis son entrée en vigueur en 1953, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) a fait l’objet de beaucoup d’interprétations. La Cour du même nom fut instituée en 1959 pour en assurer le respect par les États signataires. Elle a accumulé depuis une jurisprudence devenue loi en elle-même sans que l’intervention d’aucun législateur puisse encadrer ses ardeurs. Le quidam que je suis ne peut que se référer au texte original pour essayer de comprendre les arrêts que prononce cette Cour.

Dans l’affaire « Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres C. Suisse », la Cour a « Dit, par seize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention » car elle a jugé que les autorités suisses ont montré de graves lacunes dans la mise en place de sa politique climatique, entre-autre une absence de budget carbone, et n’a pas atteint ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’article 8 de la CEDH concerne le respect de la sphère privée et donc les ingérences de l’État qui peuvent y faire exception :

Art. 8 Droit au respect de la vie privée et familiale

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

Si je comprends bien, l’intention des rédacteurs de cette Convention, et celle des ‘Hautes Parties contractantes’, était de déclarer la sphère privée de la personne comme entité sacrée, intouchable. Après les horreurs nazies et face aux vicissitudes du régime stalinien il ne fait pas de doute que ce principe méritait d’être établi sans ambages. Cependant, au 2ème alinéa il est permis à l’État, dans un cadre légal, d’y faire exception pour satisfaire des nécessités communes de la société, dont « la protection de la santé ou de la morale ». Rappelons qu’en Suisse, ce cadre légal est sous le contrôle des citoyens qui peuvent le modifier par référendum. Aucun tribunal ne peut dicter aux citoyens d’un pays ce qu’ils doivent décider.

Ai-je bien compris le sens de cet article ?

Il faut croire que non puisque la Cour l’interprète comme une obligation faite à l’État de protéger les gens et que les autorités suisses auraient manqué à cette obligation. D’un droit d’ingérence et d’irrespect de l’intégrité de la sphère privée dans certains cas, on passe à un devoir général que l’État aurait de protéger la personne, même à l’insu de son plein gré. Est-ce cela que la Cour désigne comme une « obligation positive découlant de l’article 8 » qui incomberait à l’État ? Puisqu’il peut violer l’art 8 alinéa 1, il doit le faire !

Le juge suisse Andreas Zünd, un des dix-sept de cette Cour, explique dans une interview radiophonique à la SRF et un entretien avec Blick que la sphère privée pouvant être blessée par le changement climatique anthropogénique, un impact néfaste sur toute la population, il en découle une telle obligation positive. Elle trouve aussi sa source dans l’accord de Paris, ratifié par la Suisse. De plus, il admet comme fait scientifique qu’un point de bascule et de non-retour (tipping point) puisse être atteint un jour proche qui menacerait toutes les sphères privées dans le monde et pourraient aussi porter atteinte à la vie des gens (Article 2 de la Convention). Une fois ce dogme climatique et prophétique gobé, sans en scruter les inconsistances et les incertitudes, une fois déterminé que des mesurettes de type budget carbone permettraient de sauver la planète, il est facile de prétendre contribuer au réveil des consciences, ce qu’il dit être l’une des missions de la CDEH.

L’exception est devenue la règle par des arcanes juridiques qui continuent de m’échapper. Cette Cour a fait faire une grande cupesse à la Convention, ce qui n’est pas convenable.

Tout peut justifier une « obligation positive » – de la bonne hauteur des trottoirs aux réponses aux menaces terroristes, en passant par le confinement sanitaire qui n’est qu’une prison préventive. Donc l’État trouvera en toute occasion le droit, l’obligation même, de s’ingérer dans tous les aspects de la vie privée et familiale. Les prétextes ne manqueront jamais. Je le supputais, mais, par le truchement de Klimaseniorinnen jouant le rôle d’idiotes utiles, j’ai mieux compris que c’est légal, autant chez nous que dans les régimes totalitaires.

Comment peut-on annuler une jurisprudence à ce point erronée ? C’est un problème pire que celui de faire rentrer le dentifrice dans le tube, surtout s’il est paré de bandes rouges. Le premier pas serait de ne pas appointer de tels juges à une telle Cour.


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2 thoughts on “La Cour qui perd le sens des droits de l’homme”

  1. Remarquable comme d’habitude. Il n’est plus question de raison ou de science. Comme l’aurait écrit Anaïs Nin, « ce n’est pas la vérité qui les intéresse , mais une illusion avec laquelle ils veulent vivre ». Merci pour cette splendide analyse qui malheureusement, souligne un problème de fond fort difficile à résoudre.

  2. oui, vous avez raison; la CEDH a beaucoup évolué et pas dans le bon sens; cet arrêt, c’est une interprétation tout à fait extensive de l’article 8. Les coups de canifs, voire de poignards dans le droit a la vie privée ne sont pas d’aujourd’hui; mais ils se sont accélérés avec la digitalisation de tout; et que dire des atteintes au secret médical qui était encore absolu il n’y a pas si longtemps; pendant la crise covid, il fallait montrer son certificat de vaccination à son garçon de café ou à son épicier. Ceci étant, les bipèdes des pays développés, complètement affaiblis par trop de confort, trop de sécurité, trop d’abondance sont devenus des moutons apeurés; ils ont peur de tout, ce qui fait le bonheur du totalitarisme montant dans des pays où il y avait la liberté; les dominer en leur faisant peur et très facile et ils en veulent toujours plus; il faut maintenant que les Etats beaucoup trop intrusifs les protègent contre les changements du climat et la Cour répond oui ! Quelle aberration.
    Cependant, il ne faut pas oublier que les arrêts CEDH n’ont qu’un effet déclaratoire et pas exécutoire, sauf pour les frais et dépens, qui étaient, il faut le relever, beaucoup plus modestes, il y a quelques années. Les gens ne le savent pas et même tous ces ignorants de journalistes ; certains ont même écrit que la CEDH était une sorte de Cour de Cassation du Tribunal Fédéral ! La Cour étend progressivement son pouvoir, aidée par Soros qui la finance pour partie et qui est un grand adepte de la globalisation, donc de la disparition des Etats Nations, avec son association Open society et surtout ses nombreux milliards

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