Crises bienvenues et salutaires

Cela fait quelques années que des critiques acerbes sont formulées contre des transitions énergétiques mal pensées et mal embouchées qui vont des abyssales incohérences germaniques à l’abandon des atouts nucléaires français en passant par les helvétiques ni pour ni contre bien au contraire mais plus et mieux que les autres. Les meilleurs arguments au service de ces récriminations n’ont pas permis de transpercer les bouchons de cire qui scellaient les oreilles gouvernementales ni même celles du souverain suisse approuvant une loi sur l’énergie inapplicable et inefficace.

Et soudain, par un miracle paradoxal, la crainte d’une crise dont tous voulaient en ignorer la perspective occupe le devant de la scène médiato-politique et fait fondre ces bouchons. Alors qu’il coûte aux vieux croûtons dont je fais partie des semaines de peaufinage de textes superbement élaborés et minutieusement calibrés pour présenter encore et encore les mêmes arguments mais en mieux, ceux-ci se voient réinventés par une récente pluie de propositions qu’il eut été hérétique de mentionner si l’on voulait garder sa place à la cour d’avant l’orage. Notre dernier et parfait pamphlet, inacceptable hier, s’avère donc d’ores et déjà obsolète et ne sera pas publié aujourd’hui car désormais conformiste.

Il suffit donc d’un prix élevé du gaz pour que, miracle de transmutation spontanée, celui de l’électricité augmente aussi, même celle d’origine non fossile ; il suffit que le prix de l’essence atteigne des niveaux pourtant déjà atteints il n’y a pas si longtemps ; il suffit d’une perspective de goulot d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement du charbon (Australie-Chine), du pétrole (gaz de schiste US) ou du gaz (Russie-Europe via le Nord ou l’Ukraine). Il n’y a pas besoin d’un blackout, sa simple vraisemblance suffit pour faire paniquer une économie en plein rebond postpandémique. Après les jouets que le père Noël pourrait ne pas pouvoir livrer à temps si le canal de Suez avait à nouveau un porte-conteneur en travers de la gorge, c’est la perspective d’un écran sans pixel qui terrorise les grands manitous et leurs mignons.

Ça en devient désagréable de voir ainsi confirmées des opinions que personne ne voulait entendre ; cela ressemble à un vol de propriété intellectuelle. Mais ne nous plaignons pas, les bonnes idées le sont lorsqu’elles sont adoptées, même si leur paternité est maintenant revendiquée par les stériles idéologues de jusqu’avant cette dernière pluie. Nos manifestes en dix points ou nos démonstrations irréfutables que personne ne voulait ni même discuter deviennent le nouveau cheval de bataille d’un mainstream soudainement en marche sur son chemin de Damas. Cela ne le rend pas plus intelligent mais moins nuisible. Ainsi, des propositions inaudibles deviennent tolérables telle la nécessité de compter sur le nucléaire, d’aménager des capacités de production électrique d’appoint fonctionnant au gaz, de cultiver son autarcie énergétique nationale, de vendre cher ses services à des voisins tout aussi égocentriques que soi, ou même de rendre responsables de leurs bégaiements les producteurs d’un courant marginal et intermittent qui déstabilise les réseaux (photovoltaïque et éolien). Même le soufflé de la crise climatique se dégonfle quelque peu ; et la nécessité devient manifeste de procéder à plus d’explorations et d’exploitation de ressources fossiles afin de passer un cap critique à court terme et de continuer d’alimenter encore la chaudière qui doit cuire une soupe décarbonée tout au long du siècle en cours. Bienvenue au royaume des réalités !

Mais attention, il n’est pas très malin de décréter des tournants historiques au moment même où il est impossible de distinguer la part conjoncturelle de la part structurelle d’une crise. Si les vannes russes s’ouvraient et si la discipline de production restrictive de l’OPEP et de ses sympathisants cessait, cette crise ne ferait pas long feu et le retour aux démons précédents pourrait nous exposer aux mêmes enfers qu’avant. À moins qu’une cinquième vague ne viennent nous remettre à l’ordre… La crise se meurt, vive la crise !


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3 thoughts on “Crises bienvenues et salutaires”

  1. Ein ausgezeichneter Artikel. Leider weiss die Mehrheit unseres Volkes auch heute nicht, dass wir mit dem absurden, ineffizienten und widersprüchlichen Energiegesetz vom 21. Mai 2017 betrogen wurden. Ich gehörte damals zu den Gegnern dieses teuren Gesetzes. Es überrascht mich auch nicht, dass seit einer Woche plötzlich unsere damaligen Argumente laut und empfehlenswert werden. Doch ich traue den heutigen Opportunisten noch nicht. Nach dem COP26 von Glasgow (31.10.2021 – 12.1.2021) wird sehr wahrscheinlich die Mehrtheit dieser “Bekehrten” von Damaskus wieder mit Panikmache und Hysterie den Weltuntergang predigen.

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