Nous sommes tous animés par une idéologie. Face aux inconnues et incertitudes de la vie, chacun se construit, ou laisse construire autour de lui, un cadre de référence qui, immanquablement, trouvera ses appuis dans des à priori.
Les idéologies manquent sérieusement d’originalité : ou bien l’idéal est perdu qu’il faut retrouver après rédemption, ou alors il est à venir et il s’agit de se sacrifier pour l’atteindre. Elles se ressemblent tellement qu’elles lassent : paradis précédent le péché originel, idéal platonicien, homme nouveau, communisme parfait et fascismes des avenirs radieux ou des empires de mille ans, nécessaires terreurs révolutionnaires, religions, et maintenant sauvetage de la planète de ces humains qui l’abîment. Ce sont des systèmes de déception qui ont convaincu et mobilisé beaucoup de ferveurs, avant tout haineuses. Car il y a bien de la haine à se fixer un idéal inatteignable et de se blâmer, et surtout de blâmer les autres, de ne pas l’atteindre. Sans donner dans la nuance on peut dire que toute idéologie visant à emporter l’adhésion des masses s’avérera mortifère.
Les idéologues frustrés de leurs insuccès, les partisans incapables de chercher en eux-mêmes les raisons de leurs échecs et les adhérents déçus doivent pourtant trouver du réconfort. Il y en a peu qui, comme Candide ayant erré longtemps et trouvant même l’Eldorado, seront heureux après être retourné chez eux pour cultiver leur jardin. Ceux-là restent bien gouvernés par une idéologie, minimale celle-ci mais combien forte, celle de ne rien imposer aux autres ni ne rien se laisser imposer. La liberté, simplement.
La plupart n’a pas cette sagesse-là, ce qui augmente sa frustration et ses jalousies. Alors il faut inventer de toutes pièces des idéologies jugées malsaines pour les attribuer à des groupes ou des classes, puis leur reprocher d’y adhérer. Le capitaliste, le libéral, surtout s’il est néo ou ultra, l’occidental, la personne indépendante se fait vilipender au prétexte d’être le suppôt d’un système malfaisant qui n’a pourtant pas de base théorique ni de catéchisme et n’est pas théorisé de sorte que chacun soit au clair de ce qu’il serait. C’est donc là un adversaire idéal puisqu’il peut prendre les vilaines formes qu’on veut lui attribuer. Il n’y a aucun de risque à formuler des accusations les plus abstruses ou des injures blessantes car il n’y a pas de groupe cible, d’organisation ou de communauté pour se défendre. Dénoncer le capitalisme, le libéralisme, ou l’individualisme n’a rien d’héroïque car cela repose sur un phantasme.
Certes, la société capitaliste existe avec ses marchés ouverts à la concurrence, et une organisation libérale de la société est préférable à toute forme d’embrigadement. Cependant il y a tellement de facettes différentes derrière ces principes très généraux qu’aucun système cohérent n’en ressort qui serait défendu par des corps ou partis constitués, ce qui pour des libéraux serait vraiment paradoxal. Ce sont des économistes comme Smith, Mill, Hayek et von Mises, ou le philosophe Popper qui ont décrit les contours d’une société ouverte, mais sans en faire un mouvement de politique militante.
Une des caractéristiques de telles sociétés est leurs imperfections, et donc leur perfectibilité. Cela est le contraire de toute idéologie parfaite qui se fixe des objectifs et s’attribue des moyens au prétexte d’une morale supérieure. Toutefois cet esprit d’ouverture laisse aussi entrer les critiques les plus malveillantes et malhonnêtes, permettant ainsi des attaques frontales ayant pour but de museler ces libertés, et ce durablement doit-on dire aujourd’hui, sans esprit de renouveau.
Alors on décrète l’anti-libéralisme, l’anti-néolibéralisme, l’anti-ultralibéralisme et l’anticapitalisme en faisant bien attention de ne pas décrire l’alternative proclamée haut et fort. L’Histoire et la connaissance des caractères humains laissent pourtant bien augurer de ce que résulterait du succès de cet altermondialisme. Le capital (les moyens de production) ne disparaîtrait pas, il serait simplement capté par des pouvoirs étatiques immanquablement centralisés, rigides et donc bien moins résilients que ce qui se passe dans une économie de marché ouverte. La naïveté autogestionnaire et la prétendue bienveillance des tribuns de l’anticapitalisme ne feraient pas long feu.
Cela n’a pourtant pas d’importance et ne saurait suffire pour amener ces doctrinaires à la raison ou, au moins, à la modération. Comme d’habitude, ils ont leurs fidèles compagnons de route et leurs idiots utiles dont la mission est de nous fatiguer, comme une barre d’acier rompra à force d’être tordue. Quelle que soit sa perversion, l’idéologue met toujours la morale de son côté, accusant bien sûr le non doctrinaire d’amoralité. C’est pourquoi être attaché à la liberté restera hélas poursuivi de sornettes et d’injures infondées.
Pour ma part, même sans cultiver mon jardin, je me réjouis de le contempler.
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