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Balkanisation et finlandisation heureuse de l’Europe ?

Balkanisation et finlandisation heureuse de l’Europe ?

Il faut constater que l’Europe est d’ores et déjà balkanisée, et qu’elle est en voie de finlandisation, car son indépendance formelle reste sous le contrôle d’un puissant beau-frère. Plutôt que nier cet état de fait, une question provocatrice se pose : pourquoi s’engager dans de vaines luttes de puissance ? Les conditions requises pour établir un bloc impérial ne sont pas remplies et un quelconque engagement guerrier n’aurait ni but ni sens. Continuer les maquignonnages dispersés actuels ne la mènerait qu’à plus de dépendances et de faiblesse. Cependant, son morcèlement peut être considéré comme une qualité et un facteur de succès, à condition que s’exerce une vraie subsidiarité, gérée d’en bas, et qu’une neutralité armée et crédible lui assure la paix.
Ce billet fait suite à un précédent, « Refonder une bonne Europe« .

Vu d’ailleurs, le continent européen est d’ores et déjà balkanisé, c’est-à-dire divisé en morceaux désunis, malgré les tentatives d’une union de 27 de ses États. Quant à sa finlandisation, c’est-à-dire le maintien d’une indépendance formelle à la condition de ne pas menacer toute autre puissance qui la surveille, elle est en voie de concrétisation. Voilà qui est formulé de manière bien catégorique, ce qui importe peu car l’intention derrière ce titre est de provoquer : ne serait-il pas préférable de rester balkanisé et de se finlandiser plutôt que de s’engager dans de vaines luttes de puissance internes et externes ? Par ailleurs, en avons-nous le choix ? Quelles sont les alternatives ?

Quels sont les attributs de cet inverse, cette puissance capable de jouir du respect de tout le monde, c’est-à-dire, au-delà de la reconnaissance de sa totale souveraineté à l’intérieur de ses frontières, d’être en mesure de faire valoir tous ses intérêts, partout et en tout temps ? Un tel empire doit tout d’abord être doté d’une culture ancrée dans une histoire glorieuse ou rendue glorieuse par un mythe fondateur commun ; c’est dans la tête et dans le cœur des gens que cela s’entretient. Il dispose des ressources naturelles les plus essentielles et de moyens propres pour les exploiter et les transformer, et il s’assure un accès préférentiel à toutes les autres. Il cultive l’excellence scientifique et technologique et sait en conserver la propriété. Sa puissance militaire est indéniable, donc nucléaire et stratégique à l’échelle de la planète. Il est gouverné dans un cadre institutionnel incontesté par des peuples consentants. Il n’a plus besoin de frontières, mais il maintient une différence claire entre citoyens et métèques. Il doit montrer sa bénévolence à l’égard des autres peuples du Monde en exerçant son soft power, la démonstration de sa supériorité par l’attirance qu’elle suscite. Il mène des opérations de maintien de l’ordre dans les territoires qu’il estime être sous son contrôle mais n’a généralement pas besoin d’exercer sa puissance de manière explicitement violente.

Rome en fut le seul exemple de portée européenne, au contraire des empires coloniaux dont les rivalités ont mis l’Europe à feu à sang. La liste des candidats actuels dans le Monde est courte, elle rappelle l’Océania, l’Estasia et l’Eurasia qu’Orwell invente dans 1984, son roman prémonitoire, et dont les alliances changent d’un jour à l’autre, ce qui exige de réécrire l’histoire à chaque occasion.

Les États-Unis en cochent toutes les cases ; elle vient de confirmer une stratégie[1] qui n’a de nouveau que le ton incongru de son président. La rhétorique change, par exemple en abandonnant la soi-disant « promotion de la démocratie », mais le rôle impérial reste, « loud and clear. » La Chine, qui y avait renoncé au 15ème siècle, est en phase d’apprentissage accéléré, tout autant explicite quant à ses intentions. Et la Russie en a les contours et les velléités, sans jamais y parvenir vraiment, la débâcle du bloc soviétique en témoigne. D’autres candidatures ne sont pas crédibles, par manque de taille car la grandeur est une qualité essentielle, par excès idéologique ou théocratique, ou par manque de moyens et de désir.

Un continent en tous ses états

Pourtant berceau d’une civilisation de portée universelle, l’Europe ne sais pas même ce qu’elle désire. En tous les cas, elle ne satisfait pas les conditions d’une puissance globale. Ses multiples dirigeants démontrent jour après jour et génération après génération qu’elle n’en n’est ni désireuse ni capable. Sa réussite remarquable de pacification depuis la fin de la deuxième guerre mondiale reste entachée d’incapacité grave en cas de crise, comme lors de l’éclatement d’une Yougoslavie qui avait été fédérée de manière autoritaire. Elle se perd en atermoiements ataviques lorsqu’il s’agit d’affirmer sa puissance vis-à-vis de l’ours russe qui n’hiverne jamais, ou face à ses ex-colonies et protectorats qui ne manquent pas de l’assaillir de toutes sortes de mauvaises consciences. Elle n’est ni pacifiste ni capable d’assumer le rôle de gendarme qui lui reviendrait si sa volonté en était exprimée sincèrement. Alors que l’Union européenne (UE) reste engoncée dans une bureaucratie avant tout dédiée à réguler le commerce, son fractionnement culturel et politique ne s’est pas réduit, bien au contraire et ce malgré le programme Erasme.   

Les vains appels à des ‘valeurs’ communes restent rhétoriques car elles n’en sont pas ou n’ont rien de spécifique pour l’Europe. Une puissance ne se fonde pas sur une déclaration des droits de l’homme ; si elle adhère à ses principes, c’est à sa guise et dans un cadre tolérant une dose d’hypocrisie. La démocratie est un exemple de valeur totem qui se voit sacralisé, donc intouchable. Combien de crocodiles en pleurent la possible disparition ou se blâment mutuellement de ne pas la respecter et la défendre. Pourtant ce n’est pas une valeur, pas même un processus de formation de l’opinion, mais un mode de prise de décision, la désignation de l’ultime recours en cas d’indécision. Se référer au peuple souverain exige de le faire avec sincérité et clarté, ce que le plus grand nombre de dirigeants craignent ou abhorrent. Se croyant détenteurs de vérité ils leur paraît absurde de laisser les décisions importantes en mains de leurs électeurs. Le mode opératoire de l’UE est incompréhensible, avec des décisions prises par un Conseil formé de chefs de gouvernements de plus en plus soumis à l’encadrement d’une Commission jalouse de prérogatives qu’elle ne cesse d’étendre. Il en résulte un méli-mélo dans lequel des égaux plus importants que les autres (F+D) s’essaient à formuler des politiques inacceptables pour l’ensemble, et avec des Commissaires appointés comme second couteaux, recyclés des milieux politiques de leur nation d’origine. C’est non seulement peu compréhensible mais absurde ; un tel château de cartes ne peut certainement pas servir de modèle de puissance en devenir.

Après que l’UE a réussi, bien au-delà de ses 27 membres, à conditionner l’ensemble du continent à une coopération économique extrêmement régulée, elle bute à ses limites politiques. Les gesticulations de la Présidente de la Commission n’y changent rien. Ce n’est pas un État fédérateur et ne risque pas de le devenir tant que ses membres les plus importants, la France en tête, ne sont pas du tout disposés à céder les parts les plus importantes de leur souveraineté, celles de la garde des droits fondamentaux, de l’exercice de la puissance militaire, de la représentation diplomatique et de la gestion financière. Les cantons suisses le firent, les États américains aussi, tous deux bottom-up, en toute souveraineté. En mode top‑down, les Länder allemands ainsi que les régions italiennes et espagnoles sont aussi des lieux de subsidiarité, mais pas de souveraineté.

Aux vues humaines de notre époque, une puissance européenne semble donc inatteignable. Les tentatives actuelles de centralisation vont à l’encontre même d’un esprit confédéral et à l’encontre d’une gouvernance claire et cohérente. Dans le cadre de l’UE il est bien sûr possible, au cas par cas et après de longues discussions, d’adopter des positions ou des actions communes, comme le furent l’achat groupé de doses de vaccins ou, avec peine, une concordance minimale en matière d’aides à l’Ukraine et de sanctions à la Russie, et ce, n’oublions pas, sous pression et contrôle américains. Mais il ne faut pas confondre une pierre d’achoppement de l’histoire avec la norme générale. Au moment d’écrire ces lignes il est question d’un plan de paix américain qui serait bientôt imposé aux Ukrainiens comme une défaite honorable, aussi appelée capitulation, et dans lequel les Européens ne jouent aucun rôle, même s’ils s’égosillent. Ce n’est pas là une encouble passagère mais la continuation d’une situation d’impuissance fondamentale, à nouveau révélée à nous-mêmes et au Monde entier.

Et si par la grâce d’une épiphanie, l’UE ou toute autre association sur ce continent se transformait en projet unificateur, serait-elle en mesure de s’établir comme un empire du bien ? Revenons aux critères nécessaires : si l’élan civilisationnel est bien fondateur, il se décline sous des formes très diverses, au point même qu’un Germanique ne comprend pas vraiment un Latin, et vice versa. Il ne s’agit pas de manque de respect mais, quoi qu’on en veuille dire, de manque de références communes et de spontanéité culturelle. L’art de réfléchir, de concevoir et d’agir n’est pas le même à Trondheim comme à Palerme. Ces différences sont bien moindres entre Seattle et Miami, Saint-Pétersbourg et Vladivostok ou Qingdao et Wuhan. Les ressources naturelles du continent sont limitées avec une dépendance énergétique exacerbée par l’actuelle rupture avec la Russie. Son potentiel scientifique et technique est de première qualité quoi qu’auto-castré dans les domaines à risques considérés comme intolérables, la biotech, la chimie, le nucléaire ou le numérique. Sa puissance militaire est considérable mais morcelée et contrôlée par un beau-frère lointain, padrone devenu de moins en moins amène. Sa gouvernance est à l’envers du bon sens. Sa gestion de l’immigration est indigente alors qu’au vu de sa démographie elle est essentielle pour sa continuité sociale et économique. Son potentiel de soft power est immense mais reste inexploité et laissé entre des mains peu responsables, trop souvent animées d’esprit destructeur et d’idioties idéologiques. Voulant faire preuve d’ambition, des leaders politiques prétendent décliner des visions mobilisatrices ; si elles l’étaient vraiment ça se saurait. De fait, pris dans leur ensemble, les Européens n’expriment pas de désir de puissance, ils en ont trop souffert par le passé et cela marque leur mémoire collective. Ils n’ont aucune disposition à se précipiter dans des conflits dévastateurs ; or ce risque est bien actuel, mais ils ne sont plus des va-t-en-guerre, comme ils se sont laissé piéger dans le passé. La fleur au fusil de quatorze est bien fanée.

En manque d’alternative

La voie de la puissance impériale étant pavée d’obstacles infranchissables, examinons les alternatives.

Il y a celle de l’extension de la guerre, mais contre qui ? avec qui ? dans quel but ? Certains pensent qu’elle serait gagnable, mais à quel prix ? Et qu’elle rendrait des services salutaires aux Européens en les contraignant à un reset fondateur pour le continent, mais serait-ce pour le meilleur ? ou pour le pire ? Comme ce jeu-là ne se joue pas seul, et qu’il ne s’agit pas de petites allumettes, une telle posture est impossible, et donc irresponsable. Les va-t’en guerre actuels ne semblent pas réaliser les conséquences de leurs inconséquences

Il y a celle du maquignon, qui s’arrange en toute situation et laisse les autres regretter que rien de meilleur ne se passe. C’est la politique de la patate chaude constamment remise dans des mains différentes… jusqu’à quelle soit boulottée par ceux-là même qu’on ne désire pas inviter à le faire, extrémistes de l’intérieur, associés ou non à des opportunistes de l’extérieur disposant de puissants moyens. À l’intérieur, cela n’attire personne, sauf de nombreux pique-assiettes. La Russie d’aujourd’hui s’en délecte et en connaît tous les arcanes. Quoi qu’ils en disent, les États-Unis s’en accommodent volontiers.

Et il y a la voie de la balkanisation cum finlandisation que l’on pourrait même qualifier d’heureuse, dénuée de tout désir de puissance, fondée sur des principes clairs et sur un minimum de règles communes. Il s’agirait surtout d’une subsidiarité contrôlée par « en bas », alors que le chemin pris par l’UE actuelle ne la pratique pas du tout. De la sobriété politique aussi, celle qui s’épargne toute « valeur » ou « vision », et qui permet à chacune et chacun de cultiver son jardin et ses voisinages. Il lui faudrait bien sûr disposer de forces militaires et de renseignement suffisamment crédibles, pour dissuader ou déjouer toute envie d’agression ou de prise de contrôle, tant militaire que de subversion. Par sa force tranquille et l’abandon d’une posture de donneur de leçon elle ne serait une menace pour personne, mais une réunion de partenaires fiables en matière d’échanges civilisés, c’est-à-dire culturels, scientifiques et commerciaux.


[1] National Security Strategy of the United States of America, novembre 2025.

Sondage

Plutôt que m’aventurer à en décrire des contours plus précis et en faire une analyse comparative, je me risque à un sondage auprès des lecteurs à propos de quatre voies possibles pour l’Europe entière.


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