Deux initiatives visent à priver l’agriculture suisse de moyens de production pourtant essentiels à la protection des cultures. Cette euthanasie agraire devrait être effectuée par la suppression de paiements directs aux agriculteurs qui n’apporteraient pas la preuve d’une production sans pesticides ou alors par l’interdiction de l’usage de tout pesticide de synthèse dans la production agricole en Suisse, et à l’étranger dans la production de denrées qui seront importées.
Les opposants à ces initiatives, notre viticulteur Président de la Confédération le premier, disent qu’elles vont trop loin. Ils se trompent !
Car c’est reconnaître qu’elles iraient dans une bonne direction, alors qu’elles ne vont nulle part, dans le mauvais sens et sur des chemins impraticables. C’est un problème général de notre milieu politique, bourgeois ou socialiste, de rester sidéré par les injonctions pseudo-moralistes du verdisme écologiste, donc d’abonder dans son sens. Mais cela ira encore plus loin et faux tant que le seul argument qui lui sera opposé sera « vos intentions sont bonnes mais… ».
Il faut voter oui à ces initiatives si l’on désire que notre pays cesse de prendre ses propres responsabilités pour assurer au moins en partie son approvisionnement. Il deviendrait un jardin-paysage que le reste du Monde devrait protéger et nourrir en lui accordant une exclusivité « bio » que nous mériterions. Oui aussi tant que l’on estime que la richesse que nous créons nous est donnée à tout jamais, et nous permet toutes les inefficiences. Et bien sûr, le coût de l’alimentation n’a plus aucune importance chez nous car personne n’aurait plus de fins de mois difficiles. Mais surtout, ces initiatives viennent en soutien aux croyants d’une nouvelle religion qui accorde un air de sainteté à une Nature bonne en soi et qui prône l’avènement du risque zéro.
Car oui, l’emploi de pesticide présente des risques, et non, la nature ne subviendra jamais à nos besoins sans qu’elle y soit contrainte par l’agriculture. La promotion du « bio » fait croire à une vertu que d’autres méthodes n’auraient pas, ce qui est pourtant faux. Le bio consomme plus de ressources pour nourrir une famille, oblige l’agriculteur à travailler plus pour produire moins, et ne lui permet pas de bien protéger ses récoltes. La soi-disant meilleure qualité des denrées certifiées bio n’a jamais été démontrée. La culture bio interdit l’usage de certaines substances mais ne promet aucun résultat, sauf ceux que l’on veut s’imaginer. Abasourdis par un marketing massif, nous devrions croire que « tout le monde mange bio » alors qu’en fait ses ventes ne représentent que 11% des dépenses alimentaires des ménages suisses.
En Suisse comme ailleurs, une agriculture responsable se doit d’être productive. Les moyens engagés – terres agricoles, intrants, énergie, travail – ne doivent pas être dilapidés au nom d’idéaux mal fondés. Les techniques modernes de conservation des sols et d’agriculture de précision permettent d’atteindre de hautes performances sans pour autant sacrifier ni santé ni environnement. Ne pas admettre cela s’appelle obscurantisme.
Rien pourtant n’est à nier : par leur fonction même, les produits utilisés pour protéger les cultures doivent être toxiques. C’est nécessaire pour mettre sous contrôle les insectes ravageurs, les microbes pathogènes et les herbes adventices qui peuvent réduire jusqu’à néant le travail de l’agriculteur. Quelle que soit leur origine, les produits phytosanitaires doivent être épandus en pleins champs. C’est pourquoi ce sont les substances les plus réglementées au monde, plus que les médicaments. Elles font l’objet des plus considérables évaluations de dangerosité et de risque, tant pour la santé humaine que celle des écosystèmes. Les doses auxquelles nous sommes exposés sont strictement régulées. Par analogie avec les facteurs de sûreté qui sont appliqués pour gérer ce risque toxique, il ne faudrait jamais s’approcher de moins de cent mètres d‘une falaise et sonner l’alarme si cette limite n’était dépassée que de quelques centimètres. La toxicité existe et elle est nécessaire, mais le risque d’empoisonnement à long terme est si minime qu’il est devenu insignifiant. Faire croire que ce n’est pas le cas et que nous sommes tous empoisonnés au-delà du tolérable est un autre mensonge victorieux du verdisme écologiste qui, lui, ne tolère rien.
Les deux initiatives sont malveillantes, hostiles à une agriculture responsable et aux consommateurs, mais elles sont aussi stupides. Elles visent tous les « pesticides » quelle que soit leur origine, ou ceux de synthèse alors qu’il n’en existe aucun qui ne soit produit sans des artifices de synthèse, chimiques ou biotechnologiques. C’est faire insulte aux citoyens de ce pays que leur demander de voter des textes si peu clairs et malicieusement équivoques.
Les deux initiatives proposent une mise en état végétatif de l’agriculture de notre pays, qui a déjà bien des défis à surmonter ; elles sont meurtrières. Cela va décidément trop loin.
Article original publié le 27 avril 2021 sur le site de LE TEMPS et dans l’édition papier du 27 avril.Voir aussi l’argumentaire publié récemment ici.Pour étayer l’argument à propos du risque toxique, voir la page spéciale à ce sujet.Version en allemand sur le site de Carnot-Cournot-Netzwerk.
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