Dernier scoop climatique : des « scientifiques » plaident pour une double urgence

Une fois de plus, il faut débusquer une étude dont le but est de renforcer la cause climatique et son urgence. Cela vient de paraître (1) dans Nature, revue scientifique dite « de référence ». Il y est montré que, alors qu’il est enfin reconnu que la limite de 1,5 °C sera vraisemblablement dépassée, la réduction des émissions carbonées la plus rapide et complète possible devrait être accompagnée tout aussi immédiatement de mesures massives de capture et stockage du CO2 afin d’en abaisser la concentration dans l’atmosphère. Il est aussi montré que se contenter de la nécessaire adaptation au changement climatique ne ferait que repousser le problème tout en le laissant s’aggraver. Voici donc une étude de plaidoyer qui arrive à point nommé un mois avant que se tienne la COP29 à Bakou.

Par telle étude militante, il faut comprendre un travail prétendument scientifique ou un rapport d’experts dont le but est biaisé dès son origine puisque visant à persuader, à convaincre, à soutenir une cause. Ce ne sont pas moins de trente auteurs, et pas des moindres dans ce milieu, qui se sont attaqués à cette tâche. Soulignons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un travail scientifique mais de projections de scénarii dans un futur incertain. En resuçant des résultats issus de modèles climatiques et en spéculant sur les émissions et mesures correctives qui pourraient être prises dans le futur, il est bel et bien établi que plus le dépassement serait important, plus le risque d’événements désagréables augmenterait. Aussi, il serait plus difficile de réduire une température excessive que d’empêcher de prime abord qu’elle n’augmente. Ces découvertes sont loin d’être inédites ou surprenantes. En tous les cas, et c’est le point principal de l’article, il serait nécessaire de réaliser des émissions nettes-négatives au plus vite et à très grande échelle, c’est-à-dire retirer du CO2 de l’atmosphère plus que ne le fait la nature.

Ces experts font pourtant preuve de manque d’expertise. Ils montrent bien sûr des marges d’incertitude et donnent toutes les informations utiles quant aux méthodes et données utilisées ; ce n’est là que de l’abattage. Ce sont leurs conclusions qui ne convaincront personne qui dispose d’un brin d’esprit critique.

Ils exposent de manière très qualitative que laisser surchauffer le climat avant de le refroidir pourrait poser des problèmes sociaux-économiques. Personne n’en doute et, heureusement, c’est formulé au conditionnel. Pourtant, ce sont les dimensions qui comptent : il serait utile de savoir si l’on parle de miettes ou de montagnes.

Selon le résumé complaisant et tout aussi militant que Nature en fait (2) dans sa partie éditoriale, il faudrait retirer de l’atmosphère jusqu’à 400 gigatonnes de carbone d’ici à la fin du siècle. Dont acte !

Les pistes données pour y arriver ne sont pourtant pas du tout celles de bons conseillers. Ils écrivent que, tout d’abord, il s’agit de stopper immédiatement les émissions de CO2. Ça, on ne cesse de l’entendre, mais, sachant aussi que les mesures de réduction de l’usage des carburants fossiles ne progressent qu’au rythme de 0,28 % par année, cela pourrait demander 314 années pour atteindre un improbable zéro [1].

Ensuite, il faut prendre la mesure de ces 400 Gt de carbone à retirer, quantité qui, au rythme mondial actuel de 11 Gt/a, correspond à 36 années d’émissions. La première piste indiquée est celle de la reforestation, mais elle n’est pas évaluée. Faisons-le à la place de ces clercs [2] : il faudrait planter de nouvelles forêts sur 2,7 à 5,3 milliards d’hectares et les conserver indéfiniment en leur état. Petit problème négligé par des experts insouciants : la surface totale occupée par les forêts dans le monde est déjà de 4,05 milliards d’hectare, soit 31 % de l’espace terrestre de la planète.

Peut-être conscients de cette impossibilité – ni la surface ni la conservation ad aeternam ne sont plausibles – les auteurs s’empressent de souligner que des mesures de géo-ingénierie solaire (réduire l’irradiation absorbée) ne sauraient résoudre le problème et ne feraient que provoquer un excès de confiance dans la maîtrise du climat. Pour la même raison, se contenter de s’adapter à un climat plus chaud ne leur convient pas, car une trop longue excursion au-delà de la sacro-sainte limite de 1,5 °C leur serait insupportable. Ils disent alors benoîtement qu’il n’y a qu’à développer les technologies d’élimination du carbone ! mais sans mentionner que les capacités expérimentales actuelles sont de 11 Mt C par an, une anecdote à 0.0028 % du problème qu’ils posent eux-mêmes, et sans rien savoir de la consommation des ressources que cela impliquerai ni de la viabilité de la technologie.

Voilà donc un cas de plus de militantisme pseudo scientifique destiné à impressionner les décideurs à la prochaine COP29. Rien n’y est faux, ou il faudrait fouiller dans les volumineux détails pour le savoir, tâche que même les pairs passant en revue tels articles n’entreprennent pas. Tout y est partiel et soigneusement choisi. C’est un abus de position hégémonique par des experts du climat qui est rendu d’autant plus scandaleux par le fait que ce qu’ils préconisent est irréalisable. De tels experts jouant les petits soldats méritent le renvoi, sans solde.

1.        Schleussner C, Ganti G, Lejeune Q, Zhu B. Overconfidence in climate overshoot.
Nature [Internet]. 2024;634(August). Available from: http://dx.doi.org/10.1038/s41586-024-08020-9

2.        Carbon dioxide removal will achieve too little, too late.
Nature [Internet]. 2024;634(October):2024.
Available from: https://www.nature.com/articles/d41586-024-03266-9


[1]     Billet de blog « L’énergie en 2023, tendances modestes confirmées »,
https://blog.mr-int.ch/?p=11507

[2]     Une des espèces sylvestres les plus productives est l’eucalyptus, qui peut produire de 15 à 30 tonnes de bois par an et hectare, et qui contient environ 50% de carbone. Il arrive à maturité en 15 ans, ce qui signifie que la forêt ainsi formée resterait ensuite en équilibre carboné. Donc, de 75 à 150 tonnes de carbone seraient fixées par chaque hectare. Pour capturer 400 Gt C, il faudrait donc mobiliser de 2,7 à 5,3 milliards d’hectares.


Merci de partager et de diffuser cet article !
FacebooktwitterlinkedinmailFacebooktwitterlinkedinmail

9 thoughts on “Dernier scoop climatique : des « scientifiques » plaident pour une double urgence”

  1. Extraire le CO2 de l’atmosphère est extrêmement énergivore. Si les procédés d’extraction validés en laboratoire étaient industrialisés ils nécessiteraient des quantités d’énergies colossales de l’ordre de plusieurs dizaines de % de l’énergie générée par la combustion de l’hydrocarbure fossile qui a produit ce CO2.
    Et bien entendu il serait absurde d’extraire ce CO2 autrement qu’avec des énergies renouvelables ou nucléaires.
    La nature est certainement plus efficace puisqu’elle absorbe le CO2 de l’atmosphère en le dissolvant dans les océans et en le transformant en carbonate de calcium insoluble par capture des ions Ca++ par les ions CO3– du CO2 dissous, un processus initié il y a des centaines de millions d’années et toujours à l’oeuvre de nos jours dont nous pouvons voir le résultat dans les empilements de sédiments calcaires qui forment nos montagnes et nos falaises et s’accumulent en épaisseurs de plusieurs centaines de mètres d’épaisseur au fond des océans.

  2. Le simple fait d’évoquer la présence de CO2 dans l’atmosphère comme néfaste devrait faire bondir tous les gens réfléchis qui savent que c’est au contraire une bénédiction. On a des preuves abondantes que l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère n’est que par hasard concomitante avec la montée des températures.

    1. J’ajouterai cependant que c’est l’augmentation de la température des océans qui accroit leur dégazage en CO2

  3. Mais, du coup, compte tenu de votre expertise, que proposez vous pour réduire le taux de CO2 (et équivalents) dans l’atmosphère ?

    1. Si elle n’est pas simplement rhétorique ou polémique, cette question mérite une réponse circonstanciée.
      La question centrale est celle de l’urgence, avec son corollaire de la possible efficacité des mesures de correction ou d’adaptation.
      Tant que la science et les mathématiques climatiques ne sont pas capables de présenter une validation crédible de leurs évaluations, l’usage des modèles à des fins prospective s’assimile à un acte d’autorité fondé sur une croyance. C’est pourquoi le fameux consensus ne me suggère pas la confiance.
      D’autre part, en guise de « business as usual », le choix du scénario du pire ne mène qu’à une exagération de l’urgence.
      Réduire et, un jour, annuler les émissions de GES, est un but valable tant que cela n’entraîne pas une misère générale. Les exigences de financement pour des transitions énergétiques mal embauchées sont injustifiables. Jamais l’humanité ne s’est donné des buts irréalisables sans créer plus de crises que les résoudre. Les implications politiques sont effrayantes.
      Donc il faut avancer sans péjorer ce que l’on a acquit ni bloquer la croissance, surtout pour les moins nantis dans le Monde.
      Et aussi, au contraire de ce qui est déclaré de manière péremptoire, c’est
      l’adaptation à un climat différent (+3 degrés ?) qui doit être la stratégie phare. Même si la réduction des émissions et la capture et séquestration du carbone étaient bien en marche (on en est très loin), l’adaptation n’est même pas un choix, c’est une nécessité.

  4. Nature, une revue de référence; oui, cela était exact dans le passé, comme le Lancet, BMJ et un quotidien comme Le Monde qui se dit toujours de référence mais qui a perdu son âme au fil du temps et même son honneur, mais, il faut bien vivre et s’adapter à l’air du temps et particulièrement aujourd’hui avec une répression de plus en plus féroce à l’égard de ceux qui osent ne pas être d’accord avec la pensée officielle. Nature appartient aujourd’hui à Springer Nature qui est le plus gros éditeur mondial dans tous les domaines et les revues médicales à Elsevier, énorme lui aussi; il y a longtemps que Horton, le rédac chef du Lancet, a déclaré que la moitié des études publiées par le Lancet, voire plus, sont biaisées, fausses, bidonnées pour diverses raisons, dont la corruption mais ce n’est pas la seule; idem pour le BMJ dont plusieurs rédac chefs ont démissionné en déclarant publiquement la même chose que Horton; lui il est toujours là; donc, je suis bien incapable de décrypter le nouvel article paru dans la revue de référence (sic), et nullement envie de consacrer du temps à cela, mais s’opposer à la pensée unique ou remettre en cause la certitude du réchauffement anthropique, ce n’est pas bon pour le business, alors….

  5. La consommation d’énergie en particulier, ainsi que la consommation humaine en général ne cesse d’augmenter !
    Et cela a un rythme quasi équivalent à celle du volume d’humains.
    Ainsi, la surpopulation humaine est consubstantielle de la consommation d’énergie en particulier et de toute autre consommation en générale .

  6. C’est une excellente critique. Je la condivise totalement. Le problème du changement climatique ne peut pas être résolu par la panique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.