La loi sur le climat : un titre absurde, des buts illusoires et des moyens ruineux

Il fallait le faire ! Non seulement une nouvelle loi sur le climat est soumise au vote populaire en guise de contreprojet à l’initiative dite des glaciers, mais son titre est déjà digne de la novlangue si bien décrite par Orwell dans 1984, son livre prémonitoire. Tout ce qui le constitue résultera en son contraire.

Cette « Loi fédérale sur les objectifs en matière de protection du climat, sur l’innovation et sur le renforcement de la sécurité énergétique » fixe bien des objectifs mais sans montrer en rien comment le climat serait protégé(sic) par les mesures proposées. Ils sont aussi illusoires, car d’une ampleur irréalisable dans un délai qui tient du rêve. L’innovation n’en fait partie que pour des crédits de recherche et autres « programmes d’impulsion » à essaimer sans autre condition que le respect(sic) du climat. Quant à la sécurité de l’énergie, ce qui ne veut rien dire, il est certain que l’approvisionnement en énergie sera durablement péjoré.

M’enfin dira-t-on, ce n’est pas la sémantique mais la bonne intention qui compte. Pourtant, avec tant d’équivoques il sera facile de saisir les tribunaux pour condamner un État qui ne pourra que faillir à cette mission.

Dans la brochure explicative il est fait mention d’études qui « montrent qu’il est possible pour la Suisse, tant techniquement que financièrement, de s’approvisionner en énergie tout en respectant la neutralité climatique d’ici à 2050. » Ces études sont de complaisance et, aux yeux d’un ingénieur, de qualité contestable ; volumineuses à souhait, elles sont pourtant gravement incomplètes, biaisées et donc mensongères. Une fois de plus, cela induira les citoyens en erreur.

Pour les transports et les chauffages, l’électricité doit remplacer les fossiles. Même en tenant compte d’économies encore réalisables, c’est une tâche formidable que les seules énergies prétendues renouvelables – une autre imposture – ne pourront pas accomplir, elles la rendront même bien trop compliquée et excessivement coûteuse. Après que les centrales nucléaires existantes seront devenues obsolètes, il ne restera que la dépendance aux importations. C’est oublier que les pays voisins, tous engagés dans des simagrées similaires, ne prévoient aucune capacité excédentaire pour assouvir nos besoins. En outre, aucune technologie disponible et abordable ne permet de modifier des processus industriels clés – ciment, chimie – ni d’assurer le captage et la séquestration du CO2. Qui donc investira dans une affaire si mal embouchée ?

Le reste est truculent. La décarbonation pourra s’acheter à l’étranger, puits de carbone compris ; il suffirait donc d’investir dans quelques réacteurs nucléaires en Afrique ou en Inde pour avoir résolu le problème puisque cette alternative décarbonée est interdite dans notre pays mais pas ailleurs. Aussi, la taxation du carbone restera en vigueur pour les seules importations d’énergie, mais pas pour d’autres biens et services importés qui en contiennent indirectement. Cela incitera des industries qui sont de grosses émettrices à délocaliser leur production, comme la chimie, ce fleuron de notre balance des payements qui ne pourra que se faner. Secteur par secteur, et au pourcent près, la loi fixe la progression de la décarbonation, bien que rien ne soit connu des moyens d’y arriver ; il faudra donc des lois supplémentaires pour réviser cette loi, un état de crise permanente qui arrangera bien des cupidités pas encore dévoilées. L’Administration fédérale devrait y jouer un « rôle modèle », de sobriété et frugalité ; saura-t-elle aller à son propre contre-courant ?

Un sommet de surréalisme est atteint à l’Art. 9 concernant la finance. Il va falloir créer plusieurs chaires de droit, de psychiatrie et d’économie pour étudier ce que signifie « mesures de réduction de l’effet climatique des flux financiers nationaux et internationaux. » Ou alors tous les absolutismes pourront être imposés, heureusement bridés par notre Constitution qui, pour combien de temps encore, garantit la liberté économique et la propriété.

Même si l’évolution du climat expose la Suisse à des difficultés qu’il sera nécessaire de surmonter, cette loi ne contribuera en rien à nous en protéger ; pour sa part le climat n’a pas besoin de protection. Alors non, tout cela ne procède certainement pas d’une bonne intention, mais au mieux de négligence ou d’intérêts particuliers, et au pire de sombres intentions. Un NON s’impose !

Article original publié dans Le Temps du 21 mai 2023.


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7 thoughts on “La loi sur le climat : un titre absurde, des buts illusoires et des moyens ruineux”

  1. D’accord à 100% ,mais alors pourquoi un seul parti l’ UDC recommande le NON ???

  2. Dem ist nichts hinzuzufügen. Das könnte ein Politiker so im Kurzformat vertreten.

  3. Malheureusement un excellent article.
    Une fois de plus (2017 revisité) c’est les Libéraux-Radicaux qui vont probablement faire basculer la votation en faveur de cette chimère de loi. Une fois de plus, c’est Ruedi Noser qui a convaincu le leadership de son parti et malgré le fait que certains de ses membres sont totalement contre.
    En plus, il désavoue un collègue de partie, un des meilleurs connaisseurs de la matière, le conseiller national Christian Wasserfallen. Comme en 2017 où Noser a ‘réussi’ que le PLR vote pour cette autre catastrophe de loi, la stratégie énergétique 2050 de Mme Leuthard, et contre un autre collègue de parti et expert du marché et de l’industrie de l’électricité Benoit Genecand. https://tinyurl.com/ycknj9sy
    Je refuse de croire que Noser et ses sympathisants sont si bêtes pour ne pas comprendre que les lois qu’ils soutiennent ne servent à rien et sont destructrices pour la Suisse.
    La seule réponse que j’ai, c’est qu’ils doivent avoir une haine pathologique (comme d’ailleurs ‘leur’ journal, la NZZ) contre tout de ce qui ‘sent’ UDC. En opposition par principe, même s’ils s’auto-detruisent. En tout cas, mon vote ils l’ont perdu pour de bon.
    (Modérateur : merci de bien vouloir corriger mon Français Fédéral)
    C’est fait, merci à vous.

  4. Ein ausgezeichneter Artikel, welcher die grossen Schwächen und Illusionen des Klimaschutzgesetzes aufzeigt. Dieses Gesetz ist unglaublich teuer, jedoch ohne die geringste Wirkung im Kampf gegen den Klimawandel. Dieses extreme Subventions-Gesetz kann keinen Millimeter Gletscherschwund retten! Es handelt sich um eine unverantwortliche und unsinnige Geldverschwendung. Der Leser bedenke: mindestens 80% des heutigen weltweiten Primärenergieverbrauchs sind immer noch fossiler Natur! Diese Tatsache kann mit diesem fanatischen Gesetz mit Sicherheit nicht verändert werden. Der Klimawandel muss ohne Zweifel bekämpft werden. Jedoch weltweit (inkl. CH), machbar, tragbar und bezahlbar. Ich stimme “Nein”!

  5. Encore en Suisse on vous demande de voter ; en France on est tout juste bon à fermer sa gueule et attendre qutre de plus pour pouvoir s’exprimer

  6. Cher Monsieur de Rougemont. Merci à nouveau pour ce magnifique billet plein de bon sens. Vous avez réussi en quelques mots à souligner avec brio la totale incohérence sémantique et projective de ce monument au crétinisme ambiant qu’est ce projet de loi soumis au peuple. Il y aurait tant à dire des mensonges perpétrés par la presse et de prétendus experts. Par exemple, personne ne parle de la contribution d’un Net Zéro helvétique à la “hausse” des températures planétaires. Que ce soit en passant par les ECS (discutables) ou par les TCR(E) sans doute plus sérieux), le résultat obtenu est si ridicule que personne n’ose l’avancer. De même pour l’économie en termes de pCO2. Bref, cette loi qui se veut protéger le climat (au fait, de quel climat s’agit-il? La carte de Köppen-Geiger en dénombre pas moins de 30 différents, et résumer cette diversité par une simple et unique courbe relève de la masquerade) ne sert absolument à rien, d’autant, que comme vous le souligner, “le climat” ne se protège pas, il se gère. Je cultive l’espoir que votre billet dans Le Temps pourra permettre de faire réfléchir nos concitoyennes et concitoyens. Le NON doit non seulement l’emporter, mais avec une majorité écrasante de façon à faire taire une fois pour toute les velléités d’anéantissement de notre prospérité. Merci encore pour vos remarquables billets.

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