Analyses en question

Très tôt une méthode de détection a été mise au point pour détecter la charge virale d’une personne en virus SARS-CoV-2, cause de dizaines de milliers de morts prématurées et de la paralysie socio-économique de presque l’entier de l’humanité.

Cette méthode rRT-PCR est fondée sur le principe de la réaction en chaîne par polymérase (Polymerase Chain Reaction) en temps réel (r) après transcription inverse (Reverse Transcriptase). En une première étape l’échantillon est traité par une enzyme Reverse Transcriptase pour convertir l’acide ribonucléique (ARN ou RNA) du virus en acide désoxyribonucléique (ADN). Ensuite cet ADN est multiplié par une réaction catalysée par un primer (ADN polymérase recombinante) et révélé avec une substance fluorescente au cours de cycles successifs de température auquel est soumis l’échantillon. C’est compliqué mais c’est à peu près ainsi.

La détermination est quantitative, c’est-à-dire qu’au-delà d’un seuil de sensibilité il est possible de déterminer le niveau de la charge virale de l’échantillon (à ne pas confondre avec la charge virale de l’individu dans son entier).

Disposant des bons kits de réactifs (transcriptase et primer) fabriqués par des industries spécialisées, ces analyses sont faites avec des machines de laboratoire standard mais nécessitent des interventions manuelles et prennent du temps pour effectuer le nombre de cycles nécessaire. La capacité journalière d’un laboratoire est donc limitée, même s’il disposait en abondance des kits nécessaires, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Pour que le test soit utile il faut qu’il soit sensible, c’est-à-dire que le signal obtenu soit suffisamment distinct d’un bruit de fond pour attribuer un résultat positif. Cette sensibilité sera déterminée selon que l’échantillon prélevé sera plus ou moins chargé en virus.

Après cette longue introduction, venons-en au cas qui nous intéresse.

Un groupe de chercheurs chinois vient de publier une Research Letter dans le prestigieux JAMA (DOI : 10.1001/jama.2020.3786) à propos de ce test. 1070 échantillons ont été pris entre le 1er janvier et le 17 février chez 205 patients hospitalisés assurément rendus malades par le SARS-CoV-2.

PrélèvementBroncho-alvéolaireFibro-bronchoscopieExpectorationNasalPharyngéSellesSangUrine
Nombre d'échantillons1513104839815330772
Positifs1467551264430
...donc faux négatifs7%54%28%38%68%71%99%100%

Résultats de la détection des échantillons cliniques par l’amplification en chaîne de la transcriptase-polymérase inverse en temps réel


Il est donc inutile de chercher le virus dans les selles, le sang ou l’urine.

Il est par ailleurs alarmant de noter le taux très élevé de faux négatifs pour les prélèvements les plus communs, en particulier le nasal qui est la méthode la plus aisée à pratiquer en dehors d’un cabinet médical et la moins désagréable pour la personne testée. Mais dans ce cas le nombre d’échantillon était trop petit pour oser en tirer des conclusions.

Il n’est pas nécessaire de critiquer la méthode utilisée dans cette courte étude qu’il faudra certainement répéter. Cependant il faut noter que ce sont des patients en traitement qui furent testés, donc ayant une charge virale suffisamment élevée pour les rendre clairement malades. Pour des porteurs du virus qui sont asymptomatiques il faut se demander si le taux de faux négatifs ne serait pas encore plus élevé.

Partiel et critiquable mais étant le seul publié à ce jour, ce résultat soulève la question de l’utilité du dépistage, sachant aussi que les capacités de laboratoire sont très modestes même dans des pays très développés, de quelques centaines de tests par jour par million d’habitants. D’un point de vue clinique le test est inutile puisque l’on ne sait pas [encore] traiter autrement que pour soulager les symptômes et pailler les défaillances respiratoires. D’un point de vue épidémiologique il ne peut servir que très partiellement et seulement sous des conditions comparables et en supposant que le taux de faux positifs soit proche de zéro.

Leçon à tirer : rien ne sert de s’effarer ou de se scandaliser, on ne dispose pas d’une connaissance transcendant les inconnues et il faut faire avec ce que l’on a tout en cherchant activement à l’améliorer. Rien ne sert non plus de gesticuler à propos de chiffres si incertains et incomparables, sauf le décompte des décès, si tant est qu’il soit honnête et complet.

Ne pas manquer de consulter ma page spéciale à propos de cette pandémie !

 


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2 thoughts on “Analyses en question”

  1. Il y a faux négatifs, mais aussi faux positifs, et surtout oubli de la fréquence de base et par-là risque de surdiagnostics !
    Il ne faudrait pas laisser courir dans la nature les faux négatifs, ni mettre en quarantaine les faux positifs mêlés à de vrais positifs. Quant aux vrais négatifs, si on les relâche, ils ne perdent rien pour attendre… Hélas ! la majorité de la population est actuellement dans cette situation.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8me_de_Bayes#%C2%AB_Faux_positifs_%C2%BB_m%C3%A9dicaux

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Oubli_de_la_fr%C3%A9quence_de_base

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Faux_positif#Risque_de_surdiagnostic

    Finalement, je pense que ce qui impressionnera favorablement le public ce sera le décompte des cas guéris.
    Dans le cas du virus actuel, avec une mortalité d’environ 4 à 5% des cas infectés (4% en Chine et actuellement 5% au niveau mondial), ce sera l’élévation progressive du pourcentage des cas guéris vers la limite de 95-96% qui sera un bon signal à suivre au long des jours qui viennent. À ce jour la Chine en est déjà à 93% (en 92 jours, officiellement !), l’Italie à 15% (en 61 jours), la France à 18% (en 68 jours), la Suisse à 11% (en 36 jours) et le Monde, en moyenne à 21%.

    1. On me dit que les faux positifs sont extrêmement rares dans le cas de la méthode rRT-PCR. C’est très important pour les maladies de très faible morbidité, là où plus de 99 ou 99,9% de la population n’est pas atteint.

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