Politique de la Suisse et base pour négocier avec l’Union européenne.

Il n’est jamais conseillé de donner des conseils. Pourtant dans l’évolution des relations de la Suisse avec l’Union européenne nous sommes à un tournant et avons besoin d’orientation. Pour que la Suisse obtienne les meilleures conditions possibles il est très important que le Conseil fédéral jouisse d’un soutien massif de la part des partis gouvernementaux et de la population. Et la Suisse sera en position d’autant plus forte que cette cohésion sera bien perçue par l’UE.

L’idée de ne rien négocier sur rien n’est pas réaliste, il faut se donner un cadre. Si le diable est dans les détails il se manifeste d’autant plus désagréablement que le cadre général et les points prioritaires n’ont pas été préalablement clairement définis. Les propositions suivantes ne devraient pas être perçues comme des postures partisanes mais plutôt elles devraient trouver l’assentiment de [presque] tous.

Préambule :

  • La civilisation européenne est un bien partagé sur tout le continent, elle se distingue des autres de par le monde. Y affirmer sa place est un intérêt commun des peuples qui y habitent.
  • La Suisse est au centre géographique de l’Europe, elle ne peut bien agir sans bonne harmonie avec ses voisins et il en est de même pour eux.
  • Les relations économiques entre la Suisse et l’Union européenne sont importantes pour les deux partenaires. Avec une balance commerciale favorable à l’Europe la Suisse est son 3ème plus fort partenaire.
  • Par sa construction historique, sa diversité culturelle et ses institutions le « laboratoire Suisse » ne peut être indifférent aux Européens cherchant à développer et améliorer leur union.
  • Dans leurs formes actuelles les institutions européennes ne sont pas compatibles avec l’ordre et la culture démocratique suisse. Une adhésion est à court et moyen terme politiquement impensable.

Objectifs de la Suisse :

  • État fédéral constitué de cantons lui ayant délégué de grandes parts de leur souveraineté cette « Willensnation » veut garder son identité propre, d’autant plus qu’elle a divers visages.
  • Accès aux marchés européens dans tous les secteurs industriels, tous les services, de la formation et de la R&D. Bien sûr avec réciprocité.
  • Adoption de standards et normes communs facilitant cet accès, tant qu’ils simplifient, facilitent, et n’empiètent pas sur le premier but.

Stratégie de la Suisse :

  • La Suisse n’est plus candidate à joindre l’Union européenne. La demande déposée en 1992 est retirée. Exprimer formellement cette évidence mettra l’UE devant ses responsabilités de trouver d’autres solutions. Et si un jour une adhésion devait être à l’agenda il n’y aurait aucune difficulté à remettre ça en marche.
  • Faire valoir la prépondérance des droits populaires tels qu’ils s’exercent en Suisse (démocratie directe, peuple souverain). C’est un « killer argument » vis-à-vis du déficit que montrent en ce domaine l’UE et aussi les États membres.
  • Mise en place d’accords portant sur des sujets précis, non liés entre eux. Pas de paquets hétéroclites. Donc détricoter les bilatérales 1 si elles devaient se renégocier suite à leur dénonciation par l’utilisation de la clause guillotine.
  • On peut aussi vivre sans avoir conclus des accords sur tout. La pression est mauvaise conseillère.
  • Flexibilité en cas d’évolution du droit européen : garder une capacité à réviser les accords ou à formuler des réserves à ceux-ci (p.ex. « opt out »).
  • Ne négocier avec Bruxelles qu’après clarification avec tous les États membres.
  • Former des coalitions avec ceux des membres qui ont des intérêts communs avec ceux de la Suisse et divergents du « main stream » européen.

Non négociables :

  • Prépondérance de la démocratie directe suisse.
    La seule exception étant l’étroit catalogue des droits fondamentaux inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) que la Suisse a ratifiée en 1974.
  • Refus de juges étrangers émanant et dépendant des institutions de l’UE.
  • Pas de reprise automatique des changements législatifs européens, pas de « cadre institutionnel » à cet effet. N’étant pas membre il n’y a pas de raison d’imposer à la Suisse des lois qu’elle n’aurait pas approuvées. Donc, après éventuelle renégociation, re-ratification nécessaire, soumise au référendum facultatif ou obligatoire si la constitution suisse est touchée.

Points de négociation :

  • En tous points : s’assurer du statut de « most favoured nation ». L’Europe n’a aucune raison de traiter d’autres états mieux que la Suisse ou à lui dénier des exceptions qu’elle accorde à certains de ses membres.
  • Réserves à inclure dans les traités lorsque la Suisse change sa constitution ou sa législation.
  • Contreparties d’ordre financier, équilibrées et à deux voies, et à garder simples et efficaces.
  • Agriculture : conditions de protection ou non de la production des agriculteurs suisses. Pas d’entrée en matière au sujet des aides directes aux agriculteurs.
  • Fiscalité : modalités négociables tant qu’est maintenue une saine concurrence fiscale entre états et aussi entre cantons.
  • Clauses de secours : que faire lorsque la réalité change de manière imprévue dans les traités (p. ex. taux de migration des personnes, crises économiques ou sociales).

 

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