Islam radicalisé : implications pour l’Occident

Chez eux, les musulmans font ce qu’ils veulent et c’est bien ainsi, même si cela n’est pas conforme ni à la lettre ni à l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en particulier concernant les femmes et les minorités ethniques ou religieuses ; et nul n’est obligé d’aller habiter dans ces régimes.

Dans les pays occidentaux il n’est pas avéré qu’un mouvement social de fond soit à la base des phénomènes de radicalisation islamiste. Ce sont plutôt des mouvements d’ordre politique, de lutte pour le pouvoir, qui sont la cause de la surenchère intégriste donnant lieu à des dérives extrémistes. Celles-ci sont  la plupart du temps le fait d’individus isolés ou en très petits groupes, et concernent souvent des jeunes gens sans problèmes ou stigmates apparents, de deuxième ou troisième génération «issues de l’immigration» comme l’on dit. Un néo-converti ou un reconverti est toujours plus radical qu’un adepte traditionnel et il suffit que d’habiles stratèges sachent canaliser ces énergies pour que la nuisance soit grande, surtout dans la société désorientée et terrorisable qu’est devenue la nôtre. Rappelons quand même que tous ces convertis ne tombent pas dans la violence, quelques hyperactifs sont bien suffisants pour sidérer une société. Et aussi relativisons et constatons que finalement, mise à part l’instrumentalisation politique qui en est faite, malgré les victimes innocentes et l’émotion fugace qui se manifeste à chaque occasion, la société occidentale en général reste assez impavide face aux attaques dont elle est l’objet.

Pour faire face aux problèmes que posent ces phénomènes nuisibles il ne sert à rien de s’attribuer une culpabilité collective : celle de ne pas savoir intégrer ces allogènes, de trop tolérer l’établissement de communautés quasi tribales, ou de s’extasier béatement devant les apports du multiculturalisme. Ce serait se donner de bonnes excuses pour ne rien faire ou pour tout faire de travers. Il ne sert pas non plus de mettre en cause l’immigration en tant que telle : les flux migratoires, si utiles au développement économique des pays hôtes et des migrants, ne sont pas la cause de ces dysfonctionnements qui restent heureusement assez anecdotiques. Les événements rares ne se prévoient pas au travers de phénomènes de masse.

Ce qu’il faut c’est d’une part reconnaitre que le phénomène de radicalisation a existé et existera encore dans le futur, et se résigner à en subir l’inévitable corollaire, soit une part de violence qui s’exprime de temps à autre par des actes isolés aussi spectaculaires que barbares. Ceci est un message impossible pour un politicien volontariste cherchant l’élection ; pourtant le crime existe et la société n’a jamais été en mesure de l’éliminer, elle a donc appris à « faire avec ». Si par ailleurs il s’agissait d’une vague de fond bien structurée et organisée cela se saurait. Mais on est loin du Komintern des années vingt à cinquante, des cinquièmes colonnes, des compagnons de route et des actions révolutionnaires concertées qui se déroulaient pendant la guerre froide. Les Pieds Nickelés de Toulouse, Boston et Londres auraient été identifiés et neutralisés s’ils avaient fait partie d’organisations structurées ; par ailleurs dans un état de droit on ne saurait enfermer quelqu’un sur un vague soupçon, même si un risque était identifié.  Les attentats du 11 septembre 2001 ont été le fait d’un petit groupe, provoquant des effets majeurs sur la psyché étatsunienne bien qu’utilisant des moyens financièrement assez modestes et techniquement nuls.

C’est le travail de la police de traquer les maitres à penser criminels et leurs émules, et à la justice de sanctionner leurs actes ; il ne s’agit pas d’une guerre car il n’y a pas de fronts ni de troupes organisées, donc il n’y a pas lieu de donner une « license to kill » généralisée aux shérifs de tous poils. Les lois d’exceptions (Patriot Act) qui ont été votées aux États-Unis et l’enfermement a-légal de « combattants illégaux » à Guantánamo sont de purs scandales ; et les guerres d’Afghanistan et d’Irak n’ont en rien contribué à résoudre le problème, bien au contraire.

Plus fondamentalement il s’agit de repenser et reconstruire dans nos sociétés ce qui a été systématiquement déstructuré au cours des dernières décennies, en particulier dans les écoles des pays industrialisés. En n’enseignant plus que l’histoire récente on gomme l’empreinte de la culture, en réduisant la philosophie à une psychologie de boulevard on interdit la pensée, en magnifiant la spontanéité on supprime le savoir-faire, en rendant les études supérieures accessibles à tous on les infériorise et accessoirement on jette aux oubliettes ceux qui n’y accèdent pas, en ne communiquant que par phrases de moins de 140 caractères on réduit à des slogans le peu de pensée qui reste. Alors même que la lecture, l’écriture et le calcul ne sont pas maitrisés par l’ensemble des enfants qui sortent de la scolarité obligatoire comment peut-on éviter que ces têtes bien vides ne soient un terrain fertile pour y instiller n’importe quelle idéologie, djihadiste ou alors tout sécuritaire ? On peut même penser qu’il y eut là en accompagnement du baby-boom une stratégie de promotion de l’ignorance afin de gagner le pouvoir sur les jeunes, telle la révolution culturelle chinoise qui ressemblait plutôt à une abolition culturelle ; si cela fut le cas il faut reconnaitre que ça a pas mal réussi, et merci aux intellectuels et pédagogues de service !

Bien sûr il ne faut pas recommencer avec les soi-disant valeurs des temps anciens, elles ont trop castré et couté trop de guerres. Il ne s’agit pas de réarmement moral mais plutôt  de donner à chacun dès le plus jeune âge la capacité de savoir analyser avec un sens critique, de se rendre compte que rien n’est simple, de considérer des alternatives, de ne pas s’associer à une tribu sans en connaitre tous les aspects, clairs et sombres. La connaissance n’ayant jamais été aussi accessible il est nécessaire d’apprendre à en faire le tri. Ces aptitudes-là permettront à chacun de se sentir une personne forte, capable de jugement et de respect, moins sujette à l’air du temps. Voilà un effort humaniste qu’il vaut la peine de promouvoir : un djihad moderne en quelque sorte ! Nos enseignants et nos journalistes y sont-ils préparés ? et disposés ?

Il faut compliquer et nuancer plutôt que réduire et catégoriser. Les idéologies simplistes y auront plus de peine à passer, ce qui ne sera pas à regretter.


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