Des sciences qui n’en sont pas.

Je me rappelle ce professeur d’histoire au gymnase (lycée pour les voisins de l’ouest) qui s’évertuait à nous inculquer que la recherche historique était menée de manière scientifique ; et cela ne me convainquait pas. Les sciences politiques et la sociologie sont d’un acabit un peu différent car, même si elles reposent sur l’histoire, une grande partie de leurs recherches se fait dans l’actualité, avec des expérimentations invérifiables en dehors d’enquêtes d’opinions, tournantes comme des girouettes, ou desdits focus groups qui, bien choisis, mènent agréablement aux conclusions que l’on avait précuites. Cela ne ressort pas de la science mais ces sont pourtant des travaux de grand intérêt s’ils sont faits avec rigueur et honnêteté intellectuelle.

Dans le domaine scientifique il y a de grand sujets qui, eux non plus, ne peuvent mener à des théories réfutables. Il s’agit de « …logies » qui assemblent des connaissances et théories des sciences de base (physique, chimie, biologie, avec les mathématiques comme lien indispensable), qui éventuellement peuvent développer des explications spécifiques, mais qui in fine ne peuvent se soumettre à vérification ou remise en question.

Les médecins l’ont compris, sachant par expérience que souvent c’est l’exception qui devient la règle ; c’est pour cela qu’ils parlent de l’art de la médecine et que pour eux les « sciences médicales » ne sont qu’un volet, indispensable mais insuffisant, de leur discipline.

L’écologie et la climatologie sont de tels agglomérats scientifiques que l’on pourrait appeler supra-sciences. L’économie aussi, mais sur des bases théoriques bien moins sûres. Pour comprendre les systèmes complexes dont ils sont formés il faut mettre en relation des sous-ensembles, trouver des connections et des causalités, puis vérifier que les interactions que l’on aura décelées sont significatives, stables et reproductibles, afin d’en tirer des théories valables. Cela se heurte à deux obstacles rédhibitoires.

Le premier est le manque de capacité observatrice : on ne dispose que d’un laboratoire, la terre, et que d’une expérience, l’histoire en cours. L’expérimentation est donc impraticable.

Le second est lié au premier : le manque de pertinence statistique. Les séries de données historiques sont limitées et ne sont pas d’une exactitude ou d’une précision suffisante. Les variabilités naturelles sont aussi telles que le rapport signal-bruit est si ténu que démontrer une causalité devient impossible.

Pour pallier à ces défauts, et grâce à la puissance de calcul de super ordinateurs, des modèles plus ou moins complexes sont alors développés pour essayer de reproduire des portions de systèmes qui, par l’ajustage de paramètres sélectionnés, se comporteraient in silico de la même manière que la réalité observable.

Alors que la validation des modèles est relativement aisée en ingénierie, elle s’avère quasiment impossible pour des systèmes ayant un grand nombre de variables et dont la complexité et la non linéarité les rendent peu intelligibles. Même si un résultat est obtenu qui paraît vraisemblable il serait faux d’en inférer qu’il soit généralement valable, parce qu’il est invérifiable en dehors des paramètres que l’on s’est choisis.

Développer un modèle n’est pas un processus de recherche scientifique ou artistique : cela se fait dans un but précis. Les modélistes du climat cherchent avant tout à incriminer l’impact des activités humaines, en particulier les émissions de gaz à effet de serre ; c’est la mission qui leur a été confiée. S’ils devaient prendre simultanément en compte d’autres paramètres d’ajustement la complexité combinatoire dépasserait de plusieurs ordres de grandeur les plus grandes capacités de calcul imaginables. Par ailleurs ils n’obtiendraient aucun soutien financier ou technique puisque l’objectif désiré ne serait pas visé.

La recherche scientifique ne sait pas, doit ne pas savoir, ce qu’elle va obtenir ; si c’était le cas on aurait déjà tout trouvé.

Le modèle utilise les résultats de la science, il ne saurait faire la science. Pourtant en économie, en écologie et surtout en climatologie on tombe vite amoureux des modèles qui ont l’immense avantage de faire croire à une objectivité technique. Il ne suffit pas de dire que tout est lié et qu’il faut penser d’une manière intégrale ou globale pour que, par la vertu d’ordinateurs puissants, une réalité virtuelle modèle le réel. Mais si le résultat modélisé est conforme à une attente alors le confirmation bias est garanti.

L’alternative aux modèles est l’anecdote, largement utilisée en écologie militante, mais très pauvre en pertinence au-delà de la signalisation d’alertes.

Lorsque l’on s’accroche à des théories invérifiables donc irréfutables, à des modèles invalidés donc inutilisables, on tombe alors dans le domaine ascientifique de la croyance, et de l’oracle.


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