La transparence est en train de devenir un droit fondamental. La société l’exige. Faut-il qu’il en soit ainsi ?
Dans le bon vieux temps les seuls documents offrant à chacun une grande transparence était le bottin du téléphone et les encyclopédies. Et depuis les choses sont devenues plus variées et complexes, mais pas nécessairement plus intéressantes.
Comptes, déclarations d’impôts, avoir fiscaux et défiscalisés, intérêts et participations, membres de clubs et inféodation aux lobbies, financement des partis politiques et du club de boule, vie sentimentale, carnet de santé, dressage du chien, processus de nomination de Miss Suisse, brossage de dents, coloscopie : tout doit être transparent.
Seulement il y a un petit problème : y voit-on vraiment mieux ?
Prenons une substance parfaitement translucide, par exemple de l’eau pure. Dispersons-la en de fines gouttelettes, chacune restant parfaitement transparente. Et lançons tout ça dans l’air, média aussi parfaitement transparent. Qu’en résulte-t-il ? Un bon brouillard opaque !
Alors des béquilles nous sont offertes sous forme de moteurs de recherche afin de trouver la gouttelette qui nous intéresse. Mais on ne sait pas par quels critères ce moteur sélectionne et ordonne les priorités. Il faudrait vraiment que Google et Wikipédia soient plus transparents !
Ayant compris cela de bons esprits renversent le système, le média devient l’acteur de transparence : presse écrite sur papier ou électronique, chaînes de radio et de télévision, blogs, newsletters. Chacun s’empare d’un même sujet et le traite avec tellement de détails que l’on aura peine à distinguer le fondamental de l’anecdotique. Beaucoup de bulles dans l’eau lui font perdre aussi sa transparence. Le sujet devient flou par la multiplicité des analyses ; sa cohérence, s’il en a, est dépecée. L’analyse tue le diagnostic.
Pour y voir quelque chose il faut laisser décanter, c’est-à-dire calmer le milieu afin que les phases se séparent. Plus les particules sont fines plus l’émulsion est stable et plus il faut du temps pour y voir clair. C’est ce qui s’appelle prendre du recul et avoir de la patience. Et une fois que sujet et media sont séparés, on voit apparaitre un contenu impossible à détecter quand tout est agité et dispersé. Le sujet est alors simple à analyser, les motivations du media sont démontées, et chacun peut se forger son opinion sans être troublé par un nuage de fumée.
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