Ne pas prendre ses craintes pour réalité

(Sorry, no English translation available, a great opportunity to notice that French can be understood)

Le concept du Grand Remplacement (GR) s’impose présentement dans des milieux nationalistes et identitaires, en France particulièrement. C’est une thèse qui explique que progressivement une immigration et une démographie de plus en plus massive de populations provenant d’une culture très différente voire opposée à la nôtre va engendrer la substitution de nos us, coutumes et valeurs par les leurs. S’annoncerait ainsi l’ « islamo-substitution » de la culture et des peuples européens.

Avoir des craintes et les exprimer est une chose, pourquoi un individu ou un groupe développe une crainte, justifiée ou non ? Par quels mécanismes en arrive-t-on à vouloir agir ou non en fonction d’une évaluation du risque ? Proposer des solutions valables et les mettre en œuvre est par contre beaucoup moins simple.

Mon propos n’est pas ici d’analyser si les détails de cette théorie tiennent ou ne tiennent pas. Comme elle ne repose pas sur des critères objectifs et quantitatifs suffisants pour l’accréditer[1] on se contentera de la prendre comme un signal de crainte et d’alerte.

Ce que je souhaite faire passer ici est que ceux qui rabâchent une telle théorie ne montrent en fait que leur faiblesse.

Peu importe que le story telling soit biaisé, que la prise de conscience dépende plus de stéréotypes que de sobres analyses, que les exhortations à la résistance soient hypocrites, que les injures du révolté reflètent sa propre bassesse. Ce que l’on remarque en réalité, c’est qu’après toutes les clameurs par et autour du GR, ni les causes profondes ni les remèdes ne sont vraiment abordés ; ou s’ils le sont c’est de manière stérile ou totalement irréaliste[2].

On prédit le pire : la perte d’identité et de nature de la civilisation dans laquelle nous vivons et son remplacement par une autre.

Est-ce dire que l’on admet que cette culture islamique abhorrée aurait (et je reste ici au conditionnel) tant de qualités qu’immanquablement elle serait supérieure à notre culture helléno-chrétienne et ne manquerait pas de la supplanter ? Ou alors on craint un nouveau totalitarisme imposé par le sabre, comme l’annoncent d’ailleurs les zinzins[3]?

Si notre civilisation est faible, trop faible par rapport à la relative excellence d’une autre, alors il faut la laisser tomber. Pourquoi s’attacher à ce qui n’a plus de valeur ? Adoptons avec joie ce qui est meilleurs !

Et si notre civilisation est valable, en tous cas plus que l’alternative proposée, mais que nous n’avons pas la force de nous imposer, alors clamer que nous allons à notre perte ne nous aide pas ; mieux vaut se suicider préventivement ou se laisser massacrer stoïquement, ce qui est plus recommandable qu’une éternelle frustration.

On voit que le GR est une théorie absurde ou définitivement défaitiste, ou alors les deux à la fois. Un des remèdes les plus sûrs au GR est de l’abandonner, comme ne pas boire garanti de ne pas être ivre. Entrer en discussions oiseuses sur sa réalité, sur les malheurs qui nous attendent, sur l’imbécilité de ceux qui n’en veulent pas prendre conscience, sur l’impéritie passée et présente des gouvernements, ou sur les solutions démagogiques qui sont proposées ? Non merci, mieux vaut aller à la pêche ou jouer à la pétanque, ça fait plus de bien.

À mon avis il est préférable de se pencher sur nos forces et sur nos liens civilisationnels qui font que notre déclin n’est pas pour demain. Décrivons-nous à nous-mêmes ce qui vaut la peine d’être vécu dans nos formes de société et nos régimes politiques, notre épistémologie, les arts qui s’y expriment, les connaissances qui s’y découvrent et les chantiers qui valent la peine d’entreprendre. Et il y en a de ces choses à faire et à apprécier, pour soi, pour les autres, et ensemble.

Ne parlons pas de suprématie, évitons les concepts creux et les soi-disant valeurs.
Évitons aussi tout messianisme car on ne convaincra personne par la recherche d’un prétendu salut ou d’une catharsis apocalyptique, ce sont les zinzins qui font ça.
N’accusons pas systématiquement les autres d’être la cause de nos problèmes ou de comploter contre nous, ça c’est l’argument du faible.
Et ne cherchons pas désespérément une grande cause, planétaire si possible, pour laquelle il faudrait embrigader tout le monde, ce qui donnerait prétendument du sens à toutes nos vies, on retomberait de nouveau dans une forme de totalitarisme, pensée unique politiquement correcte cette fois.

Soyons simplement capables d’être nous-mêmes. Les autres, devant suivre, suivront.

 

[1] Les chiffres de l’immigration et le comportement de certains sous-groupes ne sont pas suffisants. En Suisse par exemple, un tiers de la population de plus de 15 ans est issue de l’immigration (1ère et 2ème générations) et 5% de la population sont musulmans. Pourtant les déclarations désobligeantes de certains « exclus de la République » vis-à-vis de leur [nouvelle] patrie sont anecdotiques, alors qu’il semble que ce soit monnaie courante dans les « quartiers-ghettos » de France ou d’Allemagne. ¿Por qué será?

[2] Rappelons que fermer les frontières ne fonctionne jamais, sauf en dictature ; que renvoyer les gens non désirés chez eux suppose que l’on sait qui est désiré, autre proposition totalitaire ; qu’exiger une déclaration d’allégeance à la république ou à la constitution est une farce ou une imposture (conversos en Espagne au 14ème et 15ème siècle).
Il y bien d’autres choses à faire : urbanisme, enseignement, formation professionnelle, ordre et justice efficaces et efficients, vie associative, etc., même si cela rend nos pays encore plus attractifs. Cela n’a pas besoin de discours, prend du temps et exige du consensus.

[3] C’est ainsi que désormais je parlerai des exaltés fanatiques et autres embrigadés de la lutte violente, du massacre des incroyants ou des déviants, et de la prise du pouvoir universel d’une idéologie ou d’une secte religieuse.


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