C’est la crise ! Laquelle ?

Ça rappelle la chanson de Pierre Perret à propos des arrière-trains dont certains sont dans la mouise ou ne se font pas de mouron, tout en se rappelant celui de Lucette, le préféré sentant la violette, alors que Maguy ferme le sien le mardi. Pour les crises ce n’est pas le même inventaire, pourtant chacun a ses préférées et peut redouter d’avoir à en aborder d’autres.
Il n’est pas toujours nécessaire de savoir de quoi on parle, mais ça aide.

Alors commençons avec un peu de pédantisme pour se rendre compte qu’il y a crise – du grec κρίσις – lorsqu’il devient nécessaire de faire des choix et d’agir afin de répondre à un accident de la vie, brusque et inattendu. C’est donc une phase décisive lors d’une situation dérangeante. Un état fugace de plénitude ou de bonheur n’est pas une crise car c’est un moment désirable. Elle se passe à toute échelle, de l’individu au collectif et du local ou global. Si une crise était permanente elle serait une condition désespérante, même si bien des charognards s’occupent à nous en infliger sans cesse.

Il y a les fatales, dont personne ne maîtrise vraiment la venue, même si elles pourraient être évitables ou reportées à plus tard. Elles peuvent provenir d’erreurs ou de malfaisance délibérée. Leurs effets sont ressentis et mesurables.

Mais il y a aussi la malice humaine qui les fabrique de toutes pièces dans le but de poursuivre des avantages particuliers, de conquérir un pouvoir ou de créer des « conditions objectives » propices à une révolution. Souvent elles sont illusoires, issues de fantasme ou de perceptions biaisées de la réalité : ou alors elles sont prophétiques, annonçant d’autre catastrophes. Le mensonge du politiquement correct peut aussi fabriquer des crises, bien plus souvent qu’on ne pourrait le penser.

Qu’elle soit fatale ou fabriquée, toute crise devient bien réelle et exige des réponses afin de la résoudre ou la dissoudre. Mais il ne faut pas croire pour autant que toute crise fabriquée devrait être le fruit d’un complot, ce serait trop simple.

Tout ça est bien théorique, il y faut des exemples, en distinguant les crises dont on peut penser qu’elles ont une solution et celle qui s’avèrent irréductibles.

Imaginez un de ces fameux cadre 2×2 qu’adorent les consultants et impressionnent leurs clients : en bas à droite il y a les crises fatales que l’on peut résoudre, comme un état maladif, une conjoncture économique qui vire mal, une situation financière exigeant sanction, un risque sécuritaire, sanitaire ou environnemental qui se manifeste.

En haut à droite elles sont majeures et sans solution. On pense aux catastrophes naturelles, à la criminalité en général ou au surgissement d’une maladie incurable.

À gauche, c’est le fabriqué que l’on pourrait croire toujours contrôlable avec, en haut, les idéologies coercitives dont le terrorisme organisé est une manifestation et qui ne s’éradiquent jamais vraiment, les vrais complots, réussis parce que vrais donc rares, et aussi les annonces anxiogènes de l’effondrement général, souvent liées à des croyances. En bas à gauche c’est l’hypocondrie individuelle ou collective qui peut se manifester, une urgence créée de toutes pièces à propos de bonnes questions comme celles du climat, de la mort des forêts et de la disparition des espèces, ou bien des antagonismes politiques montés de toutes pièces et, bien sûr, le complotisme.

Selon le quadrant dans lequel on se trouve, la gestion de la crise prendra des tournures différentes. Il faut s’attaquer avec ordre et professionnalisme aux crises fatales et solvables (en bas, à droite), comme le font les pompiers devant un incendie, donc sans exclure à tout prix que des dommages en résultent. L’expérience permet aussi de faire de la prévention, de circonscrire l’extension et l’intensité des dégâts, et bien sûr de corriger certaines des causes afin de réduire les risques.

Pour les crises indomptables c’est par la surveillance que des dégâts seront évités, par exemple en évacuant à temps une côte menacée par un tsunami ou en ne construisant pas de maisons en zones inondables. Mais il faut aussi s’y adapter, vivre avec, comme les agriculteurs avec les conditions climatiques ou les Sicilien cultivant des agrumes sur les flancs de l’Etna. Dans la plupart des cas, il faut savoir apporter les secours rapidement et efficacement afin que des victimes puissent être sauvées, soignées, réconfortées et qu’elles puissent se rétablir et reconstruire.

Les crises fabriquées posent le problème de leurs fabricants qui, en régime démocratique du moins, ne peuvent pas être éliminés ou rééduqués. Il s’agit d’abord de les diagnostiquer afin de bien les distinguer des crises fatales, de calmer les populations qui se sentent concernées quitte à leur administrer des placebos symboliques, de faire le dos rond jusqu’à ce qu’elles s’éteignent. Les gouvernements et les story tellers qui chuchotent dans leurs oreilles sont experts en la matière, tant dans la fabrication que dans la résolution de telles crises ; on pourrait même croire que c’est leur raison d’être, et ce d’autant plus que les médias goulus les y animent.

Mais il y a les crises fabriquées sans autres solution que la guerre ou l’abandon (en haut à gauche). L’espionnage permet de les prévenir ou de les contrer mais, in fine, il faut que le fabricant disparaisse, physiquement si nécessaire, ou alors, indigne fin de crise, on se soumet en laissant un ordre nouveau s’établir.

Se préparer à gérer des crises est une chose, c’est accepter qu’un risque se manifeste et aussi que le hasard nous joue des tours. Croire que toute crise est prévisible, donc évitable, est pourtant une illusion. Cassandre avait toujours raison mais n’était pas écoutée. Pourtant les Cassandres sont de plus en plus nombreuses, exaltées par les moyens offerts par les réseaux asociaux, et se font ainsi une audience de plus en plus anxieuse ; ce sont ces sirènes qui appellent à la précaution absolue, celle qui fait tout éviter, qui interdit toute prise de risque, et qui ne sait mener qu’au néant. Cassandre, même de grande beauté, n’est pas humaine, inépousable.  

Sortir des crises sans en créer d’autres est aussi un défi. Les révolutions peuvent être suivies de la Terreur, des solutions bonnes pour les uns peuvent être désastreuses pour les autres, comme les hôpitaux sauvés de l’engorgement de leurs services de réanimation n’ont plus de patientèle souffrante d’autres maux.

Et puis il y a les benêts qui prétendent que l’après ne devrait pas être comme l’avant. Même si une crise contribue à des enseignements dont il faudra tenir compte, le fait même qu’elle ait lieu requiert le rétablissement d’une normalité faite d’habitudes éprouvées, de relations apaisées et de liberté de vaquer à ses occupations préférées. Toute crise révèle le meilleur et le pire des gens, il suffit juste de veiller à ce que ce ne soit pas dans le pire qu’ils s’avèrent être les meilleurs, car toute leçon n’est pas bonne à prendre. Comme en toute chose humaine, il y aura des victimes et des profiteurs, souvent les mêmes qu’avant, et des comptes devront être réglés ; cela n’est pas une raison pour tout mettre sens dessus dessous, ce qui provoquerait une nouvelle crise. On n’écoutera donc surtout pas les sempiternels casse-pieds et autres altermondialistes voulant profiter de l’occasion pour faire passer leurs inepties, même si ce sont des matrones vertes en quête de sauvetage de la planète.

Les crises n’ont rien de bon, mais c’est en apprenant à les résoudre que les personnes et la société apprennent à se forger le caractère.

Il aura fallu environ six minutes au lecteur pour absorber, j’espère, le texte qui précède.
Un résumé d’une minute lui est servi ici (ça va vite mais on peut faire un arrêt sur l’image) :


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