Souvent il est dit que la qualité des soins en Suisse est parmi les meilleures si ce n’est la meilleure du monde. Comme on entend la même chose dans d’autres pays il est permis d’en douter. Ce qui est certain, c’est que le système suisse est l’un des plus coûteux au monde, mais aussi qu’il est impossible de savoir si on en retire des bénéfices en proportion. Des comparaisons internationales existent, bien qu’assez douteuses quant à la validité des critères. Selon un classement Banque Mondiale–OMS–FMI pour 2014, le système suisse serait au 14ème rang dans une liste de 55 pays, derrière les deux meilleurs Hong Kong et Singapour, en Europe derrière l’Espagne, l’Italie et la Grèce, mais devant la France, le Royaume Uni et l’Allemagne. Mais cinq ans auparavant elle était au 10ème rang de ce même classement, une mauvaise tendance se dessine.
La satisfaction des patients est en général bonne, en tous cas pour ceux qui sortent vivant des mains des carabins. Du côté négatif, des anecdotes se répètent à propos de délais impossibles, d’attentes interminables dans des salles peu agréables, de rendez-vous à la Saint Glinglin, d’opérations banales retardées de plusieurs semaines sans bonne raison, d’attitudes caporalesques d’employés d’assurance, de tarifs médicaux si précis qu’ils sont inscrutables, de factures non vérifiées par le patient car invérifiables, ou d’abus de toutes sortes. Cette accumulation de critiques n’a rien de statistiquement significatif mais elle ne laisse pas penser à une organisation performante. On remercie chaleureusement son équipe soignante mais on reste peu satisfait du système.
Il y a aussi des perversités systémiques comme la franchise d’assurance qui fait qu’une fois atteinte le patient aura très envie de se transformer en consommateur ; les généralistes le ressentent bien en fin d’année, sollicités qu’ils sont par des symptômes relevant plus d’un désir de bons petits soins que de pathologie à traiter. Une autre perversité se rencontre lorsqu’un assuré se dit : « pour les primes exorbitantes que je paye, j’ai bien droit à des soins particuliers », et s’en va ainsi à la recherche de bons plans de cure ou de rafistolages inutiles.
Aussi, la prolifération du tiers payant, moyen efficace pour le prestataire d’encaisser ce qui lui est dû, a pour corollaire la déresponsabilisation du patient. Comme il ne voit plus la facture on peut se demander qui la contrôle vraiment avant d’autoriser son payement ; et si l’un d’eux s’y aventure il lui faudra une formation intensive pour en comprendre les arcanes. Big Brother prend soin de toi !
La mise en réseau des prestataires de services médicaux (en gros : généralistes et spécialistes, laboratoires et physiothérapeutes) est décrite comme un sommet du traitement holistique du patient et une solution pour diminuer les actes redondants, donc réaliser des économies. On peut en douter car une fois pris dans un tel réseau le patient se trouve examiné sous autant de formes qu’il y a de praticiens et pas nécessairement de manière parcimonieuse ni vraiment ciblée. On peut d’ailleurs se demander qui est vraiment l’interlocuteur principal et responsable du patient. Ici aussi, pour faire le bien il semble qu’il faille faire un max.
L’assureur demande des comptes aux médecins ; il les paye même pour écrire des rapports indus car relevant du secret médical. Tout cela est du temps perdu qui aurait pu être consacré à mieux soigner les gens. L’assureur se justifie en prétendant être le gardien du système et en disant que seuls d’autres médecins lisent ces rapports, ce qui est un abus de confidentialité qui ne doit en aucun cas servir les intérêts économiques de personne, même des assureurs, mais à laisser au patient le choix de qui est autorisé à savoir comment son corps et sa psyché fonctionnent, donc par défaut personne. Autoriser son généraliste à transmettre son dossier au spécialiste ou vice versa a un but purement médical, cela se fait naturellement. Par contre, un médecin conseil d’assurance ne devrait pas avoir droit à cette information sans autorisation explicite du patient, valable une seule fois dans un cas précis pour une raison précise. Il est vrai que le simple énoncé des codes du tarif Tarmed dans une facture permet à un initié de savoir presque tout sur l’état sanitaire d’une personne. Ceci est une autre raison de changer ce système.
L’assureur exige aussi d’être consulté avant une opération ou un traitement couteux afin de l’autoriser. De quoi se mêle-t-il ? Là aussi il y a abus de pouvoir. L’assureur n’a qu’à confirmer le statut d’assuré du patient, c’est-à-dire garantir le paiement, c’est sa seule fonction.
Comme toujours on me dira que je n’y ai rien compris, que ce système est démocratiquement approuvé (ce qui n’est pas vrai) et qu’il est donc bon (mon œil). Comme c’est devenu un monstre, il faudrait s’en contenter et ne pas tenter d’y mettre une once de qualité et de compétitivité. Il faut pourtant mettre en question les fondements d’un système qui doit s’améliorer.
Prochain chapitre: Universalité du principe d’assurance ?
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