Non, je ne me rendrai pas à Davos la semaine prochaine

Les prévisions du temps sont moroses et l’enneigement pourrait y être meilleur, il n’y a donc pas de raison que je me rende à Davos la semaine prochaine. Se rendre ne signifie pas seulement aller à quelque part mais aussi s’incliner devant un vainqueur et s’y soumettre. Voilà une autre raison pour ne pas y aller.

Le World Economic Forum de Davos est un rendez-vous incontournable pour les cooptés du Monde. La brochette impressionnante du comité entourant Klaus Schwab dans son apostolat laisserait penser qu’il n’y a que des vainqueurs, tous adeptes d’une pensée bienfaisante pour l’avenir de l’humanité sur cette planète, et pour la planète malgré l’humanité. N’étant ni young leaders ni cacique d’aucune des chapelles qui y sont représentées, et n’ayant pas non plus l’esprit à manifester dans des rues gelées, rien ne m’invite à y aller ni même à en suivre le déroulement.

À son origine, ce rendez-vous était destiné au réseautage entre hommes d’affaires, surtout les multinationaux. Il accomplit toujours cela mais a aussi évolué pour devenir une plateforme de large consensus, un lieu où se scelle la bien-pensance du moment, une sorte de dénominateur commun. Cette unanimité n’est pas convaincante car il est impossible que des mêmes objectifs soient poursuivis par des leaders économiques et politiques issus de cultures si différentes ayant des problèmes et des buts si disparates. Au-delà d’une masse de banalités qui seront proférées à propos des horreurs de la guerre, de l’importance de l’énergie et de la protection de l’environnement, de la numérisation et de l’inclusion des minorités, y compris les féminines, il est probable qu’aucune controverse ne sera abordée, et encore moins discutée. Les vassaux déclarés du WEF n’ont aucun intérêt à s’affronter sur les sujets qui fâchent et préfèrent se gargariser avec des idées vagues de gouvernance globale, de correction couteuse mais juteuses d’un climat rétif plutôt qu’apprendre à s’y adapter, et de durabilité de leurs éphémères discours. Les voies qui mènent à la prospérité sont si multiples qu’il serait étonnant que, Black Rock, FMI et McKinsey réunis, les décideurs soient en mesure d’élaborer de vraies stratégies, ni même de définir des objectifs communs. Do good ! pourrait être leur mot d’ordre, utile seulement pour une publicité de type banane, ayant le même goût à l’ingestion comme à la régurgitation.

Les critiques du WEF et de son chef sont acerbes ; elles proviennent de la gôche, de la verdure et d’autres mouvements alternatifs, mais aussi de milieux souverainistes ou identitaires, tous allergiques à la globalisation, à la vaccination ou à d’autres épouvantails ; voilà une unanimité qui ne fait peur à personne mais qui est au moins aussi suspecte que celle qui se proclame à Davos. Que ces protestataires se rassurent, cette rencontre annuelle n’est ni la manifestation d’un complotisme institutionnel, ni un soviet suprême du capitalisme mondial, ni une communion idéologique, même si une certaine liturgie y est suivie. Les déclarations de chacun n’engagent personne, et si cela devait être le cas, moins de gens s’y précipiteraient. Événement clé d’un processus encore mystérieux de formation de l’opinion, Davos contribue à la construction d’une hommilière globale, cet habitat commun et structuré où tout est possible à condition de se conformer et d’agir comme ses congénères, à ne pas sortir du chemin ni endosser de rôle dérangeant. Sa capacité digestive est un de ses secrets, on reçoit la petite Greta et le président à vie de la République populaire de Chine pour se faire tancer mais surtout pas pour se disputer. Ses détracteurs ont donc quelques motifs de se méfier de cette comédie tragique qui nous concerne tous.

On va à Davos comme au culte ou à la messe, une fois par an, et on en ressort ragaillardi d’avoir entendu ce que l’on savait déjà. Tant mieux si des liens se nouent, c’est toujours mieux que l’éloignement, et c’est à l’apéro qu’on en apprend le plus ; sinon cela ne sert à rien. Pour ma part, pas trop jaloux de ceux qui y sont invités, je n’ai pas besoin de m’y rendre ni de me rendre aux thèses qui y sont réitérées et qui prétendent donner le bon ton.


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