Dames âgées déboutées, une doxa climatiste sacralisée

C’est un climat de passion qui règne… pour l’alarmisme climatiste. Il vient de se voir surchauffé par ce tribunal de dernière instance qu’est la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Il fallait s’attendre que la judiciarisation de la question climatique devienne une des voies de l’activisme ; il faut désormais la prendre au sérieux, surtout dans des pays attachés à l’État de droit. À tort ou à raison, la CEDH est ressentie comme un dernier rempart moral face à l’arbitraire des gouvernements. Il n’est jamais bon pour un pays de s’entendre dire avoir violé la Convention européenne des droits de l’homme, même si, en pratique, cela n’aura pas d’importance ni d’effet significatif.

Quatre dames âgées et l’association “Aînées pour le climat” ont introduit une requête devant la CEDH alléguant que les autorités suisses « ne prennent pas des mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique.[1] » La qualité de victime des quatre requérantes individuelles n’a pas été reconnue et leurs griefs sont donc irrecevables. Cependant, qualité pour agir est reconnue à l’association au prétexte que le changement climatique est de nature particulière, préoccupe toute l’humanité et que l’effort à entreprendre doit être réparti entre les générations. Les plaignantes n’étant elles-mêmes par touchées dans leurs droits, c’est l’exposition d’autres personnes à « des menaces ou conséquences néfastes spécifiques liées au phénomène en question » qui habilite l’association à agir en justice.

La Cour conclut que « la Confédération suisse a manqué aux obligations (“obligations positives”) que la Convention lui imposait relativement au changement climatique. » En clair : les personnes hypothétiques au nom desquelles l’association traîne la Suisse en justice ne sont pas suffisamment protégées par la Confédération. Elle est donc tenue de « choisir les mesures à inscrire dans son ordre juridique afin de mettre un terme à la violation constatée. » C’est sous le contrôle du Comité des Ministres[2] qu’elle devra le faire. La Suisse doit verser 80 000 euros aux Aînées pour frais et dépens.

Si je ne me retenais pas de sauter, je m’écraserais la tête au plafond !

Un tribunal composé de juges délégués par les États membres de la Convention Européenne des Droits de l’Homme adopte la doxa climatiste (voir l’encadré). La Cour a certes consulté moult experts dont liste est donnée, mais rien ne montre qu’elle ait cherché à entendre des critiques de cette doxa, eux aussi très qualifiés, surtout quant à l’efficacité des mesures et la temporalité des phénomènes. Alors que toutes les politiques climatiques contiennent aussi un volet d’adaptation, la Cour ne considère valables que les mesures d’atténuation (mitigation en anglais), c’est-à-dire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pourtant, une population adaptée n’a plus à craindre les effets d’un changement climatique avec lequel elle a appris à vivre, elle est dûment protégée comme l’exige la Convention.

Ainsi, la Cour démontre son incompétence, voire sa mauvaise volonté, à comprendre les problèmes posés par le réchauffement climatique, quelle que soit la part de l’action humaine.

Ceci établi, la Cour se permet de préciser la nature des « graves lacunes » du cadre réglementaire de la Suisse : manque d’un budget carbone ou de limites nationales pour les émissions de GES. Pourtant, constatant que la Suisse n’a pas atteint ses objectifs passés, elle reconnait implicitement que ce cadre règlementaire existe, c’est incohérent. Par ailleurs, le processus en cours doit durer des décennies et plus ; rien ni personne ne peut prétendre que les objectifs seront atteints ni même qu’ils soient les bons. De plus, la Cour se permet de juger que les autorités suisses n’ont pas agi en temps utile ni de manière appropriée : comment donc une autorité devrait-elle aborder chaque problème de protection de ses populations ? en accordant à chacun la plus haute priorité ? Telles bêtises se disent en campagne électorale, ce n’est pas punissable et personne n’est dupe sauf, apparemment, cette Cour.

Par ailleurs, et que l’on soit d’accord ou non avec les politiques engagées par la Confédération, lesdites mesures sont en place, ce qu’apparemment la Cour ne sait pas ou s’empêche de savoir[3].  Il y a les engagements relatifs au protocole de Kyoto et la notification de “contributions nationales déterminées” (NDC) dans les délais impartis par l’accord de Paris sur le climat de 2015. De plus, il ne devrait pas avoir échappé à cette Cour qu’en Suisse, les politiques sont régies par le vote des citoyens qui ont refusé une loi sur le CO2 le 13 juin 2021, puis approuvé le 18 juin 2023 la loi sur le climat du 30 septembre 2022 dans laquelle des objectifs sont fixés. Lorsque la Cour blâme de la sorte la Confédération suisse, elle insulte ses citoyens et ses cantons, et non leurs autorités. La Suisse était-elle correctement représentée ou sa défense délibérément négligente devant cette Cour ?

Qu’il faille en faire plus et plus vite, ou moins, ou autre chose : il n’est pas du ressort de la CEDH de juger de la sagacité des citoyens qui votent, et surtout pas en matière de climat, où la science n’en est qu’à ses balbutiements et loin d’être réglée.

Dernière pirouette, la Cour se défausse par un verdict bizarre : elle « constate qu’elle ne saurait se montrer précise ou prescriptive quant aux mesures à mettre en œuvre… » ; pourquoi alors saurait-elle que celles de la Confédération suisse ont de gaves lacunes ? Elle déclare que c’est « au Comité des Ministres qu’il appartient de vérifier, à partir des informations fournies par l’État défendeur, que les mesures … ont été adoptées. » Notre Cassis du Tessin peut se réjouir du réconfort que lui prodigueront ses 45 collègues. Cette négation de la souveraineté d’un État est si peu vraisemblable et praticable que c’en devient ridicule.

Dans deux autres cas, l’un contre la France et l’autre contre le Portugal et 12 autres pays, les requérants, des individus, ont été déboutés faute d’être soi-même des victimes avérées. En publiant simultanément ses décisions sur ces trois cas, la CEDH a sans doute voulu marquer le pas. Il y a encore six affaires en relation avec le climat qui sont ajournées alors que trois autres ont été déclarées irrecevables. D’autres associations se sentiront encouragées à présenter d’autre requêtes car, quel que soit le point de vue, les États ne pourront rester que défaillant dans cet exercice impossible de mise sous contrôle du climat. Comme l’on dit chez nous, un petchi du diable a été semé.

Judiciariser l’action gouvernementale en matière de gestion du climat, c’est instrumentaliser la justice pour influencer la conduite des affaires. Avec son entrée en matière à propos d’une requête d’une association – qui n’est rien d’autre qu’un simple lobby représentant des intérêts particuliers – la CEDH est tombée dans le piège, délibérément peut-être. En sacralisant une doxa climatiste, elle montre qu’elle ne connait pas le sujet, elle juge au prétexte d’hypothétiques effets qu’elle croit néfastes sans les connaître puisqu’elle-même sait qu’ils ne sont pas avérés, et elle se pose aussi en protectrice de générations futures qui ne lui ont pourtant formulé aucune requête.

Négligente en la matière, la CEDH fera néanmoins jurisprudence.
Rien de pire ne peut arriver à un état de droit lorsque l’erreur,
la faute ou le mensonge deviennent vérité sacralisée.

Qu’on se le dise !


[1]     Les citations entre guillemets et en italique proviennent du communiqué de presse de la CEDH, seul texte actuellement disponible.

[2]     Comité des Ministres formé par les ministres des Affaires étrangères des 46 États membres du Conseil de l’Europe, dont la Suisse fait partie.

[3]     N’étant pas juriste, j’attends d’un tribunal qu’il reconnaisse tous les faits et n’en ignore aucun, c’est le bon sens qui l’exige.


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4 thoughts on “Dames âgées déboutées, une doxa climatiste sacralisée”

  1. Prima Beitrag, Michel. Trifft exakt den Punkt der immer deutlicher werdenden globalen Übergriffigkeit der Judikative – die Entwicklung zum Richterstaat. vgl. dazu auch die Entwicklung in Brasilien mit Elon Musk’s Plattform X, welche der völlig enthemmte Richter de Morares sperren lassen will, und Musk sowie brasilianische, regierungskritische Nutzer von X mit Klagen und Strafen überzieht.
    Interessant ist der Atlantico-Artikel mit einer sehr vernünftigen Einschätzung zum Urteil aus Frankreich, nämlich eines frz. Richters und eines Ingenieurs. So gibt es auch im EU-Land Frankreich starke Einwände gegen das absurde und unverhältnismässige Urteil gegen die Schweiz – und wird als Präjudiz für Schlimmeres antizipiert.
    Ich habe den, meiner Meinung nach, wichtigen französischen Atlantico-Artikel von #clubenergie2051, ins Deutsche übersetzt und in den CCN-Kurznachrichten aufgeschaltet.

    1. 288 pages ! Eh bien, cette lecture aurait de quoi donner une migraine tenace…
      Quoique un petit peu plus long, je vais préférer lire le dernier roman de Martin Suter : « Melody » !

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