Science hystérique

Un article intéressant d’André Heitz vient de paraître chez contrepoint.org à propos de la fausse science. Comme dans d’autres activités humaines il y a aussi de la tromperie et de l’escroquerie dans le monde de la science. Les motifs en sont avant tout l’appât de la gloriole et celui du gain, l’autre allant avec l’un. Alors, comme dans toutes les autres activités humaines, il faut se méfier, détecter, traquer, et punir les fraudes.
Est-ce grave ? non, tant que cela reste marginal. Ce sont de banales atteintes à la morale que chaque profession doit apprendre à maîtriser.
Relativisons aussi : il ne faut pas oublier l’erreur sincère qui est un ingrédient essentiel au progrès des connaissances.

Mais il y a pire.

La com mène le bal

A ce problème s’ajoute maintenant la professionnalisation de la communication de la science.
La semaine passée, les médias ont relevé les résultats d’une étude portant sur la nocivité des rayonnement non ionisants sur la mémoire des adolescents consommateurs de smartphone. Non, ils ne les mangent pas mais les portent à leur oreille, droite en majorité, alors que ce serait dans le lobe droit du cerveau que résideraient les fonctions de la mémoire. On se demande si les gauchers ne jouissent pas d’un avantage scandaleux !
Tout ça est très intéressant, surtout si l’on pense aux lacunes de ladite étude et donc au manque de signification pratique de tels résultats.
Mais ce qui ne va pas dans cette affaire, c’est qu’au moment même de cette communication au grand public, le texte de l’étude n’avait pas encore été publié !
Les journalistes en avaient soit reçu une copie à l’avance (privilège coutumier de ce métier), soit ils se sont contentés de commenter ou de copier le communiqué de presse qu’avait concocté le département de la communication de l’institut de recherche. Au vu des délais rédactionnels et de la différence de temps pour lire un communiqué de 1-2 pages ou un rapport complexe, c’est certainement la deuxième hypothèse qui est la bonne.
Il reste donc le message simplificateur et probablement faux: « le smartphone fait perdre la mémoire ». Allez maintenant contredire ce résultat dit scientifique.
De telles annonces sont devenues la règle, c’est la com qui compte et qui marque des points.

Science abusée, science dévoyée

Là où le problème est moins visible mais, à mon avis, bien plus grave c’est que la science se voit détournée de son objectif principal, celui de développer et transmettre nos connaissances.
Elle se laisse instrumentaliser à des fins idéologiques, d’un côté par les politiques à la recherche de confirmation de leurs idéologies et de justification à leurs actions, mais aussi par des scientifiques eux-mêmes se posant comme défenseurs d’une cause politique (c’est-à-dire sociale et/ou environnementale).
L’exemple le plus frappant à ce sujet est l’abus systématique de la climatologie par les injonctions des politiques, mais aussi par des scientifiques (pas tous, heureusement) s’attribuant un rôle d’influenceur pour une cause qu’ils décrètent d’ailleurs comme scellée, irréfutable.
A contrario, et très bizarrement d’ailleurs, lorsque la science ne livre pas le résultat escompté elle est alors ignorée par le politique sous prétexte d’un vague principe de précaution, accommodable à toutes les sauces. Le parangon de ce cas est la biotechnologie avec ses modifications génétiques, adorée en pharmacie, abhorrée pour ses applications en agriculture.

Science dévoyée, maltraitée ou ignorée ; on parlera ici de science hystérique (science madhouse).

Les experts, clercs en voie de trahison

Et puis il y a les études d’experts : ils ne font pas de science nouvelle mais interprètent les connaissances afin de conseiller les non-spécialistes, investisseurs, politiciens ou gestionnaires. Si l’expert est vraiment indépendant il n’acceptera pas de mandat pour lequel un résultat est préempté. Pourtant le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été appointé pour cela car, selon la définition officielle des Nations Unies, il doit considérer comme changement climatique seulement celui qui procède de l’influence humaine (CCNUCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992) et œuvrer  à « stabiliser [..] les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère » (Article 2 de cette Convention). Il n’est donc pas étonnant que la recherche de causes naturelles encore incomprises ou non décelées ne soit pas la première priorité des climatologues.
Mais ici aussi le rapport d’expert est schubladisé s’il ne satisfait pas les attentes du mandant, à l’exemple des évaluations de risque pour certains pesticides (glyphosate, néonicotinoïdes) en France et ailleurs en Europe.
On n’oublie pas non plus les experts bidons et/ou retords qui d’emblée dédient leurs activités à une cause pour n’en présenter qu’un des aspects. Ce cas menace autant les pro que les contra  dans tous les domaines, nucléaire, agronomique, énergétique, santé, etc. Souvent j’ai pu ainsi constater que les amis de mes amis n’étaient pas forcément fréquentables.

Le lobby est légitime s’il se déclare comme tel. Mais s’il se couvre du manteau de l’expertise indépendante, alors il s’agit de désinformation systématique. Le recours à de telles expertises est devenu la règle et la multiplication de contre-expertises en est une manifestation, ce qui garantit la confusion (pissing contest).
Il n’est pas étonnant qu’en fin de compte les décisions ne se prennent plus que par préférence personnelles et partisanes. Alors, bien que ce soit plus risqué, il serait préférable, moins coûteux, plus expéditif et plus sincère d’éviter la prétention à une soi-disant objectivité scientifique.

Il ne reste plus qu’à retourner à l’asile, si tant est qu’on en était sorti.


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