Vote du 9 février. Et bien messieurs, tirez les premiers !

Au lendemain de l’acceptation de l’initiative « contre l’immigration de masse » on peut avoir, comme l’adversaire que j’étais, deux réactions.

L’une est celle du bon perdant : le peuple s’est prononcé, les urnes ont parlé, le mandat maintenant donné au Conseil fédéral doit être exécuté, et il le sera. C’est ainsi d’ailleurs que D. Burkhalter et S. Sommaruga ont réagi, tout en soulignant qu’il sera difficile de trouver une voie consensuelle avec l’Union Européenne.

L’autre est celle du mauvais perdant, celui qui en fin de compte n’a pas à faire de langue de bois.

Je m’y essaye ici avec malice et humeur, comme il est de mise en politique politicienne.

Analyse du vote : majorité de 17 cantons, tous alémaniques plus le Tessin sauf Zurich et Bâle-Ville. Et gain par 0,3% des votes exprimés. Celui qui prétendrait que « la Suisse pense, la Suisse est, etc… » serait en dehors de la réalité : il est difficile d’être plus divisé au sujet des étrangers qu’on ne l’est en Suisse, ce vote le prouve.

Lignes de fracture : c’est la Suisse allemande qui fait le résultat. Le Röstigraben est encore une fois très net.
Mais plus étonnant c’est que, alors que les problèmes d’emploi, de logement, de transports sont plus réels dans les villes que dans les campagnes la fracture entre les deux est à l’inverse : les grandes villes, Zurich, Genève, Bâle, Berne (et son district), Lausanne ont nettement rejeté l’initiative. Ce sont les campagnes et les zones d’urbanisation moins denses qui surcompensent. N’étant pas exposés aux mêmes effets de la pression des étrangers dont parlaient les initiants il faut alors supposer, ce que je fais sans ambages, que ce sont des fantasmes qui ont motivé le vote des birnes de la Suisse plus ou moins primitive (c’est méchant mais ça fait plaisir à écrire).

Conséquences : le porte-parole de l’UE a rarement tenu des propos si clairs pour exprimer une position officielle de l’UE, en substance : le libre passage des personnes est un acquis fondamental de la construction européenne et n’est en aucun point négociable. Le Conseil fédéral a maintenant trois ans pour créer un nouveau système qui satisfasse le résultat du vote. Mme Sommaruga dit vouloir présenter une proposition de loi à la fin de l’année ce que même les représentants de l’UDC ne critiquent pas car on sait que l’horloge politique ne tique pas aussi vite que les autres. On n’est pas sorti de l’auberge !

Choix à faire : tout au cours de la campagne les partisans ont limité leur propagande sur le quoi ne pas avoir, mais aucun ne s’est engagé pour expliquer le comment. S’il faut limiter c’est dans quel domaine : l’agriculture, la construction, le tourisme, les soins aux vieux, la santé, l’horlogerie ? Ou alors quelles populations : celles qui migrent actuellement le plus (Allemands, Français, Portugais) ou quelles autres ? Non plus ils n’ont voulu aborder les voies de négociation avec l’UE, alors qu’il faudra bien avoir une stratégie en la matière.

À eux maintenant de dire comment faire, de présenter les critères de choix et une plateforme de négociation avec l’UE. Messieurs, ayez le courage de tirer les premiers ! Ne restez pas dans votre couardise habituelle du « Yaka–Faukon-si-t’es-pas-avec-nous-t’es-un-idiot » qui ne s’engage pas sur les modalités d’exécution, et qui attend comme un serpent dans sa fosse que le Conseil fédéral trébuche. C’est l’agenda typique du lâche con populiste : tant qu’il ne propose rien de concret il se réserve le droit de blâmer les autres.

Voilà, c’est dit, rendez-vous à Canossa.


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