Pas de félicitations ! à propos de l’émission sur Arte Vox Pop « Glyphosate, les faillites de l’Europe »

Courriel adressé au journaliste John-Paul Lepers qui a présenté le 11 septembre sur Arte un réquisitoire contre le glyphosate, molécule emblématique des opposants aux pesticides car

a) efficace

b) la plus vendue dans le monde

c) utilisée comme herbicide total dans la culture de plus de 200 millions d’hectares d’OGM (maïs, soja, colza, coton), et bien d’autres usage non OGM

d) issue de technologies en main d’une industrie, dont les semences génétiquement modifiées, ce qui est un péché cardinal.

Cher Monsieur,

Voici mes commentaires sur votre « enquête » qui ne consiste qu’en une charge anti-industrie.

Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose.
C’est même une vérité qui s’établira (Orwell pourrait avoir écrit : « Le mensonge établit la vérité »).

Donc :
glyphosate = mauvais,
IARC= bon parce qu’ils disent glyphosate= probablement cancérigène, et
EFSA = mauvais car ils ne l’évaluent pas ainsi, donc Europe défaillante.
En tous les cas : industrie= mauvais. Monsanto= pire de tous.

Si vous aviez fait votre travail vous auriez constaté que :

  • L’IARC (CIRC) n’évalue que les dangers vis-à-vis d’une pathologie, les cancers. Mais cette agence de l’ONU ne se préoccupe pas des risques (si vous ne connaissez pas la différence allez terminer votre formation investigatrice).
    Elle détermine de possibles relations causales, sans plus, et sans jugement de valeur.
    Ainsi parmi les probables cancérigènes (Groupe 2A) on trouve des molécules diverses abondamment utilisées dans l’industrie chimique, les produits bitumineux, la viande rouge, le maté, les émissions de feux de cheminée, etc.
    S’il fallait interdire ce qui est probablement dangereux, que pourrait-on autoriser ?
  • L’EFSA, elle, a la tâche de statuer sur les risques que l’utilisation d’une substance peut présenter.
    Elle opère donc un jugement de valeur, un arbitrage selon la probabilité (l’exposition à la substance étudiée) et les dommages qui peuvent en résulter, tant du point de vue toxicologique qu’environnemental (pas seulement le cancer). Elle détermine ainsi les conditions d’utilisation et les limites à respecter. Elle refuse aussi son autorisation, et très souvent.
    Bien avant cette agence Paracelse avait déjà dit que c’est la dose qui fait le poison. „Alle Dinge sind Gift, und nichts ist ohne Gift; allein die Dosis machts, dass ein Ding kein Gift sei.“ Personne n’a encore pu valablement contredire cela.
    Pourquoi vouloir systématiquement l’ignorer ? N’êtes-vous pas fatigué de votre volontaire ou feinte ignorance ?
    Revenons au glyphosate : selon les limites en vigueur je devrais manger environ 6 kg de légumes chaque jour contenant du glyphosate au maximum de la concentration autorisée (ce qui n’arrive que dans quelques pourcents des cas) sans avoir plus de 5% de probabilité qu’un cancer que je pourrais avoir au cours de ma vie entière (depuis l’âge de manger des légumes, jusqu’à la fin de ma probable longévité) soit potentiellement causé par cette molécule.
    De telles limites de tolérance sont-elles intolérables pour la société dite civile (dont vous, moi, et les experts aussi font partie) ?

La ritournelle ne cesse pas à propos d’experts non identifiés et d’agences officielles n’ayant soi-disant pas accès aux données confidentielles des entreprises. C’est ridicule, faux et absurde.

Les données désignées comme confidentielles sont entièrement accessibles aux autorités. Mais celles-ci n’ont pas le droit de les divulguer au public, comme p.ex. les journalistes ne publient pas leurs sources, ni les juges leurs dossiers d’instruction. Journalistes et autres NGOs n’aiment pas ça, et alors ? ça ne rend pas scandaleuse cette discrétion nécessaire. À ce sujet le commissaire européen est ou un menteur ou un incompétent, ou très probablement les deux.

Les experts sont des agents de l’état, les Allemands ont été chargés du dossier glyphosate. Chaque substance est passée en revue par une agence nationale au nom des autres et selon des critères communs ; eh oui, l’Europe fonctionne aussi: tout n’est pas centralisé à Bruxelles.  Et le BFR allemand est tout sauf inféodé aux industries. Mais comme partout l’expertise ne se gagne pas sans avoir des connaissances, communes entre tous les acteurs, même ceux de greenpeace. Donc tous les experts ont une opinion, quel scandale !

Dans aucun secteur le nom des fonctionnaires en charge d’un travail ou d’un autre n’est obligatoirement diffusé : pourquoi devrait-il l’être dans le cas des pesticides ? et les soupes et les lessives et les médicaments et les peintures pour jouets et les encres d’imprimerie…

Autre argument jamais épuisé : les études sont faites par les industries. Elles sont donc biaisées. Et celles faites par les NGOs ou des laboratoires plus ou moins universitaires, de quels mérites sont-elles affublées ?

Qui donc ferait ces études? des ignorants bien indépendants ? l’état, dans les délais requis par les entreprises ? et l’industriel —le payeur— n’aurait-il pas encore et toujours droit de regard sur la qualité des résultats ?

N’oublions pas que les laboratoires en charge de ces études (toxicologie, éco-toxicologie) sont dûment autorisés et inspectés et que les protocoles qui doivent être suivis ainsi que les méthodes d’évaluation des résultats ne sont pas laissés au libre choix de l’industriel. Par ailleurs beaucoup de ces études sont réalisées par des laboratoires privés, indépendants, eux aussi dûment agréés. Dans les dossiers d’homologation les données non interprétées (raw data) doivent aussi être fournies, ce qui permet au réviseur d’en vérifier la justesse.

Les experts de l’EFSA étaient prêts à renouveler l’autorisation de mise sur le marché du glyphosate pour une nouvelle période de 15 ans. C’est sur la seule intervention dogmatique des anti-tout et de politiciens qui n’ont pas suffisamment de stature pour prendre connaissance des dossier qu’un « compromis » de 18 mois a été décidé. Que fera-t-on dans 18 mois pour réviser les mêmes données et évaluer les mêmes risques ? D’ici là Bayer aura peut être racheté Monsanto et sera devenu « el malo de la pelicula », mais ce seront devenus des intérêts européens, plus seulement ceux de ces horribles gringos du Missouri. Pendant ce temps la molécule, ses propriétés et son usage, n’aura pas changé.

La transparence est le vœux pieu de l’ignorant qui veut croire et laisser croire que son incompréhension est le résultat d’une vague conspiration.
Soyez transparent, éclairez notre ignorance ! montrez les séquences où les interviewés n’ont pas dit ce qui abondait dans votre dossier à charge, et que, donc, vous avez coupées ; publiez la liste des gens que vous n’avez pas consulté !

Vous n’avez rien montré de tout ça, seulement laissé entendre une fois de plus, pas trop habilement, mais pas trop explicitement non plus car ça passe mieux, que le tous pourris serait la règle (mais bien sûr jamais dans votre profession, toujours si compétente et si équanime).

Votre télé est peut être libre, mais pas libérée de vos préjugés.

Je n’ose pas espérer un quelconque correctif ou exercice d’un droit de réponse.

Meilleures salutations

Michel de Rougemont

PS : ces commentaires sont publiés sur mon blog


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4 thoughts on “Pas de félicitations ! à propos de l’émission sur Arte Vox Pop « Glyphosate, les faillites de l’Europe »”

  1. Cher monsieur,

    Vous devenez à votre tour commentateur agressif et défenseur d’un produit dont vous ne connaissez pas grand chose de plus que ce qui a été publié ci et là. Le tout en vous éloignant des faits et en pratiquant l’amalgame. C’est la Commission, pas nous, qui a souhaité étudier le glyphosate en regard de son éventuelle rôle comme perturbateur endocrinien. Nous n’accusons par ailleurs aucunement l’industrie, qui est peut-être l’un de vos employeurs, mais le manque de sérieux des fonctionnaires chargés de décider, et de protéger la population. A tout le moins, nous contestons le process qui vise à homologuer.
    Par ailleurs, je vous recommande de vous informer, par exemple, sur la situations des familles argentines qui reçoivent des doses importantes de RoundUP. Les taux de malformations infantiles et de cancers constatés sur place vous inciteront, peut-être, à une prudence élémentaire.

    Je vous laisse là, avec la conviction que notre travail est honnête, ne vous en déplaise.

    Cordialement,

    1. On n’en sortira pas.

      Oui je suis polémique car je déteste ces détestateurs des techniques et du progrès qui se croient lanceurs d’alerte alors qu’ils hurlent avec les moutons. Votre émission en a hélas le profil.

      Le produit en tant que tel ne m’intéresse pas ; je n’ai et n’ai jamais eu aucune « interdépendance » avec lui et ses fabricants.

      Selon mon expérience les fonctionnaires en question sont sérieux et agissent avec responsabilité, surtout ceux du BFR allemand. La commission devait étudier le glyphosate (et les fabricants fournir les études et données correspondantes) car son autorisation arrivait à expiration. Mais pour la décision finale les experts étaient au départ d’accord de la renouveler tout à fait normalement, pour 15 ans, et ils se sont vus retoqués par les politiques de certains pays (les réactifs aux bruissements des NGO qui font de l’agitprop), et à ma connaissance pas par la Commission elle-même, pour arriver à ce fameux compromis de 18 mois et des « études à poursuivre… », on se demande lesquelles dans un tel court laps de temps (moins de deux saisons agricoles).
      C’est là le dysfonctionnement, par le choix soudain de critères irréfléchis de la part de politiciens girouettes.

      Quant au coup des incidences de cancer en augmentation dans une population très précise c’est la nième fois qu’on me le fait. Dans n-1 de ces cas (je vous fais crédit du dernier) les données épidémiologiques ont bizarrement fait défaut. Je vous rappelle que le maté, boisson préférée des Argentins, est aussi dans le Groupe 2A des cancérigènes probables du CIRC. Le taux d’exposition est sans nul doute plus fréquent et plus intense qu’un herbicide appliqué une ou deux fois par saison et qui a la propriété de se dégrader relativement rapidement dans le sol.

      Mais sortons-en quand même.

  2. Cher Monsieur,

    Merci pour votre courrier adressé à John-Paul Lepers et auquel la rédaction de Vox POP vous répond avec toute la sérénité qu’il convient

    1) RISQUE/DANGER

    Si l’EFSA produit une élaboration du risque, l’esprit du règlement européen de 2009 relatif aux pesticides est bien celui d’une décision finale du législateur basée sur le danger.
    D’autant plus si le produit est considéré comme perturbateur endocrinien, comme le suggère l’ANSES.
    https://www.anses.fr/fr/system/files/BVS-mg-017-Crettaz.pdf

    Une évaluation du risque n’empêche pas d’avoir une méthode transparente et indépendante, c’est même demandé par le règlement européen de 2009:

    Il convient, afin de garantir la cohérence de l’évaluation, qu’une étude scientifique indépendante soit réalisée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments instituée par le règlement (CE) no178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. Il y a lieu de préciser que l’Autorité effectue une évaluation des risques, tandis que la Commission assume le rôle de la gestion des risques et prend la décision définitive concernant une substance active. Il convient de prévoir des dispositions destinées à garantir la transparence du processus d’évaluation.

    Nous nous sommes donc attelés à décrypter le respect de ces critères d’indépendance et de transparence.

    2) ANALYSE DES ETUDES

    Sur la question de l’accès ou non aux études: dans la première version de son pré-rapport, le BfR explique lui même n’avoir pas pu évaluer les études fournies par l’industrie dans leur intégralité

     » Due to the large numer of submitted toxicological studies, the RMS was not able to report the original studies in detail and an alternative approach was taken instead. The study descriptions and assessments as provided by GTF were amended by deletion of redundant parts (such as the so-called ”executive summaries”) and new enumeration of tables. »

    « En raison du grand nombre des études toxicologiques soumises, l’Etat-rapporteur [c’est-à-dire l’Allemagne] n’a pas été en mesure de faire le compte-rendu en détail des études originales et une approche alternative a été adoptée. Les descriptions et les évaluations de chaque étude, fournies par le GTF [la plate-forme des industriels] ont été amendées en supprimant les parties redondantes et en faisant l’inventaire des tableaux de données. Les erreurs évidentes ont été corrigées. Chaque nouvelle étude a été commentée par l’Etat-rapporteur. »
    http://corporateeurope.org/sites/default/files/attachments/glyphosate_rar_08_volume_3ca-cp_b-6_2013-12-18_san.pdf

    Ceci nous a été confirmé par le Commissaire Européen à la Santé, dont nous ne doutons pas de la légitimité sur ce dossier.

    3) INDEPENDANCE

    Enfin, sur le débat concernant l’indépendance des études, nous avons laissé le Commissaire Européen poser la question: qu’est ce que l’indépendance? Nous sommes tous interdépendants nous répond-il.

    Cordialement

    1. Voici une réponse bienvenue, merci.
      Danger/Risque:
      La remarque du commentateur confirme que, face aux clameurs bien orchestrées, la décision prend un aspect purement politique et finit par se baser sur le danger et non, comme il se devrait, sur l’évaluation du risque. 18 mois plutôt que 5 ans : cela sent ce roussi-là. Cela n’en fait pas un produit méritant le bannissement. Mentionner l’hypothèse de perturbateur endocrinien va aussi dans ce sens accusateur basé sur un danger potentiel mais sans parler du risque que cela présente, ni du pouvoir disrupteur en comparaison avec d’autres substances communes comme la pilule anticonceptionnelle. Il faut aussi mentionner cela lorsqu’on suggère ceci.
      Accès aux études :
      Si le réviseur n’a pas jugé utile ou n’a pas pris le temps de réviser la documentation il ne faut donc pas prétendre que les données sont inaccessibles. Et cela ne veut pas dire que ces études sont de mauvaise qualité ou que leurs résultats seraient erronés. Mais dans l’émission on ne comprend que « on nous cache des choses… ».
      Cela nous ramène encore à la fameuse transparence : si tout est à disposition (ce qui est le cas des dossiers d’homologation de pesticides) cela ne rend pas cette masse plus digestible. Réclamer plus de transparence est un sommet d’hypocrisie.
      Indépendance :
      Bien sûr nous sommes interdépendants, une banalité de plus. Mais laisser entendre qu’il faudrait qu’un expert n’en ait aucune c’est lui demander l’incompétence. Que faut-il préférer.

      Une émission en Prime Time est destinée au grand public, par définition sans information spéciale ni expertise.
      Dans tel cas c’est le ton qui fait la musique, et ce ton a été uniquement accusateur et manifestement suggestif du tous pourris.
      C’est ça la critique qu’il faut, hélas et généralement, faire à ce genre d’ « enquêtes » qui sont, en fin de compte, un mauvais service à la profession journalistique.

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