Rétropédalage climatique

Or donc, depuis bien des temps votre serviteur répète et montre [1] que tant que les modèles climatiques ne sont pas validés ils restent certes des outils d’intérêt scientifique mais ne sauraient servir de fondement à des politiques climatiques. Ceci est aggravé par leur utilisation pour la mise en perspective des pires scenarios du pire qui servent d’épouvantail, comme s’il s’agissait d’un courant normal (business as usual) qui nous mèneraient au cataclysme.

Poser des questions et mettre en doute étant devenu sacrilège, l’hérétique était relégué au rang de négationniste incompétent et ne recevait pas d’autres réponses que l’accusation de picorage sélectif (cherry picking) et malhonnête. La science du climat était réglée.

Dans ce contexte apparaît une bonne nouvelle : des scientifiques bien respectés dans la communauté climatique osent commencer à se poser des questions sur la qualité et la validité des modèles utilisés pour concocter des rapports alarmistes, anticiper des catastrophes exagérées et recommander des mesures démesurées. Dans un commentaire qui vient d’être publié dans le journal Nature (Hausfather et al., 2022) [2], la problématique des modèles qui surchauffent (hot models) est enfin abordée. Ce n’est pas encore une hérésie totale mais une ouverture qui interpelle.

Sans entrer dans des détails techniques il est constaté que, sous certaines conditions, la sensibilité du climat à la concentration du CO2 et d’autres gaz à effet de serre se révèle exagérée. Il est également constaté que cela n’a pas de sens de traiter tous les modèles existants comme étant également valables afin de déduire des valeurs globales moyennes ou médianes dans une large plage (model democracy).

Plus important, il est proposé de changer d’approche. Toutes les évaluations du GIEC sont fondées sur des projections dans le futur de « trajectoires représentatives de concentration [3] » plus ou moins intenses. Selon que l’on craint mal vivre si la température montait de 1,5 ou 2 °C, il en est résulté un concept de budget carbone à ne pas dépasser. Ce fut un coup de génie car cela a permis de communiquer très simplement un reste-à-vivre avec les fossiles, un net zéro carbone qui doit être atteint au plus vite, et trois ans pour agir avant qu’il ne soit vraiment et définitivement trop tard. Ce qui est parfait pour l’alarmisme peut néanmoins être mauvais conseiller.

Les auteurs proposent de mettre en perspective comment le climat s’établirait si le réchauffement atteignait un certain niveau, par exemple, 1.5, 2, 3 ou 4 °C. Plutôt que se préoccuper d’un calendrier d’émissions de CO2, il faudrait évaluer et décrire les régimes de précipitations correspondants, ou le niveau des mers, ou tout autre paramètre d’intérêt. Il en résulterait des représentations distinctes des habituelles courbes en fonction du temps, montrant l’état des choses auquel il faudrait s’attendre plutôt que le chemin qui nous y mènerait. Puisque les évaluations de la sensibilité du climat aux gaz à effet de serre sont très dispersées, il s’agirait aussi de tester les modèles en dehors de la fourchette probable de 1,4 à 2.2 °C (likely, à seulement 66%). Cela permettrait de cerner des situations régionales, donc particulières. Il est aussi suggéré de comparer des résultats obtenus entre des conditions extrêmes et des moyennes, ce qui permettrait de mieux tester la cohérence des modèles et, éventuellement, de chercher d’autres métriques à appliquer, par exemple, de mon point de vue, autre chose que le CO2.

Le changement de perspective qui est proposé devrait avoir un impact sur les conclusions politiques qui pourraient en être tirées. Peut-être alors serait-il possible de sortir de la tyrannie du net-zéro avant 2050 et de considérer avec sobriété des mesures plus adaptatives au climat que correctrices du climat. Les implications socio-économiques sont immenses. Ouvrir ce type de discussion est une bonne nouvelle. Il faut souhaiter que les auteurs ne subissent pas un shitstorm qui mettrait un terme à leur lucidité.


[1]     Essai  » Entre hystérie et négligence climatique  » (2018)
Articles de Blog :
Climat : les modèles restent ce qu’ils sont, invalides (2020),
Performance prévisionnelle des modèles climatiques (2019),
Les climatologues amoureux de leurs modèles (2018),
Les modèles surchauffent (2017),
Le climat a mal aux modèles (2016),
Climat : l’art et la science de l’ajustement des modèles (2016),
Là où les modèles climatiques échouent (2016)

[2]    Hausfather, Z. et al. (2022) ‘Climate simulations: recognize the “hot model” problem’, Nature, 605, pp. 26–29.
Available at: https://www.nature.com/articles/d41586-022-01192-2.

[3]    Concentration en CO2 ou équivalent CO2-eq. En anglais Representative Concentration Pathway (RCP) qui ont maintenant évolué en Shared Socio-economic Pathway (SSP).


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