Alors que les exhortations à la transition énergétique continuent à tous les niveaux, en particulier afin de fermer les centrales nucléaires en Europe, les énergies dites alternatives perdent l’aura qu’elles avaient il y a peu d’années.
Il y a trois facteurs prépondérants à ce désamour :
Quand il faut des subventions pour qu’une activité soit viable on peut le justifier par l’accession à un bien indispensable ou par la nécessité de donner une impulsion à un secteur afin qu’il puisse à terme démontrer sa valeur. C’est ainsi que l’état allouera des fonds à des œuvres d’’entraide ou de prévention de maladies, ou qu’il investira dans la recherche scientifique et technologique.
Mais si une industrie d’ores et déjà mature telle que l’éolien, l’hydraulique ou le photovoltaïque est soutenue à force de subventions – et dans cela sont inclus la garantie de reprise du courant à prix coutant et les subventions directes à l’investissement – alors on sait que ça ne pourra pas durer. Si le « business plan » ne permet pas d’entrevoir à terme une autonomie économique, libre de toute dépendance aux subventions ou à une position monopolistique, alors l’investisseur privé aura de très bonnes raisons de se décourager.
Une échappatoire est alors d’établir une régie nationale où une activité est maintenue pour fournir des biens et services nécessaires au soutien du développement économique général du pays. L’éclairage public, les chemins de fer, certaines structures hospitalières en sont des exemples. Cette régie peut être entièrement gérée par l’état (l’école publique) ou mandatée comme service publique à une entreprise autonome (la poste, les chemins de fer) selon des règles strictes. Dans bien des cas les services offerts aux habitants par les entreprises du secteur public ne sont pas couverts par la facturation faite directement aux usagers. Le déficit résultant et les frais de réinvestissement en équipements et infrastructures sont alors payés par l’état qui utilise les revenus de l’impôt et lève des taxes de toutes sortes à cet effet.
La fourniture d’énergie a la particularité d’être divisée entre le secteur privé (gaz, pétrole et dérivés) et le secteur public ou semi public (électricité). Jusqu’à ce jour ces services ont été fournis de manière rentable par des entreprises qui payent des redevances pour l’utilisation de ressources naturelles (eau), sont en mesure de se financer à long terme, et aussi versent des dividendes à leurs actionnaires dont plusieurs sont des institutions publiques (communes, cantons). La gestion de l’énergie, qui est un excellent business semi-étatique, ne devrait pas changer de cap et devenir une industrie systémiquement non rentable, même si politiciens et fournisseurs d’équipement le souhaitent.
La donne change avec les énergies alternatives, surtout pour l’électricité : leurs coûts d’investissement sont très élevés, ils ne sont plus centralisés comme le nucléaire ou les barrages hydrauliques, ils requièrent d’investir une deuxième fois pour des capacités de stockage ou de réserve, et une troisième fois pour des systèmes malins de connexion, afin de compenser les intermittences de la production éolienne et photovoltaïque. Il en résulte un prix coutant non compétitif avec l’électricité produite par le charbon, le gaz, le nucléaire ou l’hydraulique classique. Comme il s’agit de différences structurelles stables cet état de fait ne changerait que si une percée technologique se réalisait (p.ex. plus que le doublement du rendement des cellules photovoltaïques, capteurs solaires au Sahara avec stockage et transport selon des technologies pas encore maitrisées).
Après avoir joyeusement institué un régime de subventions pour ces énergies-là les états en déficit et endettés souffrent maintenant d’une persistante gueule de bois. Ils ne peuvent plus garantir les prix, ils ne peuvent plus contribuer à fonds perdus aux investissements. Ils stoppent donc ces programmes d’aide, comme en Espagne, et les entreprises qui avaient bien profité de cette manne sont en difficulté, y compris les investisseurs qui avaient cru décrocher un gros lot renouvelable.
La réalité économique dépasse le désir rêveur.
Un kWh est un kWh, offert sous forme de 101 millilitres d’essence ou de 169 cm3 d’alcool, ou à la prise sous 220/380V et 50 Hz ; les produits énergétiques ne changent pas, ni l’usage qu’on en fait.
Le politique, cherchant les faveurs de l’électeur, a dû se mettre à utiliser des termes qu’il ne comprend pas comme externalités négatives, soutien au développement durable, et réduction de risques de toutes sortes pour faire accepter des programmes de transition énergétique qui, nota bene pour la Suisse et sa démocratie directe, n’ont pas été soumis au peuple par voie de référendum comme cela a été le cas pour le réseau ferroviaire. La controverse est d’ailleurs toujours là pour savoir s’il n’est pas plus judicieux de faire évoluer plus avant le nucléaire (4ème génération plus sûre, filière au thorium ne produisant presque plus de déchets) plutôt que de multiplier des installations qui, en sus d’être trop coûteuses, n’offrent rien de meilleur. Alors qu’on ne fait rien dans ce domaine les Chinois prendront le relai technologique, puis la gouverne économique ; nous tendons la joue avant d’avoir reçu une première gifle.
Les effets bénéfiques des énergies alternatives n’ont été qu’allégués et non prouvés. Personne ne sait calculer le coût pour l’environnement d’un barrage fermant une vallée, ni le bénéfice de réduire d’une tonne le gaz carbonique émis dans l’atmosphère, que ce soit en termes monétaires ou sociaux. Les modèles « footprint », bilans écologiques, analyses de cycles de vie sont d’intéressantes places de jeu pour une comptabilité écologique plus « fun » que la financière. Mais ils n’ont pas de grande signification car personne ne sait non plus comment répercuter ces hypothétiques coûts ou avantages sur ceux qui pourraient en être la cause ou le bénéficiaire.
Comment donc convaincre qu’un produit similaire aux autres est pourtant meilleur si aucun bénéfice concret n’est présentable. Dans le monde postmoderne il ne reste que l’impression ou le sentiment pour l’affirmer, la science et la raison se sont faites taire.
Faute de mieux et avec de pieuses intentions des mécanismes d’incitation ont été créés, destinés à pénaliser l’utilisation des carburants fossiles, taxe carbone ou permit carbone. Cela n’a pas rendu les énergies dites vertes plus vertes, car c’est aussi absurde que de pisser dans les violons pour faire de la musique. Mais à court terme cela permet à certains de s’enrichir et de gagner des voix.
Il y a de bonnes et de fallacieuses raisons pour chercher des produits de substitution aux combustibles fossiles, charbon, pétrole, gaz.
La bonne raison est que les réserves de la Terre, même immenses, seront un jour épuisées, qu’il vaut mieux se les garder le plus longtemps possible pour une utilisation de haute valeur que pour simplement les brûler. Aussi, il est plus sûr de réduire la dépendance de régions et de régimes politiquement instables ou hostiles, au Proche et Moyen orient en particulier.
La mauvaise raison est de croire que le monde va à la catastrophe rapide et totale si l’on n’arrête pas les émissions de CO2. Je ne reviendrai pas sur ce sujet, devenu dogme et tabou, que j’ai traité en d’autres endroits.
Pour l’électricité dans les pays où le nucléaire et l’hydraulique sont prépondérants la substitution n’a pas lieu d’être. Dans d’autres pays l’éolien et le photovoltaïque étant intermittents on constate avec ironie qu’ils ont besoin de centrales de même puissance à gaz, à huile lourde ou à charbon pour pallier aux creux de production. Aussi, au-delà d’une proportion de 25 à 30% de ces production intermittentes dans le mix énergétique, la gestion de la distribution devient un casse-tête qui mettra beaucoup de temps et d’investissements pour être résolu, avec encore un surcoût de plus à la clé pour l’utilisateur.
Restent donc les substitutions d’origine biologique, biocarburants et biogaz. Dans ce domaine il y n’y aura des développements prometteurs que si les surfaces cultivées à cet effet ne font pas concurrence à la production, prioritaire à mon sens, d’aliments, de fourrages et de fibres naturelles. Le bioéthanol et le biodiesel sont des liquides aisément stockés dans les réservoirs des véhicules automobiles et peuvent être utilisés sans modifications majeures des moteurs à explosion. C’est un avantage clair sur l’électricité qui nécessite des batteries chères et de capacité limitée, des centrales de production électrique supplémentaires ainsi qu’un réseau de stations de recharge.
Dans l’état actuel de la technologie le bioéthanol issu de la fermentation de sucres n’est rentable qu’avec des cultures intensives dédiées à cela, surtout canne et betterave à sucre, et maïs dans une moindre mesure (dépendant aussi de subventions aux USA…). Le biodiesel produit à partir d’huile de colza ou de palme reste un appoint, limité au mélange avec le carburant diesel dans des régions ou des saisons chaudes. Mais ces voies sont en concurrence pour l’usage de terres agricoles pour l’alimentation.
Les processus de digestion et fermentation de la partie ligno-cellulosique des végétaux permettront d’utiliser la production forestière et les sous-produits agricoles sans que la concurrence avec l’alimentation ne se pose. Des technologies dites de deuxième génération ou des cultures d’algues sont en développement mais le seuil de rentabilité économique et énergétique doit encore être atteint. Mais il n’est pas trop aventureux de penser que des percées dans ce domaine soient très probables. Pour le biogaz des installations rentables, décentralisées et de petites tailles, existent déjà pour la production combinée d’électricité-chauffage, mais la logistique d’approvisionnement de la matière première et de valorisation des déchets rend improbable la construction de grandes centrales.
On voit donc que seules les biotechnologies nouvelles peuvent un jour contribuer de manière significative à la substitution des carburants fossiles lorsqu’ils s’utilisent sous forme liquide. Leur recherche et développement est en partie financé par des fonds public. Il n’y a rien à dire à cela (l’énergie nucléaire a aussi profité de R&D publique, et militaire) tant qu’on ne promeut pas un canard boiteux (tel p. ex. l’hydrogène) à coup d’investissements et de subventions inadéquats et tant qu’on laisse se dérouler librement la bataille des esprits innovateurs.
On constate que les énergies alternatives coutent trop cher, n’offrent rien de plus ou de mieux que ce que l’on a déjà et, à part une biotechnologie encore à développer, qu’elles ne se substitueront pas au pétrole. La Chine va au charbon et au nucléaire, les USA au gaz et pétrole de schiste, et l’Europe sacrifie sans raison ses conditions cadres de compétitivité pour résoudre de faux problèmes.
La fête venteuse et ensoleillée est en train de se terminer.
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