Énergie, environnement, climat, science et technique, politiques plus ou moins humanistes et collectivistes : les débats sont de sourds. Celui qui perçoit le besoin de manifester son sens critique est immanquablement prié de retourner à l’asile car il serait en opposition avec d’indiscutables valeurs universelles. Les mots utilisés se voient d’ailleurs vidés de leur sens originel pour être habités par des injonctions morales : liberté, humanisme, socialisme, écologie, démocratie, sécurité, santé, risque et danger, tolérance maximale ou zéro.
« War is peace freedom is slavery ignorance is strength » (G. Orwell, 1984)
Pourtant chacun devrait savoir que sitôt que quoi que ce soit devient indiscutable alors il s’agira de croyance et non de considérations rationnelles. Des « valeurs » seront invoquées qui n’orienteront que vers le non-débat.
Pourquoi cela n’est-il pas évident pour « les autres » ? c’est le type de question n’ayant actuellement aucun écho car la polarisation ne se fait pas simplement sur des valeurs qui seraient préétablies mais selon une ligne de fracture entre croyance et raison.
Toute croyance prétend à une base rationnelle (le discours de Benoît XVI à Ratisbonne en est un double exemple). Par contre la réflexion raisonnée sait qu’elle ne l’est que partiellement et qu’elle aura aussi une base ancrée dans la conviction, par définition indémontrable. Par ailleurs l’être raisonnable ne saurait prétendre au pouvoir, alors que le croyant s’attribue immanquablement une mission apostolique et manifeste une grande intolérance aux opinions divergentes.
Il s’ensuit que la rationalité est systématiquement en désavantage car elle complique les choses en les affinant alors que la croyance prétend les éclairer ou les déterminer, entre autres par les soi-disant « valeurs », illusions de l’absolu.
Et dans leur pluralité, les êtres humains détestent la complication et suivent gaiment la simplification, jusqu’à l’erreur, la faute ou le crime collectif.
Elle est paradoxale cette libération que nous devons aux philosophes et savants des lumières et qui a provoqué un salutaire refus de l’autorité des Églises (chrétiennes et prescriptrices) et une remise en question de valeurs qui n’avaient d’absolu que leur prétention, car le désarroi résultant de la multiplicité des choix a fait place à de nouvelles croyances, dont il faut constater l’absolutisme :
Aucune représentation n’est pourtant donnée de ce qui devrait être, sinon d’être « autrement ». C’est l’énorme faiblesse de ces mouvements qui n’ont en fait rien à proposer, sauf des chimères. Pourtant j’ai l’impression qu’ils sont les gagnants d’une époque qui ne fait que commencer et qui risque bien de durer longtemps dans laquelle est décrétée la prééminence d’une Nature réputée stable et bienfaisante sur l’action humaine réputée destructrice, un prétendu développement dit durable est promu qui n’aurait pas besoin de suivre les principes de l’économie, et où tout débat ou bonne dispute doit être aboli au prétexte de ne pas donner la parole à l’hérétique.
Alors comment oser dire
sans automatiquement se faire réduire au silence ?
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