Le script est écrit, le tournage se répète régulièrement, les acteurs ont si bien pris possession de leurs rôles qu’ils les habitent pour de vrai, la série « En chemin pour l’enfer », Saison 14, épisode 2020 peut doit être visionnée à la demande sur toutes les chaînes connectables. Si l’on a le temps il est aussi possible de revoir les ~2700 épisodes précédents dont certains font l’objet de réédition dès que l’actualité n’autorise plus le contexte d’alors, car ce qui compte est le narratif fondamental, celui de la permanente instantanéité.
Personne n’ignore que l’Homme est coupable d’être la seule espèce ravageuse de la Nature ; il ne serait pas nécessaire de le répéter si cela ne donnait pas l’occasion d’inventer des comptines toujours plus croustillantes décrivant comment le grand méchant se farcit le pauvre gentil pour succomber ensuite à ses propres excès, manquant de nouvelles proies après s’être rassasié. On est passé par les exaltations sacrificielles d’Abraham, les foudres de Zeus, l’apocalypse de Jean, les massacre des apostats du Coran, les chasses aux sorcières, les achats d’indulgence, la sainte Inquisition, la Terreur révolutionnaire, la lutte des classes, la terreur anarchique, le suprémacisme racial, la déconstruction relativiste, la terreur islamiste, et que sais-je encore. La mode est aujourd’hui à la dévastation de l’environnement et à l’ébullition climatique qui, grâce à des moyens de communication sans précédent, s’est répandue plus vite que toutes les épidémies. Mais ça ne restera qu’une mode de plus, de quoi alimenter la saison actuelle du feuilleton en cours.
Il n’est pas certain que les concepteurs du script y croient ; par le cynisme qu’il implique le contraire est plus probable. Dans les médias et le public il y a les hyper-réactifs qui s’en donnent à cœur joie, traitant toute nouvelle comme événement historique sans précédent, n’ayant bien sûr jamais le temps de visionner les épisodes antérieurs, même les reformatés. Les concernés (en un ou deux mots, à choix) ou ceux qui se sentent tels transforment la comédie en drame moral et exigent que des mesures définitives soient prises. Ils ne sont pas nécessairement nombreux mais, se regroupant en communautés victimisées par toutes les autres, ils ont un grand succès d’audience. Les activistes poussant au crime répètent que cette fois-ci c’est différent et que l’on va voir ce que l’on va voir. Les opportunistes s’en emparent et vivent du populisme qu’ils nourrissent avec cette manne. De fait, c’est toujours et encore le même script. Inutile de subodorer un complot, la coïncidence des intérêts de ces groupes disparates suffit.
Que font les quidams, donc vous et moi ?
Ceux qui ne font pas partie des catégories citées au paragraphe antérieur s’émeuvent tant qu’ils n’ont pas compris que c’est du bis repetita, plutôt non placent dans la majorité des cas. Ils en apprennent le nouveau vocabulaire, et l’utilisent à bon escient ou non ; ils s’adaptent. Peut-être même se transforment-ils en opportunistes et montent dans le train en marche. Mais il faut bien constater que c’est l’indifférence qui l’emporte. Certains s’en fichent par sagesse, car ils savent que toute déviance ne servirait à rien, d’autres s’en fichent par dépit, car ils savent qu’ils ne peuvent rien y changer, le gros reste s’en fiche par ignorance car ils savent qu’en savoir trop fait de vous un inconfortable provocateur.
Faites des sondages ou des micros-trottoirs, le mainstream en dégoulinera, d’abord parce que les questions seront suggestives (nudging) et ensuite parce que chacun sait que répondre à l’encontre des intentions du questionneur le mettra au mieux sous silence ou alors l’enverra au trou ou au pilori. Même chose pour des sondages parmi lesdites élites, au-delà des lambda, comme par exemple les sentiments recueillis auprès des chefs d’entreprises renommées lorsque des consultants non moins renommés leur soufflent les bonnes réponses. Pire, les mêmes consultants se fondent sur de telles enquêtes pour transformer ces sentiments en réalité. Cela reste benoîtement banal et ne mange pas de pain si les CEO disent qu’ils pressentent l’avenir comme incertain ; mais s’ils répètent que de la valeur sera créée par la conformité à des normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG criteria) alors c’est là une vérité qui est révélée : les normes ESG créent de la valeur. Par quel mécanisme ? personne ne le sait ? En quelle mesure ? l’étalon fait défaut, et le banc de mesure aussi. Il en va de même dans bien des domaines : l’insécurité ressentie devient une insécurité objective, la dégradation de l’environnement n’a pas besoin d’être constatée pour être évidente, la vilenie humaine est donc pervasive puisqu’elle se révèle ici ou là. Ça marche aussi dans un autre sens, jugé plus positif, attribuant une valeur générale à des anecdotes ou des coïncidences, comme le sauvetage de la planète par la biodynamie, la permaculture ou les façades végétalisées, l’apostat isolé qui sauvera sa religion et/ou nous en sauvera, le culte qui soigne des populations entières, ou l’éclipse du Soleil qui donne à Tintin des pouvoirs magiques. Tout est possible, et si c’est possible cela sera. C’est le nombre de click qui en fait la preuve. Tout y est vrai, donc ce ne saurait être des fakes news, par contre il est certain qu’il s’agisse de fake opinions. C’est ainsi que l’opinion publique se laisse formater pour devenir un courant dominant et une pensée unique. Tout faux mais si juste !
Le quidam sent bien tout ça mais préfère ne pas s’emmêler, avant tout pour son propre confort car on ne vit pas mal au pied d’un volcan que l’on pense éteint. Et si le volcan donne des signes de réveil, cela le paniquera et le scandalisera, bien que plus rien ne puisse être changé à l’asservissement qu’il a librement consenti. S’il ne s’en était pas fichu il aurait dû se rebeller, mais c’est trop tard. C’est ainsi que s’installe tout conformisme, y compris le plus totalitaire. La majorité dite silencieuse s’y conforme parce que, précisément, elle s’en fiche.
C’est Nietzsche qui nous revient en plein dans la gueule :
Kein Hirt und eine Herde! Jeder will das Gleiche, Jeder ist gleich: wer anders fühlt, geht freiwillig ins Irrenhaus.F. Nietsche “Also Sprach Zarathustra”, Zarathustra‘s Vorrede Kap. 5
Kein Hirt und eine Herde! Jeder will das Gleiche, Jeder ist gleich: wer anders fühlt, geht freiwillig ins Irrenhaus.
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