Gilet de sauvetage ou camisole de force ?

Vu de Suisse ce qui se passe chez nos voisins de France est inimaginable.

Les commentateurs de tous bords ont tous plus ou moins raison mais, pour la plupart, oublient un facteur déterminant : comme aucune croissance économique significative n’est à l’horizon, le gouvernement français n’a aucune marge de manœuvre. Tous ses prédécesseurs ont toujours compté sur la croissance pour sortir de l’impasse mais depuis la crise de 2007 ça ne marche plus, ou seulement sporadiquement par vaguelettes très éphémères.

Il n’y a pas moyen non plus de faire du mikado budgétaire. S’il baisse les impôts il doit supprimer des postes dans les administrations (centrales et régionales) et s’exposer à une ou plusieurs révoltes, connues pour être très dures, s’il ne le fait pas la colère populaire en cours perdurera.

S’il augmente le déficit, et ce d’une dose suffisante pour satisfaire les revendications, il va au clash avec les critères de la zone euro qui sont d’ailleurs déjà trop laxistes. Lorsqu’un État est endetté comme l’est la France, ce ne sont pas 3% de déficit public qui devraient être tolérables et s’accumuler au cours des années, mais c’est zéro % qui devrait être la norme, comme en Allemagne.

Sortir de l’euro serait encore pire pour un pays qui est un importateur net, car les conditions d’approvisionnement seraient encore plus difficiles. Dans la zone euro il n’y a pas non plus de mécanismes de péréquation financière entre les pays aisés et ceux qui sont en difficulté. La France est une cigale, l’Europe du Nord, avec surtout l’Allemagne, est une fourmi qui a tendu une main à la Grèce (quoiqu’en disent les Grecs), mais au coût d’une énorme récession dans ce pays. Mais elle ne peut pas régler les problèmes franco-français d’obésité budgétaire et de redistribution d’une fortune manquante, la banque centrale européenne non plus.

La seule marge qui semblait possible de créer était de pomper des nouvelles taxes dites écologiques, déclarées bonnes car soi-disant salvatrices de la planète. Elles auraient apporté de l’eau fraîche à tous les moulins. Le problème est que personne n’y croit vraiment, pas même le Président Macron qui ne s’en préoccupait pas du tout avant d’avoir été élu. Son revirement avec Hulot, nucléo- et glyfosatophobie, ainsi que climatite aigue est incompréhensible (sauf justement que cela pouvait pomper des pièces jaunes dans un État en manque). Et lorsque centime par centime ça finit par faire mal au portemonnaie, le peuple s’en rend compte un jour ou l’autre, ce qui est arrivé avec les bonnets rouges (par anticipation) et les gilets jaunes dans leur réaction multiforme. Espérons seulement que ce ne seront pas des chemises brunes ou des soviets de quartier qui apporteront une pseudo-solution.

Je ne sais pas non plus quelle réponse cohérente peut être donnée à des revendications si peu cohérentes, sauf éventuellement si un pourrissement tel de la situation fasse que ce soit l’ordre public qui doive être préservé, par exemple par un état d’urgence, voire de siège. Pourtant je doute que les Français soient vraiment disposés à l’insurrection. Quelle alternative politique valable s’offrirait à eux ?

Je ne vois pas de Grenelle à la Pompidou pour trouver un nouvel équilibre, c’est croire que des solutions simples existeraient. Par ailleurs, le contexte économique actuel n’a rien à voir avec celui de 1968. La concurrence internationale est devenue féroce alors qu’à l’époque c’était le gâteau occidental en son entier qui croissait fortement et que tous étaient gagnants.

L’État français est tellement centré sur lui-même et sa manie planificatrice à côté de la cible, qu’il a oublié de créer des conditions cadres libérales, vivables pour tous, pas seulement à Paris. Depuis cinquante ans il a préféré gagner la paix sociale par une succession de petites doses de grain moulu pour les uns puis pour les autres, selon le principe « c’est la roue qui grince le plus fort qui reçoit la graisse. »  Mais quand toutes les roues grincent en même temps… C’est par un réflexe devenu pavlovien qu’il est maintenant attendu que des concessions soient faites qui pourtant ne satisferont pas grand monde. C’est au moins aussi irresponsable de les demander que de les accorder.

Il ne reste qu’à souhaiter à nos voisins que l’esprit de paix de Noël calme des esprits trop échauffés, sachant bien que les lendemains ne chanteront pas.


Merci de compartir cet article
FacebooktwitterlinkedinmailFacebooktwitterlinkedinmail

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.