Accord sous tension électrique

Un des volets restants à régler avec l’Union européenne (UE) est celui de l’électricité. Y a-t-il un besoin impératif de conclure un accord à ce sujet, dans l’intérêt de qui et sous quelles conditions ?

La situation

La Suisse avait l’habitude d’être un exportateur net d’électricité, bien qu’avec des hivers toujours importateurs. Cette situation a maintenant tourné depuis 2016, avec de longues périodes d’entretien des centrales de Beznau et de Leibstadt, et cela empirera au fur et mesure que les centrales nucléaires devront cesser leur activité. Comme il est impensable que des économies puissent être imposées aux usagers à la mesure de cette diminution de l’offre, et alors que la demande ne devrait cesser d’augmenter, des importations régulières deviennent indispensables, ou bien il faut construire des centrales à gaz dans notre pays.

La Suisse est bien intégrée dans le réseau régional européen (ENTSO-E) avec swissgrid qui assure les transits à haute tension ainsi qu’une fonction de réglage et de maintien de la sûreté de l’approvisionnement. Avec les « transitions énergétiques » en cours en Europe et les productions erratiques d’énergies soi-disant renouvelables, les interventions de stabilisation sont de plus en plus fréquentes, détournant l’hydraulique d’accumulation de son objectif primaire qui est de conserver et équilibrer la ressource entre été et hiver afin de fournir à notre pays de l’électricité toute l’année.

Pourquoi un accord

Le système actuel fonctionne bien, même si les électriciens, habitués à une rente confortable et déstabilisés par les changements en cours, se plaignent que les plus fréquentes interventions de stabilisation du réseau, causées de l’extérieur, ne sont pas convenablement rétribuées ; cela n’est pourtant là qu’une question de tarifs commerciaux.

La motivation principale est l’accès sans entraves au marché européen dont il est allégué que même les petits consommateurs en profiteraient (c’est déjà le cas pour ceux de plus de 100 MWh par an, un ménage en consomme entre 2 et 6), ce dont on peut douter.

Ce à quoi il faut s’attendre

Tout accord suppose que la Suisse s’adapte aux exigences de l’UE même si elle peut s’y préserver quelques picaillons, ce qui lui est toujours reproché. Elle dépendra donc des politiques énergétiques de l’UE et de ses membres dont l’intérêt, en sus de la fonction importante de transit alpin, sera de garder en réserve l’entier de la ressource hydraulique suisse afin de stabiliser le réseau européen, au point même que notre pays dépendra encore plus des importations, jusqu’à 60-70% de ses besoins. La rentabilité de notre grande hydraulique d’accumulation en souffrira encore plus. Par ailleurs, il faut s’attendre à n’être fourni qu’en dernier et au prix le plus élevé car une situation de dépendance met l’acheteur en position d’infériorité, l’Italie en sait quelque chose, et ce d’autant plus que ce marché soi-disant ouvert et libéralisé est soumis à maintes distorsions et protections étatiques.

Les traders, mais pas la sécurité de notre approvisionnement, y trouveront peut-être leur beurre au Portugal ou en Lituanie, mais en fin de compte, c’est le consommateur helvétique, gros et petit, qui trinquera entre Genève et Rorschach.

Il faut s’attendre donc à un mauvais accord. Le statu quo, bien qu’imparfait, y est donc préférable.

Par-dessus le marché, le prétendre indispensable justifierait l’a priori d’un autre accord, institutionnel celui-là, que la Commission Européenne désire infliger à la Suisse pour la mettre à sa botte et la convaincre, à terme, que l’adhésion serait meilleure. Même si cela satisferait nos euro-turbos, une telle tactique de cheval de Troie est inacceptable.

La seule voie vers une moindre dépendance sera de construire chez nous les centrales à gaz que l’on accuse d’être climatiquement incorrectes, et aussi de faire payer de plus en plus cher à nos voisins le transit alpin et les interventions de stabilisation que les errements de l’UE rendent nécessaires. Il n’y a pas besoin d’accord pour cela, ni sectoriel ni institutionnel.

Cet article vient en complément au livre récemment publié par C-C-Verlag du think-tank C-C-Netzwerk
Versorgungssicherheit. 
Vom politischen Kurzschluss zum Blackout
Bernd Schips, Silvio Borner (Herausgeber)
Dont un chapitre en français est rédigé par votre serviteur.


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