Ce Monsieur Wasiwasi a dû trouvé amusant que je publie sa lettre sur mon blog. Alors il m’en envoie une autre où on peut se rendre compte que les problèmes de chez lui ressemblent à ceux que nous nous créons. La voici :
Cher Monsieur qui vit dans la Suisse,
Ici au Mlimanyekundu nous avons des traditions. Celle du respect de ceux qui nous rendent visite en est une, même s’ils restent ensuite chez nous pendant des dizaines de générations et qu’on ne sait plus au bout du compte qui est qui et qui vient d’où. C’est ainsi qu’au début il paraît que nous étions frisés en tire-bouchons tournant à gauche, et maintenant on devient gaucher à force de détortiller les mèches qui tire-bouchonnent à droite. On appelle ça grand remplacement génétique, mais aussi culturel car ça nous a aussi fait tourner les idées dans la tête.
Les familles et autres jeunes gaillards du Mashariki qui viennent s’installer chez nous ne sont pourtant plus tellement bien accueillis. C’est vrai que, de temps en temps, il y en a beaucoup à la fois, comme des vagues, qui préfèrent venir traire nos zébus plutôt que se faire couper le zizi dans leur pays ; parce que là-bas on te coupe le service trois pièces si tu siffles pas comme les autres. Chez eux il y a maintenant des coupeurs de zizis certifiés selon une norme qui doit devenir internationale. Chez vous aussi ? Certains jeunes de chez nous doivent trouver ça rigolo et ils veulent aller voir comment ils font et nous le montrer quand ils reviendront à la maison. J’essaie de leur expliquer qu’ils vont se faire piquer leurs copines pendant qu’ils iront à la chasse et que chez nous on ne coupe pas ce qui dépasse, mais ces têtes brûlées ne veulent rien entendre. D’ailleurs on leur a dit que, là-bas, pour chacun il y a quarante filles, toutes vierges, qui les attendent et qui, pour tuer le temps, se décolorent les cheveux au peroxyde d’acétone. Moi pourtant, je comprends mieux ceux qui fuient pour rester entier que nos jeunes qui vont là-bas pour s’envoyer en l’air.
Mais ici ça ne se passe pas bien avec ceux qui viennent. Certains de mes compatriotes disent maintenant que les Mashariki sont des sauvages incultes, et qu’on ne sait pas vraiment mais qu’ils pourraient bien être presque tous des pédophiles, des invertis ou des terroristes, ou les trois à la fois, mais qu’en tous cas ils ne sont que des profiteurs—ça a été écrit dans le journal Mtamozo avec un tas de commentaires de lecteurs qui le confirment. Enfin… personne n’a jamais constaté ça, mais quoi, il faut faire attention parce que c’est pas impossible. Alors en attendant de les renvoyer il faudrait les mettre dans des enclos bien fermés, parce que s’ils se mélangent avec nous on ne sait pas quelles maladies ils vont pouvoir nous passer et quels bâtards ils pourraient engendrer. On dit ça aussi chez vous ? Moi je ne suis pas trop d’accord ; mais comme presque tout le monde se met à le dire ça finit quand même par être vrai. Il y a des partis politiques qui en parlent tout le temps, comme si c’était plus important que de bien savoir élever nos zébus, cultiver notre manioc et défriser nos boucles.
On m’a dit que les gens dans la Suisse ils ne pensent pas vraiment ainsi et qu’ils ont appris à faire la différence entre ce qu’on dit et ce qui est. Et puis qu’ils savent encore accueillir ces gens en les mettant bien à l’abri dans des maisons sous terre qui pourraient résister à la bombe atomique ; ça doit bien les rassurer. Comme je peux surfer sur internet dans le café où les casques bleus se reposent, j’ai appris que chez vous les Helvètes ont remplacé les Celtes qui ont été ensuite remplacés par des Alémans ou des Burgondes ; ils sont alors tous Suisses maintenant, y compris avec quelques Ibères venus à contre-sens et en retard comme toujours. Et que vous mangez tous la fondue ou les hashbrown potatoes ; c’est une fantastique réussite de l’assimilation, si bien digérée ; il y a tellement de gens venus d’ailleurs qu’ils sont maintenant bien de chez vous.
Si c’est vrai alors j’aimerais bien savoir comment vous faites parce que c’est important qu’on sache que les Mashariki seront un jour des Mlimanyekunduyanais de souche, même s’ils ne mangent pas le fromage de zébu fondu comme nous le faisons parce que leurs enzymes ne sont pas gloutons. Ils sont bizarres, quand même.
Il parait que ces jours vous allumez des bougies qui font ensuite brûler des petits arbres appelés sapins. Quelle fête réconfortante et qui doit réchauffer l’atmosphère ; amusez-vous bien !
Votre ami de par derrière les continents
Upendomungu Wasiwasi du Mlimanyekundu
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