Le refus du risque

Oui, il est possible d’être assis sur un baril de poudre sans que le risque soit important. Tant qu’aucune étincelle n’est présente, l’explosion n’a pratiquement aucune chance de se produire. La dangerosité d’une situation n’implique pas d’être exposé à un risque intolérable.

Danger, menace, risque, exposition, tolérance, précaution, tous ces concepts sont biaisés par ceux qui les utilisent pour de mauvais augures, les réduisant à un seul message : notre société n’est ni sure ni juste. Et c’est toujours par la faute des autres.

Jamais heureux, les accidents et les victimes se succèdent. Le politique de service se rend sur place, compatit avec les proches, parle de solidarité et d’entraide, et promet que tout sera fait pour que cela ne se reproduise pas. Le politicien qui promet la sécurité est un menteur car il sait que cela est impossible, mais ne pas mentir est trop risqué: toute vérité n’est pas bonne à dire, surtout lorsque l’émotion est à son comble.  S’il s’ose à prononcer la grosse banalité de l’inexistence du risque zéro, ce n’est en fait que pour se défausser en vue de la prochaine fois. Qui se ferait élire sur un programme d’acceptation d’un monde effrayant ?

Nos sociétés font d’immenses progrès et gèrent les risques qui en découlent, de la circulation piétonne aux technologies de pointe, de l’activité innocente à la criminelle, des substances les plus banales aux plus toxiques. Au fond de nous-mêmes nous acceptons chaque jour de nous y exposer plus ou moins délibérément, plus ou moins volontairement, tacitement en tous cas.

Pourtant dans le débat public aucun risque n’est tolérable. Il est interdit de dire qu’il est acceptable que meurent 216 personnes par année sur les routes suisses (information vraie), que les particules fines causent 3000 morts prématurées (information fausse), que des substances chimiques soient utilisées, que des déchets soient produits. Il faut interdire ce qui fait peur, même si la situation de risque ne sera pas modifiées car les alternatives, elles aussi, présentent des risques.

La peur reste un puissant instrument de pouvoir. Il suffit de nommer un danger et de se poser ipso facto comme champion de la précaution : interdire en vrac les pesticides, le nucléaire, les perturbateurs endocriniens, les OGM, et même le CO2 que nous expirons ! Il est moralement intolérable que les bénéfices offerts par ces activités humaines puissent être supérieurs à leurs inconvénients ; il est scandaleux de penser qu’un cadre de risques acceptables puisse être donné à l’homo economicus que nous sommes. Pourquoi ? parce que s’il y a risque, il se réalisera un jour ; et ça, personne ne désire le savoir.

Avec ses politiques volontaristes soi-disant courageuses, et pourtant irresponsables car ignorant les contingences et court-circuitant la raison, le populisme officiel se nourrit de ces peurs. S’il se rétracte en autorisant un herbicide ou reportant sine die la fin du nucléaire, alors il sera accusé de traitrise et d’inconséquence. Même le populisme peut ne pas avoir toujours raison, c’est rassurant.

En attendant rassurez-vous : tout est sous contrôle ! Big Brother s’en charge.


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1 thought on “Le refus du risque”

  1. Bien d’accord avec vous ; ajoutons que « la peur » (réelle ou supposée) d’un phénomène (Climat, glysophate ou autre) est bien pratique aussi pour lever toutes sortes de taxes, de plus en plus chères et nombreuses.
    Mais que font les scientifiques, pourquoi ne réagissent-ils pas aux âneries dont la Presse complaisant nous abreuve ??

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