Une sobriété qui soûle

Il y a des mots que personne n’employait ni même n’en connaissait la signification et qui se répandent comme les nouvelles des chaînes continues. Sobriété est l’un d’entre eux, qui s’ajoute à résilience, renouvelable et durabilité.

Une personne sobre est connue pour sa modération quant au boire et au manger et, de manière figurative, pour sa discrétion, sa retenue, sa modération. Mais, plus communément, c’est à propos de la consommation alcoolique que l’on parle de sobriété, avec une limite administrative de 0,5 ‰ qui la sépare de l’ébriété.

Qui s‘est soudain mis à prôner la sobriété, et laquelle ? Pourquoi cette mode qui nous ramène aux prêches des apôtres Pierre et Paul ? Il serait étonnant que ce soit la renaissance d’un précepte de sagesse, c’est plutôt d’un usage opportuniste et alarmiste de ce terme dont il s’agit.

Cela vient, d’une part, de la réalisation par les écologistes de l’impossibilité de mettre en œuvre leurs politiques climatiques et de conservation de la nature. En effet, interdisant toute prise de risque et exigeant une application stricte mais dévoyée du principe de précaution, aucune solution technologique n’est acceptable à leurs yeux puisqu’aucune n’est sans impact sur l’environnement naturel. Rejetant ce qu’ils appellent solutionnisme technologique, il ne leur reste que la décroissance à proposer. Cela implique une réduction de toutes sortes de consommations allant même pour les plus extrêmes jusqu’à une mise sous contrôle de la natalité, voire l’euthanasie des vieux (par exemple ici et ici).

Mais il y a aussi une coïncidence qui apporte de l’eau à ce moulin-là. La défaillance de l’approvisionnement énergétique de l’Europe, accompagnée par une spectaculaire hausse des prix de toutes les matières premières, est un casse-tête pour tous les gouvernements. Ne pouvant pas trop continuer à émettre des chèques sans provisions, ils souhaitent brider la consommation, en tous cas jusqu’à ce que les pompes et compresseurs se remettent en marche après une guerre qui ne peut finir que mal. Le premier niveau d’alerte est celui de la supplique, s’il vous plaît soyez sobres ! Si cela ne suffit pas il faudra passer au rationnement puis à l’imposition de minima stricts. Cet appel à la sobriété n’est donc qu’une manière douce d’annoncer une gestion de pénurie.

Pourtant la situation qui devrait nous mener à tels extrêmes n’est pas avérée. Certes, les approvisionnements ne sont pas assurés comme avant, les stocks, qui étaient maintenus au plus bas possible, ont de la peine à se renflouer, les Chinois subissent le diktat du non-Covid, et les Russes n’ont pas encore compris qu’il n’y a rien à gagner. D’ici à ce qu’une nouvelle normalité s’installe, il faudra bien payer plus cher et se contenter de moins. Ça ne fait plaisir à personne et n’est supportable que pour peu de temps.

La catastrophe annoncée, qui serait la justification de la décroissance n’est pas avérée non plus, ni par un climat qui ne serait déjà pas tenable et qui ne pourrait plus jamais l’être, ni par un environnement naturel qui serait menacé, ni par un capitalisme privé qui n’est pourtant jamais pire que celui de l’État. De fausses prémisses ne peuvent mener qu’à des conclusions aberrantes.

Cependant, la ritournelle d’une sobriété bien heureuse est soûlante à force d’être répétée à toutes les sauces. Personne ne vit pour décroitre et se limiter à ses besoins basiques ; rien n’exige de passer à un mode de survie dans un abri misanthropique. Chacun est libre d’être dispendieux, gaspilleur et inutile, à ses dépens bien sûr ; personne n’a le droit d’imposer le contraire à quiconque. C’est là une arrogance de nantis qui, pour la plupart d’entre eux, ne participent à aucune activité génératrice de richesses et ne savent donc pas comment se remplit leur assiette. Par miséricorde, je ne critiquerai pas leurs multiples contradictions.

Voici donc mon contre-appel à aune autre sobriété, celle qui évite les logorrhées d’annonces de catastrophe, de disettes et de fin du monde et qui s’abstient de nous les servir à tout venant. Les cinglés du collapse sont-ils capables de comprendre que leur hystérie ne doit pas être contagieuse ?


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