Angélisme ou racisme : seule alternative ?

Immanquablement la terreur gagne.

En ces temps médiatiques où tout doit être dit en quelques secondes il n’est pas étonnant que toute discussion touchant de près ou de loin à notre relation avec les étrangers –personnes, société et civilisation, pays– soit devenue impossible. Surtout lorsque personne ne semble souhaiter la clarté.

Cela fait le jeu de ceux qui nous veulent du mal, mieux organisés et préparés que nos appareils d’état de droit ; ceux qui se sont déclarés nos ennemis. Ils ne se cachent pas, ils proclament tout haut leur haine de l’occident et l’avènement d’un califat dont les contours sont bien flous mais la barbarie certaine. On le sait, ils ont un nom, une origine, une organisation, et jouissent de soutiens actifs et passifs à l’intérieur même de notre société.

Il leur suffit de distiller des actes violents, ici ou là, de temps à autre, pour nous sidérer et nous rendre incapables de penser librement. Oui, nous sommes terrorisés.

Face à cela je constate que nous ne savons ou ne voulons pas analyser ce qui se passe chez nous. Ou alors ça se fait de manière lapidaire, en mélangeant tout : immigration, réfugiés, religion, extrémismes. C’est ainsi que je me sens coincé par deux postures opposées, chacune aussi imbécile que l’autre.

Celle de l’angélisme. Cette peur de nommer le problème par son nom et d’identifier clairement ceux qui fomentent ces troubles, ce relativisme permanent de la loi et de l’ordre. Ce sont les arguments faussement droit-de-l-hommiste et socio-psycho d’une gôche bien-pensante et de la repentance chrétienne. À force de défendre les droits de tous, plus personne ne se sent en liberté. Par l’utilisation extensive de toutes les voies de recours juridique on fait en sorte qu’aucun problème ne trouve de solution. Le bon sens et la bonhomme assurance de soi sont en train de disparaître au profit des stériles donneurs de leçon. On sait que dans une telle situation le fanatique prend toujours l’avantage car il se moque des esprits sensibles.

Et de l’autre côté il y a l’appel raciste des terrorisés qui ont tellement la trouille qu’ils veulent que nous nous barricadions et proclament une radicale intolérance. Il suffit de lire LesObservateurs en Suisse ou Boulevard Voltaire en France pour se rendre compte de l’état de désinhibition atteint par cette frange-là. Comme le terrorisme actuel est djhadiste tous les immigrés ou compatriotes « issus de la migration » sont soupçonnés de faire partie d’une cinquième colonne. Cela n’offre bien sûr aucune solution et donne du grain à moudre à l’ennemi qui se trouve confirmé dans ses croyances et sa haine, devenues mutuelles. Ce qui fait peur de ce côté n’est pas le bête populisme, c’est le potentiel de radicalisation totalitaire de notre société sous prétexte de cette menace qui d’extérieure devient maintenant intérieure. Ici aussi le bon sens fout le camp.

Faut-il devoir choisir entre totalitarisme d’un pseudo-humanisme égalitaire et totalitarisme de la prétendue suprématie raciale et culturelle ? D’évidence tout débat sera immanquablement bordé par ces deux postures fausses et incompatibles. Et comme chacun prétend avoir raison ça ne risque pas de se passer sereinement. En attendant la terreur gagne, les zinzins nous obsèdent car nous sommes incapables de savoir ce que nous voulons, ils le savent et en profitent.

Nous, c’est un nous culturellement européen, avons besoin d’une stratégie dont le but est d’affirmer et de vivre selon des principes qui nous sont indiscutablement communs : prévalence de la personne et de ses choix, pluralité et liberté d’opinion, respect de celui ou celle qui nous respecte. À cette fin nous nous sommes donné des institutions, avant tout l’état de droit, et des voies de prise de décision selon des modes démocratiques. Face aux tentatives totalitaires venant de l’intérieur ou de l’extérieur notre stratégie doit consister en l’union et la mise en application disciplinée des lois que nous nous sommes données. Rien de cela n’est négociable.

Nous ne pouvons plus nous permettre d’être constamment distraits par des cons ou par des traitres, par des populistes nationalistes, des révolutionnaires irresponsables, ou des angéliques indignés. Je les mets tous dans le même sac.

La réponse de nos dirigeants est en dessous de ce qu’ils valent. À force de vouloir ménager la chèvre et le choux, menés par le bout du nez par les spin doctors, craignant le peuple, ils ne savent plus prendre des risques pour choisir une stratégie claire. Nous n’avons pas besoin de grands débats mais d’une ligne d’action cohérente et compréhensible, d’une direction.

Dans mon pays, la Suisse, je doute que le Conseil fédéral soit capable d’une telle clarté de vue et d’une telle détermination, ni bien sûr les Conseils d’État des vingt-six cantons et demi-cantons. Mais je me permets d’espérer que, à l’instar de ce que fit le Général Guisan il y a 75 ans, une stratégie soit enfin mise en place qui soit digne de la civilisation que nous prétendons chérir.

 


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