Imaginons un instant que le monde soit soudainement vidé de tous les êtres humains qui l’habitent. Toute autre chose reste en son état ; le mécanisme de cette extermination n’importe pas, tel par exemple un suicide collectif.
Ainsi donc notre planète se trouverait libérée des agressions humaines auxquelles elle est soumise depuis environ 50’000 ans, l’avènement de la civilisation. Comment évoluerait-elle ? Voici un scénario possible.
Les surfaces cultivées redeviennent sauvages, les variétés de plantes cultivées se diluent parmi les autres espèces. L’activité biologique des sols se diversifie là ou une spécialisation des cultures était pratiquée. Durée approximative : quelques dizaines d’années.
Les animaux domestiques se répandent dans la nature et sont soumis à la concurrence des espèces sauvages. Certaines espèces survivent et évoluent, d’autres s’éteignent. Les stocks de poissons se rétablissent à un nouveau niveau selon une nouvelle hiérarchie de prédation. Il n’y a ni plus ni moins d’espèces, ni plus ni moins d’apparitions ou de disparitions d’espèces. Mais la biodiversité locale est rétablie là où elle était réduite par l’activité humaine. Durée approximative 3 à 5 générations, soit de l’ordre d’un siècle.
Les zones construites, villes et voies de transport, se font envahir par la végétation. Les immeubles en béton se dégradent, les structures en acier rouillent et se dissolvent. La biomasse n’étant plus retirée des champs et des forêts, elle s’accumule. Par l’action des organismes du sol qui fixent la biomasse et la minéralise les structures construites sont lentement recouvertes. Les ruines deviennent cachées. Durées approximative : de quelques siècles (en zones tropicales et tempérées, selon l’exemple des ruines maya) à plusieurs millénaires (en zones froides).
Les déchets se dégradent, les nucléaires plus lentement que les autres. Les pollutions organiques se décomposent, les pollutions minérales sont soit fixées en leur état soit lentement lavées par les eaux de ruissellement. Les mines sont fermées et se bouchent.
La cacophonie électromagnétique des radios, télévisions et autre moyens de télécommunication est rendue silencieuse. Alors que la plupart des satellites réintègrent l’atmosphère et s’y détruisent, d’autres restent en orbite ou continuent leur voyage dans l’espace interstellaire ; leurs capacités énergétiques s’amenuisent lentement et s’éteignent après peut-être plusieurs centaines d’années. Ces derniers signaux envoyés par les humains continuent de se translater dans le cosmos à la vitesse de 300’000 km par seconde.
Les émissions de gaz à effet de serre stoppent. Alors que les émissions de dioxyde de carbone chargeaient l’atmosphère de 3,8 ppm supplémentaires par an il n’était observé que 2 ppm d’augmentation de la concentration dans l’air. L’absorption par l’eau, le sol et la création de biomasse fixaient donc environ 1,8 ppm de CO2 chaque année. À ce rythme, supposé linéaire, il faut donc attendre 62 ans pour que la concentration atmosphérique de CO2 redescende de 391 à 280 ppm, le niveau de l’ère préindustrielle. Le méthane continue d’être émis par les marais et par les animaux. Le protoxyde d’azote n’est plus émis par la décomposition d’engrais de synthèse. Les chlorofluorocarbones disparaissent de l’atmosphère en quelques dizaines ou centaines d’années.
La météo reste changeante et le climat continue d’évoluer entre des périodes glaciaires.
Le savoir humain reste conservé sur des supports papier, magnétiques et optiques. Il est probable que certains exemplaires restent accessibles pendant des dizaines de milliers d’années. Mais il est aussi probable que ni l’entier du savoir ni la saveur de l’expression artistique humaine ne resteront intacts.
Et puis plus rien : la Terre est donc sauvée ! A-t-elle jamais été en danger ?
Il ne lui reste que quelques cicatrices qui témoignent d’une présence humaine antérieure.
Elle peut attendre l’émergence d’une nouvelle espèce qui posséderait une intelligence supérieure et une conscience de soi suffisante pour recréer une civilisation.
Cette hypothétique héritière devra se développer jusqu’au point d’être compétente en archéologie pour éventuellement retrouver des traces du savoir humain. Mais cela n’aura que peu d’utilité car cette nouvelle civilisation se sera déjà développée à un haut niveau afin d’être capable d’interpréter ces traces. Elle sera donc intéressée, curieuse et certainement amusée de ce qu’elle pourra comprendre des errances de l’espèce humaine en des temps préhistoriques. Au cours de son développement elle se créera elle aussi des problèmes et aura des soucis à propos de sa pérennité. Ce sera le moment où un des individus vivants dans cette civilisation s’exprimera sur le sujet de sa disparition et de l’avènement d’une nouvelle espèce dominante.
Prométhée finissant comme Sisyphe, il n’y aura rien de nouveau sous le soleil jusqu’à ce que cette étoile, devenue géante rouge, engloutisse la Terre, et avec elle toute trace d’une ou plusieurs civilisations.
Encore quelques milliards d’années d’un monde éphémère.
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