Massacre ou génocide ?

L’autre dimanche le Pape a prononcé le mot génocide en relation avec les massacres d’Arméniens en Turquie il y a cent ans. Le gouvernement turc s’en est fâché, d’autres militants chrétiens et arméniens se sont réjouis de cette déclaration (pas nouvelle d’ailleurs, Jean-Paul II l’avait déjà écrit, mais pas dit).

En Suisse le Conseil national n’a pas accepté une motion allant dans ce sens, mais des parlements cantonaux l’on fait ; dans quel but ? Cela reste à savoir. En France le massacre des arméniens a été déclaré génocide par l’Assemblée nationale, et, dans ce pays, nier les génocides reconnus officiellement met le profanateur sous le coup de la loi pénale.

La « Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide » a été signée le 9 décembre 1948. La Turquie l’a ratifiée en 1950, alors que l’Arménie, faute d’être un état souverain avant, n’a pu le faire qu’en 1993.

Quelles sont les conséquences pratiques de qualifier aujourd’hui de génocide des massacres commis avant que ce crime ne soit défini comme tel ? Tout a changé, les pays, les gouvernements, les courants politiques, pourquoi remettre ces moments d’histoire sur le brasier ? Quels avantages, quel réconfort en tirent ceux qui veulent à tout prix faire reconnaitre que leurs ancêtres n’ont pas seulement été massacrés mais qu’ils l’ont été dans une volonté concertée d’anéantir leur peuple.

Tant que les criminels sont encore de ce monde il est bien évident que la convention et les tribunaux qui l’appliquent sont nécessaires. Mais au vu des conflits modernes et asymétriques qui se multiplient, je doute fort que ce texte et ces institutions aient un quelconque effet dissuasif sur les zinzins du monde.

Sur Wikipédia il y a une liste de massacres répertoriés par les historiens. Plusieurs peuvent être qualifiés de génocide au sens donné à ce mot aujourd’hui. Mais mis à part la possibilité de faire comparaître les coupables devant les tribunaux, quelles qualités spéciales doivent être attribuées à des morts par rapport à d’autres ? Quelle en est l’utilité ? Est-ce moins pire de massacrer sans but génocidaire ?

Les lois dites mémorielles sont écrites afin que l’on n’oublie pas.

Et pourtant on oublie : les Helvètes furent massacrés par les Romains à la bataille de Bibracte ; qui s‘en souvient ? Faut-il demander des réparations à l’Italie ? Lors des croisades d’innombrables musulmans furent massacrés au nom de la foi chrétienne ; leurs descendants en tirent-ils une légitimité pour se venger ? À partir de quel recul historique peut-on se permettre de dire: « oui, tel massacre était un génocide, et alors ? »

Les offensés sont morts, ils ne peuvent pardonner ; et pour ma part, simple individu de mon temps, je ne peux que constater l’histoire et espérer que les erreurs passées ne se reproduisent pas. Ce qui s’appelle maintenant le « devoir de mémoire » est une forme d’endoctrinement sanctifié au nom de je ne sais quoi, mais surtout pas de l’apaisement. Je déteste cette expression car ce dont nous avons le plus besoin c’est, pour ne pas attiser des haines séculaires entre les peuples, le droit d’oublier.


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