Agriculture bio et finance verte, c’est kif-kif

En quoi l’agriculture et la finance ont-ils des analogies alors que les seuls tangos que ces secteurs dansent ensemble se jouent au plancher des futures de Chicago ? Eh bien, sitôt colorés de vert ça devient du pareil au même, ce qui demande des explications.

Il n’y a pas plus matériel et productiviste que l’agriculture, qui existe depuis une dizaine de milliers d’année et se trouve toujours en plein progrès, capable qu’elle est d’alimenter et d’habiller toujours mieux une population qui ne cesse de croître, et ce sans mobiliser plus de terres arables. Il n’y a pas plus immatériel et improductif que la finance qui, après avoir abandonné l’étalon or, se contente de jouer avec des chiffres. Pourtant les nombres des deuxièmes permettent d’échanger les produits des premiers, ce qui reste un mystère inexplicable.

L’agriculteur n’a pas de difficulté à mesurer son succès car son monde est bien concret. Dans le monde financier, des valeurs sont échangées sur la base de valeurs sous-jacentes attribuée à des activités humaines, elles-mêmes supposées créatrices de valeur. L’emploi du mot ″valeur ‶ a une signification bien différente selon qui l’emploie dans cette chaîne, sans oublier les philosophes et moralistes qui en ont encore une autre compréhension.

Tout ça pour dire simplement que l’on ne sait pas forcément de quoi on parle, surtout si ce sont les autres qui tiennent le micro et les cordons de la bourse.

Agriculture ou finance, c’est le résultat qui compte, actuel ou attendu, saisonnier ou trimestriel. L’important est toujours la quantité obtenue, devant bien sûr être agrémentée d’attributs primordiaux de qualité : produits sains et production propre, bilans et comptes de résultats honnêtes et solides, et en tous les cas stricte obéissance aux normes et aux lois.

Le Bio en agriculture n’est pas ainsi, il ne donne aucune obligation de résultat. Il est jugé avant tout par les moyens qui ne doivent pas être utilisés pour produire, par des interdictions, et il oblige à des pratiques qui satisfont des sentiments éthiques mais sans lien avec la qualité du produit consommé. Il conduit même à des résultats économiques inférieurs qu’il faudra compenser par des aides étatiques, des chaînes de distribution courtes et simplifiées, et des prix plus élevés pour le consommateur. Cette interdiction de moyens et ces méthodes conduisent à une baisse significative de la productivité des sols, des intrants, des énergies et des gens par rapport à une agriculture raisonnée qui maximise la production tout en préservant la santé, les sols, l’environnement et le bien-être du bétail (le cul-terreux faisant n’importe quoi de ses champs et de ses bêtes n’est plus qu’un personnage de roman historique). Le Bio agricole est une obligation de moyens et de certification bureaucratique qui a un important impact de marketing auprès d’une clientèle aisée et bobo, cultivant tous les stéréotypes qu’elle s’est fait inoculer : le bon – naturel, gentil, propre, sympa, local – et le méchant – chimique, génétique, productiviste, multinational. Ce marketing baigne dans l’huile !

Arrive la finance verte et climatique, ou son extension ESG selon les oukases onusiens (Environment-Social-Governance). Comme l’agriculteur bio, l’investisseur vert ou ESG n’est pas enjoint de produire des résultats, il est simplement mis en demeure de composer son portefeuille par des choix négatifs, ce qui ne doit pas en faire partie. Il devra obéir à des ordres supérieurs et obtenir l’adoubement par des certificats établis par des agences de notation qui serviront d’ouléma d’une nouvelle foi, celle de la conformité avec le catéchisme écolo-climatique. Que de jolies corruptions en perspective ! avec la ruine des fonds de pension à la clé.

Les donneurs d’ordre sont des idéologues, ce qui ne serait pas grave s’ils n’étaient pas en train d’imposer leur idéologie en menaçant d’opprobre et de sanctions les acteurs non dociles. Or en finance, perdre sa réputation est un pêché capital ; c’est pourquoi la soumission et le conformisme sont les tétines de ce milieu, des bulbes de tulipe à Amsterdam au XVIIè siècle aux sub-primes de 2007.

Voilà qui se veut gentil et joli, mais qui passe totalement à côté de beaucoup de réalités, par exemple que, pour encore des décennies et plus, il faudra continuer de construire des centrales à gaz et à charbon, des nucléaires aussi, ainsi que des raffineries de pétrole pour ne serait-ce qu’être en mesure de fabriquer des panneaux solaires, des éoliennes, des nouveaux véhicules ou autres merveilles d’avenir, disposer d’avions pour parcourir le monde, d’armements et de munitions pour se défendre, d’emballages pour prévenir la contamination des aliments, etc. : toutes industries peu écolos et non-EGS qu’il faudra bien financer. Et c’est bien par une haute productivité agricole, respectueuse de tout mais sans les interdictions du catéchisme Bio, que des terres seront préservées et pourront continuer de servir de réserve de biodiversité.

Le contreproductif devient un leitmotiv de la bien-pensance,
aux frais du contribuable et du consommateur, et de l’environnement même que l’on prétend protéger.

Une citation apocryphe est attribuée à André Malraux qui n’a pas dit « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas. » Cela s’avère pourtant vrai, mais pas dans le sens commun donné à la religion qui sonde le fondement des âmes et explique l’indicible. Ce ne sont maintenant que des colifichets qui sont agités, des moulins à prière qui sont tournicotés, des symbolismes comme l’agriculture bio ou la finance verte-ESG servant de stériles néo-religions. Ces simagrées coûtent très chers, mènent au mieux à rien et au pire au pire, mais abreuvent bien des suceurs, parasites, chasseurs de rente et prédateurs déterminés à en profiter. Il faudra des héros hérétiques pour s’y opposer.


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5 thoughts on “Agriculture bio et finance verte, c’est kif-kif”

  1. Beau discours, phrases ronflantes, mais à côté de la réalité. Monsieur, avez-vous eu l’occasion d’échanger avec des producteurs et des consommateurs  »du bio »?
    Je laisserai aux personnes du métier de paysan  »bio » le soin de corriger vos affirmations infondées donc mensongères sur les  » résultats économiques inférieurs »  »une baisse significative de la productivité des sols » etc…
    Je suis une  »consommactrice » (oui, consomaCtrice). Je me nourris depuis 40 ans d’une alimentation respectueuse de la nature, des animaux, de la Terre, des paysans, donc du  »bio ». On peut de focaliser sur les  »interdits », les  »choix négatifs ». On peut aussi reconnaître tous les choix positifs et tout le bénéfice apporté par ce respect de l’être humain, de sa planète dans sa globalité (nature, animaux…). Le combat serait plutôt de protéger tout ça de l’emprise des lobbies appâtés par le gain vert…
    Pour finir, je ne suis ni bobo, ni riche et ne me reconnais pas dans les  »stéréotypes » que vous affirmez. Je réfléchis, je regarde le monde, je fais mes choix. Et oui, je privilégie le prix juste, respectueux du travail, même si cela doit me coûter un peu plus cher. Que ce soit pour l’alimentation, les vêtements, ou tout autre achat, chaque fois que cela est possible dans notre monde en déroute …
    De grâce, allez sur le terrain avant d’émettre des jugements à l’emporte pièce et ne reflétant qu’une part de la réalité…
    Lilas-M Flandre

    1. Chère Madame,
      En tant que producteur de produits homologués pour l’agriculture bio je ne peux pas vous laisser sous-entendre, en parfaite ignorance de votre part, que je n’aurais pas de connaissances ni d’expérience dans ce domaine.
      « L’emprise des lobbies » a aussi bon dos, un autre stéréotype.

  2. C’est juste complètement sidérant de lire des choses pareilles
    Une attaque aussi systématique de la production biologique alimentaire
    Sur des évaluations complètement approximatives et tronquées
    Ne peut trouver son sens que dans un but de lobbying de l’agro-chimie
    Sinon, dans une idéologie aveugle quand aux problématiques des pollutions chimiques
    Induites par l’agriculture agro-chimique et la disparition de la biodiversité consécutive
    Je suis déjà entré une fois en controverse avec M. de Rougemont sur ce sujet
    Mais je vois bien que c’est inutile de controverser avec un mur de foi aveugle
    Il faut laisser cette tâche à des psychologues ou des sociologues

  3. Tu pourras aussi demander à ton banquier qui prend quel risque lorsqu’il recommande des investissements conforme ESG : lui-même par des investissements personnels, ou le délègue-t-il à ses clients et s’en lave les mains ?

  4. Ta polémique est justifiée par le fait qu’elle correspond aux thèses et aux observations des politico-économistes. Mais l’opportunisme dans les milieux des entreprises est la suite des règles du marché. La semaine prochaine j’aurai l’occasion de me faire expliquer par un responsable EGS d’une banque, comment il justifie son salaire considérable.

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