Ce qui lave plus vert risque de salir

Après qu’une urgence a été créée afin de sauver la planète, le monde de la finance ne s’engage même plus dans l’illusion d’en être le secouriste, mais plutôt dans le marasme. La nouvelle vient de tomber [1] que les locaux de la Deutsche Bank à Francfort ont été perquisitionnés dans la cadre d’une enquête menée pour une fraude que commettrait sa filiale de gestion de fonds DWS en vendant des produits présentés comme plus verts qu’ils ne le seraient vraiment.

Voilà une action judiciaire bien originale si l’on se rappelle la page de petites lettres accompagnant chaque prospectus présentant un produit financier et déclinant toute responsabilité de l’institut émetteur ou revendeur. C’est donc bien à l’investisseur de savoir discerner le fumier de la rose, sans pouvoir incriminer le producteur de bouse.

Est-ce durable ou non de raffiner du pétrole pourtant si indispensable pour construire des panneaux solaires, ou de fabriquer des missiles polluants qui serviront à éviter les guerres, ou à les mener si nécessaire ? Aussi incompétents qu’ils soient, des analystes financiers ont-ils une légitimité à évaluer la verdeur de fabricants de produits dûment homologués et contrôlés par les autorités de surveillance au prétexte que, comme toute substance chimique, leurs produits auraient des propriétés toxiques ? Est-ce à des banquiers de le savoir et à des juges d’en juger ?

Cette enquête est donc bizarre car cela suppose que la justice dispose de critères pour juger de la verdeur et de la durabilité d’un investissement et, partant, pour identifier des mensonges qui seraient prononcés à son endroit. Or le mensonge consiste à laisser croire que tels attributs puissent être définis de manière objective, comme une vérité absolue et indubitable. C’est déjà ce à quoi tend l’horrible « taxonomie » européenne qui avalise des technologies et en écarte d’autres est une encore plus vaste tromperie contre laquelle personne n’enquête. Comme je l’indique dans un essai traitant de cet aspect de l’écologisme, « il y aura autant de choix et de modes d’attribution qu’il y aura de concepteurs de ce type de dispositif ; et si une norme est un jour attendue, elle sera tout aussi arbitraire que les autres [2] ». Chacun, privé ou administration publique, développe sa méthode de verdissement, bien sûr meilleure que la moyenne. Pourquoi alors, comme le suggère Jean-Paul Oury, ne pas créer « Made in Nature [3] », un label de tous les labels ? Comment donc une enquête peut-elle conclure à des actes délictueux alors que l’objet même du délit est indéfinissable ? Ou alors s’agit-il d’un renouveau totalitaire qui ordonne à chacune et chacun la manière de gérer ses biens et, comme cela est incohérent et contraire aux libertés fondamentales, invente des moyens de coercition et de répression adéquats. Cette enquête en serait-elle un premier signe ?

Le greenwashing existe, heureusement, sinon aucune activité humaine, du premier cri au dernier souffle, ne saurait être justifiée. Cela se pratique avec plus ou moins d’habileté, le plus souvent agrémentés de mensonges par omissions, donc peu détectables. C’est une course à l’échalote à laquelle le milieu financier croit devoir participer. Comme d’autres, il adhère par crainte « de se faire accuser de mauvais sentiment, d’être mal vu, de se voir mis au ban de la société, ou de se retrouver isolé dans une chapelle que l’on n’aurait pas même choisie : voilà de quoi craindre le pire, la perte du pouvoir et le manque de respect.[4] » Il vaudrait pourtant mieux se méfier des aubaines qui n’en sont pas et qui se limitent à des narratifs de marketing qui, certes, flattent l’investisseur qui se sent vertueux, mais qui n’offre aucune autre perspective que celle de la conformité à une somme de vœux pieux, sans obligation de résultat. Il vaut donc bien mieux se tenir en dehors de ce cirque où l’on risque de se salir vertement ou même de s’y noyer. L’enquête se poursuit…

Bien que mal notés ESG (environnemental – social – gouvernance) des investissements restent néanmoins nécessaires car dictés par les contraintes physiques du monde réel. C’est similaire à l’imposture du « Nutriscore » par lequel une note A récompense un produit qui est en fait composé d’ingrédients essentiels qui ont le pire score (huiles, sucres, féculents). Tout comme un plat bien équilibré, un portefeuille de placements doit rester diversifié, avec des goûts prononcés. Rendre des investissements moins accessibles en raison de mauvaises notations ne les rendra pas moins indispensables ni moins rentables mais, paradoxalement, peut-être même plus attractifs. De plus, sortis des marchés ouverts, ils pourront être financés par des agents n’ayant pas pignon sur rue.

Avec sa célèbre et invisible main qui n’a jamais mis le pied dans une empreinte carbone, le marché n’a pas besoin d’une mise sous tutelle, capable qu’il est d’identifier la qualité là où elle est évidente, sans se fier aux boniments que presque tout le monde croit maintenant devoir raconter.


Article original publié sur


[1] Relaté dans Le Monde :
https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/31/perquisitions-chez-deutsche-bank-soupconnee-de-greenwashing-en-allemagne_6128357_3210.html

[2] « La grande illusion du sauvetage de la planète par une remise à zéro ». Michel de Rougemont, 2021, p 36.

[3] Oury, J.-P. (2020) « Greta a tué Einstein : La science sacrifiée sur l’autel de l’écologisme. » VA PRESS.
https://www.vapress.fr/shop/GRETA-A-TUE-EINSTEIN_p164.html.

[4] Michel de Rougemont, op-cit, p 70.


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