Validation des modèles climatiques : les succès en sont-ils vraiment ?

Un article important[1] vient de paraître qui analyse la conformité des modèles climatiques virtuels avec les observations physiques réelles. Il s’agit d’une revue de 27 paramètres dans 52 modèles CMIP6[2] issus des 30 centres de modélisation dans le monde. Sa lecture est pénible, du type « plus je pédale moins vite moins ça avance plus fort », et les détails sont invérifiables pour le lecteur superficiel que je suis. L’important est qu’une telle publication soit enfin faite et que l’on en saisisse la portée.

La validité des modèles du climat est essentielle pour anticiper les ordres de grandeur des changements auxquels on peut s’attendre en raison de l’activité humaine qui impose des forçages additionnels[3] aux perturbations naturelles[4]. Les divergences constatables entre calculs et observations ne peuvent que se perpétuer et même s’amplifier lorsque les modèles servent à évaluer des scénarii pour le futur, eux-mêmes toujours hypothétiques et immanquablement biaisés. Les auteurs savent aussi relever qu’une bonne concordance peut l’être pour de mauvaises raisons.

Dans un monde parfaitement déterminé, un seul modèle parfait devrait pouvoir tout simuler. L’idée même de cette perfection est illusoire car les connaissances manquent, les observations du passé et du présent sont lacunaires, les formules et algorithmes sont nécessairement simplificateurs, la résolution spatiale est grossière et les capacités de calculs sont limitées. Passée ou future, une trajectoire restera associée à des incertitudes, à une plage de résultats possibles. Les succès ou les échecs des modélisations ne peuvent donc pas être évalués de manière simpliste. Des 27 paramètres analysés, 10 sont indiqués comme succès de modélisation, 7 comme succès partiel, 6 en divergence, alors que 4 restent incertains. Cela donne donc toute latitude au picorage, tant pour les laudateurs que pour les détracteurs de l’état de la science climatique. Ce sur quoi ils seront d’accord, c’est qu’il faut poursuivre la recherche… ce que les auteurs de l’article ne manquent pas de conclure.

Il faut cependant relever que ce qui sera célébré comme un succès pour ces climatologues peut rester entaché de limites peu surmontables. Un exemple est celui de la figure 3 de l’article (ce n’est pas mon cherry picking).

Il s’agit ici des tendances des températures minimales quotidiennes les plus basses entre 30° et 60° de l’hémisphère nord, sur terre uniquement. Les barres bleues de l’histogramme représentent le nombre de simulations de modèles correspondant à un réchauffement donné (en °C par décennie). La ligne rouge à gauche montre un refroidissement observé, totalement à côté des simulations. Cette première divergence systémique a donné lieu à une réévaluation des mesures effectuées entre 1990 et 2013, ce qui a corrigé la valeur observée vers un réchauffement de 0.25 °C/10a.

La barre bleu pâle en haut du diagramme indique une plage de dispersion des résultats des modèles (en moyenne 0,66 °C/10a).
Ce travail scientifique est décrit comme un succès puisque, après une correction qu’il ne m’appartient pas de critiquer, la plage d’incertitude des modèles englobe la valeur observée, bien que cette plage soit vaste.

Succès scientifique, mais inutilisable

Pourtant, si une telle modélisation servait pour simuler des scénarii du futur, les modèles estimeraient en moyenne une évolution de ce réchauffement environ 2,6 fois plus rapide que ce que la réalité a montré en 33 ans. Donc, bien qu’ayant une bonne précision d’un point de vue statistique, la divergence entre moyenne des observations et moyenne des modèles n’autorise pas à perpétuer ce manque d’exactitude dans des projections dans le futur. Personne ne construirait une machine en se fondant sur de telles différences ; aucun permis d’extrapoler ne devrait donc être délivré. Ce cas n’est pas isolé, j’en avais commenté d’autres[5].

C’est là un des défis majeurs posé à l’ingénierie du climat, c’est-à-dire mettre en place des mesures d’adaptation, de prévention ou de correction en sachant utiliser les résultats scientifiques à bon escient. Il faut non seulement disposer de modèles adéquats mais aussi envisager des scenarii variés mais plausibles, ce qui n’est toujours pas le cas. Il est aussi essentiel d’appréhender les incertitudes liées tant à la nature du système climatique qu’aux lacunes scientifiques. C’est pourtant une tendance à l’exagération qui est constatée, sous l’impulsion d’un Secrétaire général des Nations Unies qui ne cesse de mentir sans vergogne à ce sujet.

C’est ainsi que, par un joli retournement de situation, le négationnisme des réalités scientifiques et techniques peut désormais être imputé aux militants climatistes. Il serait faux d’en tenir rigueur aux scientifiques qui, à l’instar des auteurs de cet article, cherchent à mieux comprendre le climat. Ils ont encore bien du boulot sur la planche.


[1]     Simpson IR, Shaw TA, Ceppi P, Clement AC, Fischer E, Grise KM, et al.
Confronting Earth System Model trends with observations. Sci Adv [Internet]. 2025 Mar 14;11(11):1–20.
Available from: https://www.science.org/doi/epdf/10.1126/sciadv.adt8035

[2]     CMIP Coupled Model Intercomparison Project, le chiffre 6 correspond à la dernière série datant de 2020, résultats utilisés dans le sixième rapport d’évaluation (AR6) du GIEC de 2022.

[3]     Émissions de gaz à effet de serre, formation d’aérosols, modification de l’usage des territoires, etc.

[4]     L’irradiation solaire est une “constante qui varie”, mais régulièrement et lentement, tout comme la géologie.
Les perturbations qui modifient les équilibres sont : les oscillations multi-décennales observées dans les océans, les éruptions volcaniques, l’activité solaire modifiant le “vent” de particules qui interfèrent avec l’atmosphère.

[5] Climat : les modèles restent ce qu’ils sont, invalides : https://blog.mr-int.ch/?p=6696


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