Inanités

Que le climat change sans que cela nous incommode, que l’environnement soit respecté pour autant que nous en ayons les ressources, que la santé n’ait jamais été aussi bonne et ne dépende que de chacun, ses conditions et ses prises de risques, et peu des actions des autres (sauf la vaccination), que le travail reste une torture utile et volontaire, porteuse du bien-être économique, que ni les jérémiades ni les discours apocalyptiques ne font avancer le schmilblick : tout cela est vrai mais pas cru, ça n’a en fait aucune importance.

Pour nous animer il nous faut un ennemi, et le meilleur d’entre eux est « nous ». Un nous collectif qui concerne donc les milliards d’autres car si chacun d’entre nous fait partie du « nous », ce sont bien les autres de ce collectif qui sont la source des maux sur cette terre et les perpétuent. Et puis ces maux sont aussi infligés aux autres espèces, de la daphnie aquatique au mammouth disparu, de la diatomée au sycomore. La responsabilité collective est grande, démesurée.

Nous nous sommes laissés chasser de l’Eden, les « nous » d’alors étaient donc bien irresponsables de s’aventurer dans la luxure et le péché. Et depuis, nous dit-on sans que l’on sache qui est « on », cela irait de mal en pis.

Il est donc impossible que quoi que ce soit se passe bien, sauf la victoire hélas éphémère de mon joueur de tennis préféré (Federer, tant qu’il gagne). Chaque remède crée un tourment subséquent, c’est comme ça depuis qu’homo sapiens a divergé des animaux normaux et courants, pour sa perte et à l’insu de son propre gré.

Que dire après cela ? Qu’il y aurait une voie rédemptrice ? Qu’agissant ensemble la récurrence des problèmes pourrait être brisée ? Qu’il y a des solutions ? Mais non ! puisqu’à chaque fois cela se péjore, immanquablement, à cause de notre nature humaine devenue artificielle puisqu’indubitablement humaine. Bien et mieux nourris ? pesticides dangereux. Forces décuplées par une énergie bon marché ? catastrophe climatique. Pollutions maîtrisées ? pas vrai, tant que les dernières traces n’ont pas totalement disparu, c’est-à-dire jamais.

Le progrès est en fait la cause de tous les maux ; il est impossible, donc indésirable.

Pourquoi donc s’obstiner à mettre tout ça sous contrôle ? Dépolluer, refroidir le climat, décarboner, débétonner, dévoyager, désintensifier, déproduire, dénataliser, en un mot décroître, jusqu’à l’extinction, serait la seule issue moralement acceptable pour une espèce si arrogante et imbue d’elle-même qu’elle se croit responsable de tous les malheurs et capable d’y remédier.

Oups ! l’argument devient absurde : vouloir faire le bien alors qu’il est démontré comme impossible, pour en arriver au néant par la destruction, cette fois non créatrice.

N’y aurais-je donc rien compris ? c’est bien vraisemblable lorsque j’observe tous ces activismes fondés sur le malheur. Que se passerait-il si ce malheur n’était pas, ou du moins s’il était tolérable parce que c’est d’autre chose dont est faite la vie de chaque personne, du moins celle qui ne se dope pas au catastrophisme ? Les pessimistes, encore eux, diraient que cela ferait plus de chômage car on ne s’occupe bien que de problèmes insolubles et les faire disparaître ôterait leur raison d’être à bien des corps inutiles ; les prophètes eschatologiques n’auraient plus de grain à moudre ; les comptables n’auraient plus grand chose à compter, ni sous ni CO2. Donc, supprimer l’idée du malheur provoquerait une augmentation du malheur, c’est pire que l’entropie.

Non seulement je n’ai rien compris mais j’aurais tort. La vision d’un monde meilleur, d’un avenir radieux, est maintenant donnée aux jeunes générations, celles qui, enfin et tout de go, ne se transformeront plus jamais en tribus quérulentes ou en vieux cons frustrés, mais seront remplies de sagesse jusqu’à la fin de leurs jours. Tous les gars (garces au féminin ?) du Monde se donneront la main, se baigneront avec les ours polaires et bêleront avec les meutes lupines. L’Eldorado est à leur portée, veulent-ils croire.

Si, bien mal conseillé par un Pangloss aussi éloigné des réalités que nos leaders et experts actuels, mais lui au moins désintéressé, il voulait y croire mais finit par comprendre et conclut : “Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.”


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