Chacun d’entre nous aura besoin de se faire soigner, un jour ou l’autre, souvent ou rarement, de manière intensive ou bégnine. Comme les conséquences pécuniaires d’une maladie ou d’un accident peuvent aller bien au-delà de notre capacité économique individuelle, le risque sera réparti entre plusieurs, dans une société d’assurance. Ayant un grand nombre de cotisants, l’assurance est à même de répartir les risques et de prendre en charge ces cas coûteux. L’assurance de base est obligatoire en Suisse et son tarif est différent de canton à canton selon la politique de santé et la fiscalité de ce dernier. Pour couvrir des soins non standards ou offrir des modalités plus confortables il est possible de contracter, de gré à gré, des polices d’assurances étendues.
Il y a d’autres systèmes possibles, tous ayant des avantages et des inconvénients. En gros il y en a trois : le libéralisme débridé, l’état providence, et le plan d’épargne doublé d’une réassurance.
Le libéralisme débridé n’existe pratiquement pas, sauf dans les pays si pauvres qu’il n’y a pas de système de santé. Même les États-Unis avant Obamacare ne fonctionnaient pas ainsi. Mais dans un tel système le renoncement à la consultation et au traitement sera la règle pour les plus pauvres, souvent aussi les plus exposés. Une compensation par des services charitables ne suffira pas à garantir un bon état sanitaire d’une population, ce qui aura immanquablement des répercussions défavorables sur l’économie en général. Une spirale négative et un système extrêmement cher et de qualité douteuse en résulte, l’exemple même incomplet des USA le montre.
La sécurité sociale généralisée, telle qu’elle est pratiquée en Espagne, en France ou au Royaume Uni, permet un accès de chacun à tous les soins quelle que soit sa condition. L’État fixe un cadre budgétaire dans lequel les professionnels de santé auront à s’organiser. Le financement se fait par des retenues sur les salaires et aussi par redistribution de la manne fiscale. La critique la plus souvent donnée à un tel système est que les budgets sont insuffisants quoiqu’immenses et qu’il est un monstre mal géré, ce qui n’étonne personne au vu d’une telle centralisation. Aussi l’accès aux soins est souvent de piètre qualité, non tant médicale qui est souvent excellente, mais limité et accompagné de favoritismes ou de négligences. Des restrictions ou des normes d’intervention, soins à donner ou non à des vieillards par exemple, deviennent des injonctions générales faites aux praticiens. Les assurances complémentaires font de bonnes affaires dans de tels système où la consultation d’un même médecin peut être effectuée dans les 24 heures dans son cabinet privé mais seulement après des mois d’attente dans son emploi public. En Suisse des tentatives répétées ont échoué qui voulaient introduire un tel système par le biais d’une assurance unique. Il s’agit là plus d’un choix politique que d’une réflexion sur un système de santé.
Une autre voie possible est moins connue, mais très intéressante. Elle consiste à différentier entre plan d’épargne personnalisé et assurance collective. L’accouchement n’est pas un risque, les soins dentaires sont répétitifs, les besoins de correction optique sont quasiment programmés, les bobos et autres bronchites viennent et s’en vont, un ensemble de maladies et d’accidents usuels font partie d’un destin individuel. Dans ces événements il n’y a pas de risque différencié, tout cela arrivera à chacun, c’est banal. Pour traiter cela le principe d’assurance est contre-productif. Tout d’abord en bonne logique : ce qui est certain n’est pas un risque. Ensuite, en pratique, c’est la tragédie des communs qui se répète : tout le monde y ayant accès, tout le monde aura tendance à en faire un usage maximum sans considérations de solidarité, ce qui a pour conséquence que les actes se multiplient avec des examens toujours plus sophistiqués, sans mesure avec les besoins de diagnostic ou de thérapie. L’idée est alors, comme pratiquée à Singapour, de ne plus considérer de tels besoins comme des risques à couvrir collectivement mais de mettre en place un système à plusieurs piliers, l’un étant la subvention directe de l’État via les impôts qu’il perçoit, l’autre un plan d’épargne pour payer les soins de types usuels, une assurance pour les risques catastrophiques (une liste fermée de maladies de longue durée, d’interventions et de traitements extrêmement lourds et chers), et une assurance minimale de base pour ceux qui n’ont pas de quoi abonder le plan d’épargne. Cette épargne devra être forcée par prélèvement sur les salaires (à Singapour allant de 8% à 10,5% selon le groupe d’âge), elle est individualisée et il n’est pas permis de la dépenser pour autre choses que la santé. Elle est échangeable à l’intérieur de la famille étendue et, si elle n’a pas été consommée, elle se transmet comme un héritage. Le gouvernement subsidie massivement les hôpitaux pour 80% de leurs coûts et fixe aussi des montants maximaux de facturation des séjours hospitaliers acceptables pour le plan d’épargne (au-delà desquels le patient devra payer d’une autre de ses poches). Dans son ensemble le système de santé utilise 5% du PIB et il est classé le deuxième meilleur du Monde après Hong-Kong. Mais rappelons-nous que la population y est jeune, âge médian 34.3 ans (Suisse 42.2), donc moins demanderesse de soins. Et aussi ce système ne s’applique qu’aux Singapouriens, pas aux étrangers qui forment les 39% de la population.
Dans un tel système le patient consulte, compare, se fait traiter, guérit, reçoit une facture, la contrôle et la paye en utilisant son compte santé réservé à cet effet. Il sera plus ou moins parcimonieux avec son compte mais il sait qu’il en est responsable, qu’il soit frugal ou hypocondriaque ; s’il l’épuise, il tombera dans le plan d’assurance minimale, minimaliste et peu attractif. En tout temps il peut demander des devis et juger s’il va se faire traiter dans tel établissement ou dans tel autre. C’est aussi simple que cela. Pour le médecin ou pour l’hôpital il est important de démontrer un niveau de soins de qualité car le patient est seul à décider du rapport qualité-prix qu’il désire, sans se sentir trop poussé à la consommation. Les risques d’impayés sont quasiment nuls. L’assurance n’entre en jeu que dans peu de gros cas, elle retrouve son rôle de gestion de risque et non plus celui de soi-disant gendarme d’un système à la dérive.
Prochain article: Voies à suivre
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *
Commentaire *
Nom *
E-mail *
Site web
Enregistrer mon nom, mon e-mail et mon site dans le navigateur pour mon prochain commentaire.
Oui, ajoutez-moi à votre liste de diffusion.
Laisser un commentaire
Δ
Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.