Loi sur l’énergie, que faire pour gagner le référendum ?

Plus de 68’500 signatures ont été déposées pour exiger un vote référendaire sur la révision de la loi sur l’énergie (LEne). C’est un grand succès auquel, lucide et prudent, je n’osais pas m’attendre. Bravo aux organisateurs tant d’Alliance-Énergie et consorts, que UDC/SVP (et il est rare que je me félicite des actions ou coups de gueule de ce parti).

Maintenant commence une phase de bataille, avec un délai court jusqu’au vote le 21 mai prochain. Il faut affuter les arguments et les sélectionner afin de convaincre les citoyens, ou tout au moins les faire suffisamment douter, pour rejeter cette révision.

Le Conseiller national B. Genecamp (et accessoirement la Conseillère fédéral D. Leuthard, mais avec autre chose en tête) font remarquer que si la stratégie énergétique SE2050 est à réviser, il faut alors proposer quelque chose de meilleur.

Je ne suis pas sûr que ce soit l’approche à prendre. Le mir müen öppis mache n’est pas de mise dans cette affaire. Il faut réfléchir mieux avant d’agir, armer notre raison.

La SE2050 bientôt moribonde tenait en deux points :

  1. Sortir du nucléaire, ou du moins s’empêcher de construire de nouvelles centrales
  2. Mettre le climat sous contrôle en réduisant ou supprimant l’emploi de carburants fossiles
  3. En faire du bon et juteux business

Le lecteur attentif aura noté que moi non plus je ne sais pas compter.

Mais c’est ce troisième point, jamais expélicite, qui est devenu le problème le plus complexe. Les bourgeois, surtout des rangs PLR et PDC qui ont voté cette stratégie en novembre dernier, ont vraisemblablement valorisé plus fortement cet avènement d’un nouveau secteur industriel et de service que leurs prétendues orientations libérales. Une foule de profiteurs s’est pointée pour tirer les marrons de ce feu : industries Greentech richement subventionnées, chercheurs dont les projets ne dépendent que de cela, administration pléthorique moulant de ce grain-là, sociétés de service comptabilisant les footprint et organisant un racket officiel de labels et autres certificats de bonne conduite, pork barrel politics de bien des parlementaires et associations très intéressées. C’est le corps mou qui résulte de tout cela qu’il faut maintenant déstabiliser et désorganiser. Il préexiste à la mise en œuvre de la SE2050, les cartes ont donc déjà été distribuées ; c’est effrayant car c’est tout un logiciel, pourtant récent, qui est à changer.

Il ne faut donc pas proposer d’autres voies pour atteindre des buts qui n’ont pas de sens.
Il est impérativement nécessaire de remettre en question la validité des objectifs, établir s’il y a un nouveau « Bedürfnisnachweis », ou non.

Critique des buts de la SE2050

Sortir du nucléaire :

Le vote récent et clair de rejet de l’initiative « sortir du nucléaire » ne peut être bien interprété. En toute honnêteté on ne peut en déduire une position clairement pro ou antinucléaire des votants. Mais se promettre par une loi de ne jamais plus autoriser des centrales nucléaires est plus une idiotie qu’une stratégie. Aussi l’interdiction en vigueur de retraiter les barres usées de combustible fissile est une aberration complète, en plus d’avoir été en son temps un deal sale conclu avec les si peu démocratiques ONG anti-nuke.

Ce but est à oublier

Corriger le climat :

Ceux qui ne connaissent pas ma position sur ce sujet sont à plaindre et feraient mieux de consulter mes billets de blog à ce sujet et mon site climate.mr-int.ch

Pour éviter de fastidieuses répétitions, voici le plus court résumé que je puisse donner à ma critique de la politique climatique actuelle :

Elle ne fait aucun sens car futile, inutile, coûteuse, injuste et politiquement dangereuse.

Ce but est donc aussi à oublier.
L’accord de Paris sur le climat ne doit en aucun cas être ratifié.

Alternative à la SE2050

Pourquoi d’ailleurs avoir besoin d’une stratégie énergétique, une autre de ces Gesamtkonzeption avec lesquelles nous nous faisons habituellement arroser, et leurrer. À quelque part dans mon organisme je ressens une sorte de contraction fébrile et dérangeante, allant des sphincters jusqu’à l’épiderme en passant par le duodénum, lorsque j’entends parler de cela. Cela suppose qu’il y a quelqu’un, ou un groupe de caciques, qui saurait inventer tout de go un système englobant un tout et valable dans la durée pour gérer quelque sujet que ce soit.

Un pays comme la Suisse n’en a aucun besoin. Par sa structure et ses institutions multiformes et multi-cultis, anti-majoritaire et respectueuse de savants équilibres, elle en est l’opposé. Sans cesse en butte contre ces Gesamtkonzeptionisten, même maintenant Heilige Doris en fait partie, elle est exposée au risque de perdre ces qualités. Les attaques viennent de tous les bords : des nationalistes à tête en béton aux altermondialistes sans alternative, en passant par les euro-turbos. La raison voudrait que l’on chérisse sa patrie et prenne soin des siens, que l’on soit ouvert au monde pour des échanges allant bien au-delà du simple commerce, et que l’on tienne à une souveraineté (= indépendance) digne et sans abjecte soumission à des injonctions d’ordre totalitaire, sociales ou environnementales, c’est-à-dire essentiellement politiques.

En matière d’énergie comme dans beaucoup d’autres modèles, ce sont les conditions cadres qui comptent, pas une stratégie ou des postures dogmatiques et/ou grandioses dont les buts discutables ne se discuteraient plus.
Ces conditions cadres sont données par des normes (santé, préservation de l’environnement, règles de fair play), des droits et responsabilités attribués aux acteurs, et la liberté d’entreprendre à l’intérieur de ce cadre. Tout cela s’est mis en place et continuera à fonctionner avec succès tant que cela progressera par petits pas, par apprentissage et corrections, selon une formule que personne n’a inventé mais que nous constatons : l’inimitable méthode helvétique (on pourrait parler de « concept général sui generis »).

Malgré ses exceptionnelles qualités c’est une des tares de cette culture helvétique que de s’emmêler les pinceaux dans une foule de considérations de détails à propos de systèmes plus ou moins incohérents. Tout cela empêche, ou préserve imbécilement, de devoir penser. Et c’est un devoir que celui de penser, surtout pour s’économiser les excès d’activisme. L’ataraxie collective n’est hélas pas pour demain.

Sans entrer dans des propositions concrète (oui, il y en a, non dogmatiques, voir brouillon en annexe) il suffit de savoir qu’il est possible de survivre sans une stratégie énergétique vaste et globale et sans politique climatique (sic, expression oxymore). De toute manière les évolutions technologiques sont imprévisibles et leur adoption par le marché ne s’impose pas par diktat.

Les lois à réviser dans le sens proposé ici sont multiples et comportent de nombreuses interdépendances. Ce sera une bonne occasion, et un défi pour des juristes éclairés, d’en faire un ensemble digne de nos institutions. Et ce sera toujours plus intéressant que de se méfier de l’empreinte carbone du méchant ours bernois.


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