Le mieux ennemi du bien

Quelle victoire de la transparence sur le sombre et le flou ! Quel progrès pour la défense de la sphère privée de chacune et chacun ! Quelle œuvre de responsabilisation des acteurs, du fournisseur au consommateur ! Quelle victoire de la règle sur la chienlit !

Avant nous étions tous maintenus sous la coupe d’organisations n’ayant pour but que de dépecer nos esprits, de nous piquer du flouze, et de nous distraire par des ritournelles.

Maintenant que ces sombres intentions ont été mises en brèche, je suis enfin devenu libre, disposant de moi-même en pleine conscience, ne consentant à des ingérences dans ma vie privée que de manière parfaitement éclairée. Je n’ai donc plus aucun souci à avoir pour mon amusement, mon portemonnaie ou la vacuité de mon esprit.

De quoi parle-je ?

De cookies à accepter comme s’ils étaient remplis de chips de chocolat, de récoltes de données qui ne seront utilisées que dans l’intérêt commun, c’est-à-dire des autres mais à mes dépens, de ciblage de la propagande la plus apte à me rééduquer : l’acceptation des conditions générales que chaque site internet doit dévoiler à tous ses lecteurs, à Tolochenaz (commune vaudoise dont le site me demande d’autoriser l’usage de données anonymisées) comme au Parti Libéral Radical suisse (avec choix multiple des cookies à accepter), mais pas à  Oulan Bator  (Улаанбаатар) dont la rectitude politique du contenu du site de cette ville ne laisse pas de doute.

Depuis que le fameux « Règlement général de l’UE sur la protection des données » a été édicté, il n’est plus possible de visionner quoi que ce soit sans avoir à approuver par un ou deux, voire trois clics la politique de confidentialité de l’éditeur, l’injection de virus bienfaisants appelés cookies dans son ordinateur, sa tablette ou son téléphone, ainsi que la garantie que toutes les données collectées, anonymes ou non, seront utilisées un jour ou l’autre contre ma personne. Vous voulez savoir combien d’habitants vivent à Tolochenaz, acceptez cookie ! Vous désirez lire, en diagonale car elle ne mérite pas mieux, l’horrible stratégie écologiste du PLR, vous devez choisir vos petits-fours entre Google analytics et l’invasion des réseaux dits sociaux.

Ce règlement européen est contraignant pour tous les États membres et les activités s’y déroulant. N’étant pas en mesure de limiter l’audience de mon blog aux seuls résidents suisses et mongoles, il me faut alors en tenir compte, ce qu’en toute conscience je ne fais pas.

Ayant en moi une dose minimale de pragmatisme, je sais que tous, tout le temps, à chaque occasion, nous acceptons de cliquer là où c’est demandé, et ce sans lire les petites lettres ; même chose lors de l’installation de logiciels. Pourquoi : parce que le but que poursuit l’utilisateur n’est pas de satisfaire au juridisme mais d’obtenir le plus rapidement possible le service qu’il attend de son fournisseur et en accepte donc toutes les conditions, léonines à souhait, sans s’y intéresser une seconde. Tout cela ne sert absolument à rien, moins encore que les contrôles de sécurité dans les aéroports où les objets suspects sont accumulés là-même où ils sont détectés. L’utilisation abusive de cookies et de données sera donc encouragée plutôt qu’empêchées ; on emmerennuie tout le monde avec des mesures contreproductives qui n’ont même pas de valeur symbolique.

N’étant pas juriste je me risque à dire que non seulement ce règlement a rendu légale la contrainte (Nötigung), mais qu’il l’a même confortée.

Tu veux une glace ? Alors fais-moi la bise ! 

Il y a pire que les législateurs qui font de mauvaises lois ou les politiciennes qui mènent de fausses politiques : ces sont ceux qui en sont fier.


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2 thoughts on “Le mieux ennemi du bien”

  1. oui, très juste; c’est insupportable et effectivement çà ne sert à rien et on donne son consentement sans lire car on veut accéder au site avant tout; sur google, lorsque l’on rempli tout pour refuser cookies et autres, le site ne fait que redemander de le faire, au prétexte de protection (tu parles !) et obtient ce qu’il veut; que l’on en ait marre de refaire tout le chemin de lecture et qu’on accepte en un clic tout

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