À quoi bon ?

Il s’agit ici de l’avenir du non-débat énergétique, climatique et écologique en Suisse, et ailleurs.
Les décisions sont prises, les « transitions » dans ces domaines sont décidées, il ne sert à rien de vouloir refaire le match perdu.
On peut même se demander si cela vaut la peine de continuer à critiquer, argumenter, démontrer l’inanité de ce qui a été décidé, si s’échapper dans un coin de relative tranquillité n’est pas plus recommandable. Pourtant ne pas le faire serait accepter l’asservissement au courant dominant et contraignant (mainstream), renoncer à cette liberté qui rend responsable, et le regretter.
Alors je continue en faisant de mon mieux, même si c’est peu.

État des choses :

La loi sur l’énergie est maintenant votée : pour le volet électrique, le nucléaire est en mort végétative pour une ou deux générations, lesdites renouvelables seront poussées au point de faire des investissements grandioses et non rentables et de passer toutes ces factures aux consommateurs et aux contribuables, le marché restera distordu par des interventions étatistes de tous genres, des centrales à gaz et/ou des importations massives de courant électrique seront nécessaires. D’autres pays européens se sont donnés des programmes de « transition » similaires.

L’accord de Paris sur le climat est ratifié. La loi carbone est idiote mais sa révision sera approuvée par une immense majorité du parlement, et l’UDC/SVP ne fera pas référendum, même s’il est contre. Le prix de l’énergie va monter au rythme auquel des taxes ou autres certificats carbone seront arbitrairement l’objet d’une inflation débordante.

Les objectifs, bien qu’ils ne servent à rien, ne seront pas atteints, en particulier ceux de réduction de la consommation ou d’amélioration de la productivité énergétique. L’innovation n’a jamais lieu sur commande. Il faudra alors imposer des restrictions sous forme d’allocation de quotas, de tarifs sélectifs, ou de répression de comportements dispendieux en énergie. La transition écologique et énergétique consistera en une prise de contrôle social des individus ; le lavage de cerveau a déjà commencé.

Il faudra donc vivre dans un pays qui aura pris, bien que démocratiquement, de mauvaises décisions, au point même que les partisans de tout ça soient bien en peine d’expliquer leurs motivations et leur compréhension des sujets en question. Refaire le match perdu ne sert à rien. Vieux croûton que je suis, je laisse à ces freluquets de futurs vieux croûtons, la tâche de pinailler sur la mouture du poivre écologiste qui devrait sauver notre pays et la planète. Ces détails ne sont que vulgaires picaillons.

À quoi bon ?

Comme depuis des millénaires, les générations futures auront à gérer leur époque, acceptant ou modifiant l’héritage qu’ils reçoivent de leurs ancêtres ; grand bien leur fasse. Pour le temps qu’il leur reste dans cette vallée de larmes, les générations actuelles, nourrissons et vieillards compris, n’auront pas de grande prise sur leur actualité, le gigantesque paquebot étant lancé sur une erre qui ne déviera qu’en cas de grande déflagration, ce que nous ne nous souhaitons pas.

Alors il faut se poser la question : est-ce une fatalité que la gouvernance, suisse mais aussi mondiale, se standardise au point de prêcher partout les mêmes bobards, durablement écolos, et que l’asservissement collectif à des idéologies insoutenables soit la norme ? Si c’est le cas, à quoi bon s’y opposer ? un escapisme de bon aloi, un quant à soi réconfortant : ne sont-ce pas là des formes de liberté que l’on peut s’aménager à l’intérieur d’un système dévoyé ?

Au temps du régime soviétique il n’y avait que les ingénus imbéciles et les assoiffés de pouvoir qui manifestaient un peu de confiance dans le système, la plupart des gens savaient s’en distancer, et aussi ils savaient jouer avec lui en pratiquant une stratégie de la moindre performance et de l’écoulement autour des obstacles, comme l’eau descend à la mer, plutôt que l’affrontement, laissé à quelques hurluberlus du nom de Soljenitsyne, Sakharov, Zinoviev (qui a excellemment décrit cette stratégie d’adaptation) ou Rostropovitch. La relation à la vérité n’avait aucune valeur, bien au contraire, s’y attacher pouvait coûter très cher, trop cher à soi et aux siens.

Alors vaut-il la peine de jouer maintenant ce rôle d’hurluberlu, qui sans doute sera compris par le troupeau comme une pathologie méritant thérapie, méthode plus douce mais certainement plus efficace que le goulag, et qui sera considéré comme suicidaire et inutile par les cyniques ?

Le regret à ne pas avoir

Entreprendre c’est affronter des incertitudes, ne rien faire n’entraîne que des regrets. Que préférer ?

Don Quichotte est un vrai imbécile, pompeux, bourré d’illusions, à la recherche d’une satisfaction narcissique bien que prétendument chevaleresque. Il se trompe systématiquement d’ennemis et ne subit que des échecs. Les moulins à vent s’appelant maintenant éoliennes ou autres artefacts dits durables, et Dulcinée étant un avatar de la raison et de la vérité, vaut-il la peine de s’attribuer un rôle similaire et d’adopter ses fantasmes ?  Lui n’a pourtant aucun regret, en partie parce qu’il lui manque un brin, mais surtout parce qu’il se sent investi d’une tâche, celle de la conquête de sa bien hypothétique princesse. Il se moque du qu’en dira-t-on, il est avant tout fier de ce qu’il croit être.  Mais pour moi il est quand même trop couillon et ridicule pour servir d’exemple, et surtout, il poursuit des illusions, ce qui aujourd’hui est une forme de retour à l’obscurantisme.

Comment alors s’affronter aux idées convenues, à la pensée molle devenant néanmoins oppressante par sa multiplicité, à l’arrogance des élites traîtresses, comment nager contre le courant dominant, comment lui faire changer de cours. Selon la fameuse prière de la sérénité, ne vaudrait-il pas mieux savoir distinguer ces choses que je ne peux changer, donc en accepter le cours ? Il n’y aurait alors aucun regret à cela.

Pourtant il s’agit d’actions humaines, donc versatiles, et non de lois immuables de la nature ou d’une société qui devrait se figer. L’illusion est pourtant tenace de la fin de l’histoire, du paradis perdu à retrouver, de l’avenir radieux, ou du besoin de repentance avant le Grand Soir, révolution ou apocalypse à choix.  Les philosophes ont maintes fois réussi à changer notre compréhension du monde, ils ont surtout contribué à notre éclaircissement, et non à nourrir de nouveaux obscurantismes. Renoncer à corriger le tir : ne serait-ce pas une abdication que l’on regretterait pour le reste de ses jours ?

On ne brûle plus les hérétiques, mais il reste bien ardent le bûcher attisé par la censure médiatique et politique, bientôt judiciaire ; les cendres qu’il laisse se dispersent aussi vite que le poisson rouge perd la mémoire. Notons cependant que les apathiques n’ont en fin de compte pas un meilleur sort ; la seule différence est qu’ils ne marquent la mémoire de rien, qu’ils sont inregrettables. Les activistes et autres grands caciques de mouvements réputés moralement supérieurs n’ont pas plus de rémanence dans la mémoire collective que leur illusion de commettre des actes héroïques ; ne les jalousons donc pas pour ce fantasme, et donnons-leur une chance, celle, plutôt que des regrets, d’avoir des remords.

Afin de ne rien regretter il faut donc se résoudre à l’action.

L’action

L’action ne saurait se justifier par l’aura que l’on projetterait en l’entreprenant, mais seulement par les résultats qu’elle produit. Elle n’a pas à rester symbolique, n’en déplaise aux populistes et paresseux de tous bords. Elle n’a pas à être grandiose, elle ne s’en fracassera que moins. Elle doit simplement faire mouche, à la mesure des moyens dont chacun dispose.

Le manque d’action signifie la tolérance ou l’indifférence, cela laisse le terrain libre aux opinions contraires, jusqu’à que celles-là deviennent une part constituante du mainstream.  De ce point de vue, la tolérance a été trop généreuse, il faut qu’elle se reprenne et marque ses lignes rouges plus distinctement.

Ressasser est une action vitale pour les ruminants, pas pour les hommes. Se plaindre et se lamenter, et même protester, n’a pas vertu à faire avancer le schmilblick, c’est une inaction qui tend à promouvoir la sinistrose.

Le manque d’action signifie aussi l’asservissement volontaire, l’acceptation d’un courant dominant et contraignant. Cela implique aussi les accommodements, je ne parle pas des petits, nécessaires à la civilité de tous les jours, mais des grands, ceux qui font choisir de faire fausse route pour sauvegarder l’illusion du confort ou satisfaire l’appât du gain, et aussi ceux du cynisme et de l’hypocrisie, prêchant le faux pour obtenir le faux.

Alors, en des bouffées de rage ou d’enthousiasme, ou les deux à la fois, je me surprends à entreprendre, à interpeller les complaisants, à mettre en évidence les inconsistances et l’inanité du mainstream, à déstabiliser les certitudes des « sachants », à dénoncer les salauds et les salopes. Pour autant puis-je convaincre ? J’en doute car cela implique chez le récipiendaire de mes philippiques une ouverture d’esprit qu’idéologues et indifférents n’ont manifestement pas.

Ma conviction est qu’un monde ouvert à l’expérimentation et à l’erreur est préférable à celui de quelque grandiose vision que ce soit, qu’une société sans contrainte autre que la liberté de l’autre est préférable à une société qui décrète le bien de tous, que l’emmerdement minimum est préférable au maximum, que l’absence de dogme est préférable à la police de la pensée. Cette conviction induit la responsabilité de le faire savoir. Alors, faute de mieux, je me sens libre de faire de mon mieux, même si c’est peu. Et si je ne le faisais pas, j’aurais à le regretter.


Merci de compartir cet article
FacebooktwitterlinkedinmailFacebooktwitterlinkedinmail

2 thoughts on “À quoi bon ?”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.