Accueillir la sagesse du vieux crouton

Lors d’un débat à propos de la fameuse et inutile transition énergétique l’obèse ex syndic de Lausanne et peu assidu Conseiller national Brélaz traitait de vieux crouton un professeur émérite de l’École polytechnique fédérale de Lausanne qui en faisait la critique. Il est rare que je personnifie, mais si ce triste sire se permet de caractériser de manière taxonomique une personne à qui il ne sait quoi objecter sur le fond, alors pourquoi me gênerais-je ? Dans ce cas il me faut inventer une autre locution, celle de crouton blet.

Pourtant cette remarque interpelle. Retraités ou plus ou moins retirés des affaires que reste-t-il aux vieux comme contribution possible à la vie d’un pays ? En attend-on quelque chose ? Et s’ils se manifestent faut-il faire attention à leurs propos ?

Tant que Grand Papa n’est pas gaga il me semble que les réponses à ces trois questions sont dans l’ordre : beaucoup, hélas pas trop, oui.

Pour être un vieux crouton (mot unisexe donc universel) il faut avoir été gamin, adolescent, puis adulte. Cette expérience ne s’acquière pas sur les bancs d’école ni se sanctionne par une certification ISO.

Par ailleurs, avant de s’encroûter, une personne passe par au moins deux stades. Le premier est celui de l’ignorance, à l’adolescence parfois doublée d’un sens aigu de la revendication. Cet état d’ignorance est aussi un état de grâce : tout est magique, tout est possible.

L’autre stade est celui du cycliste ayant le nez dans le guidon. Il faut bosser, semer et récolter du blé, et mettre le foin à la grange. Le travail peut donner des satisfactions mais occupe tant de temps que celui qui reste ne suffit plus qu’à chercher la détente. Lors de cette phase beaucoup d’expérience est accumulée sans d’ailleurs que l’on s’en rende compte, occupé qu’on est à pédaler. Bien sûr il y en a, peu nombreux, qui se libèrent de ces contraintes, soit parce qu’ils ont une puissance de travail considérable et une grande intelligence, soit parce qu’ils choisissent de se mettre sur des chemins de traverse, artistes et autres intellectuels plus ou moins au chômage. Ceux-ci prennent ou ont le temps pour s’exprimer et pour offrir leurs analyses et considérations. Mais en règle générale le temps de la réflexion, de la consolidation de ses expériences est incompatible avec celui de l’action.

L’action se doit d’être ancrée à une stratégie, la stratégie à des buts bien compris et les buts à des principes de vie que l’on choisit et que l’on respecte. L’éducation et l’enseignement contribuent à l’acquisition des connaissances nécessaires et à l’acculturation mais, devant des nouvelles difficultés de la vie, face à des choix à faire, quels sont les recours de celle ou celui qui n’a pas pu en évaluer tous les aspects. C’est le moment où de bons conseils peuvent être appréciés, surtout d’amis qui ne sont ni concurrents ni dominateurs.

Alors le bout de ce pain pas encore totalement mangé —il en reste encore pour quelque temps j’espère— peut avoir une saveur appréciable et une valeur nutritive significative. Car être plus ou moins retiré des affaires ne rend ni gaga ni exclu la curiosité, la fantaisie et la réflexion. Le luxe du temps libre peut servir à consolider les expériences et à élaborer des synthèses, à transmettre une sagesse qui peut être utile à ceux-là même qui, aussi, un jour, deviendront des vieux croutons.

De là à en faire un club… que les intéressés s’annoncent.


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