OGM : une autre de ces impossibles compréhensions

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Bien sûr, les OGM ne sont pas une panacée car rien ne l’est en agriculture (et en bien d’autres choses encore).

Mais ils apportent un plus aux agriculteurs en cela que le désherbage se fait avec un herbicide[1], bon marché et très compatible avec l’environnement car il ne laisse pas de résidus, plutôt qu’avec de multiples applications d’autres molécules avant et après la levée. Cela permet aussi d’éviter de labourer ce qui est une bonne chose contre l’érosion des sols.

La fonction insecticide[2] est aussi appréciée dans le maïs et le coton ; là, on réduit le nombre d’applications d’insecticides synthétiques, donc avant tout le coût pour l’agriculteur.

Les avantages, exclusivement agronomiques, s’arrêtent à peu près là.

Ils concernent avant tout les grandes cultures : maïs (h, Bt), soja (h), colza (h) et coton (h, Bt). Il y a d’autres OGM sur le marché mais encore en quantités très réduites : luzerne (h), betterave sucrière (h), aubergine (Bt), poivron (résistance à un virus), papaye (virus), pomme de terre (modification de la teneur en amidon).

Ils sont suffisants pour que 180 million d’hectares soient cultivés avec ces semences, soit 3,3 fois la surface de la France métropolitaine (montagnes et Corse comprises). Si les critiques disant que ces semences ne servent à rien avaient raison ce seraient des millions d’agriculteurs qui auraient tort, or ils y voient leur avantage. C’est la preuve par le marché, ce que ces critiques ne veulent jamais savoir car si la pratique dépasse leurs théories ils savent, eux, qui doit avoir tort.

Mais à un développement technologique on trouve toujours des inconvénients, car la nature est plus adaptable qu’on ne le croit.

Certaines mauvaises herbes développent une résistance au glyphosate, l’herbicide contre lequel on introduit un gène résistant dans la plante à cultiver. Ce phénomène de résistance existe partout : bactéries résistantes aux antibiotiques, insectes aux insecticides, champignons aux fongicides. La stratégie est de faire des rotations de culture et d’appliquer plusieurs substances actives en mélange ou en successions alternées. C’est aussi ce que font les infectiologues lorsqu’ils rencontrent des souches de pathogène très résistantes chez leurs patients. C’est pourquoi il y a maintenant, en plus du fameux glyphosate et son cousin glyfosinate, des OGM résistants à de vieux herbicides pas chers appelés 2,4-D[3] et Dicamba.

Pour les insectes la résistance est moins bien développée, c’est dû au mode d’action de la toxine. Mais il faut tout de même aménager dans les champs cultivés ce qui s’appelle des refuges pour que les oiseaux et autres compères de la chaîne alimentaire trouve de ces insectes pour se nourrir afin de maintenir la sacro-sainte biodiversité. Les refuges sont des surfaces où ce n’est pas un OGM qui est planté mais une variété sélectionnée par voie classique.

Là aussi on peut ironiser et prétendre que tout cela tourne en rond, et bien se garder d’expliquer au lecteur ou au téléspectateur de quoi il retourne vraiment.

Les critiques mentent aussi lorsqu’ils prétendent que les OGM ont des moindres rendements. Cet argument est servi de manière tellement répétitive, que l’on finit par croire que c’est la vérité.

En soi un OGM fait pour résister à un herbicide ou pour se défendre contre des insectes n’a pas de raison d’être plus productif, donc que le rendement à la récolte soit plus élevé. On a vu que les avantages sont agronomiques. Avoir introduit un trait génétique dans un végétal ne rend pas inutile la sélection, par voies classiques, de variétés mieux adaptées à des sols et des climats spécifiques, bien au contraire. Si on plante une semence développée pour un certain écosystème dans un autre il faudra s’attendre à des baisses de rendement, OGM ou non. Mais il est clair que dorénavant l‘amélioration de ces variétés ne se fera pratiquement plus que sur une base OGM[4]. Les variétés non-OGM ont peu de chance d’être améliorées car, à part les cultivateurs bio, elle n’ont bientôt plus de marché (maïs, soja, colza, coton). Par ailleurs des OGM sont en développement ayant pour but d’offrir une meilleure résistance au stress, sécheresse ou salinité des sols. Les résultats ne sont pas si probants, malgré la communication optimiste des fabricants.

Il reste encore trois classiques de l’opposition à ce genre de nouvelle technologie :

  • La prise de brevet et l’exclusivité d’usage commercial qui en découle (pour 20 ans après le dépôt du brevet original). C’est une ritournelle : pour ces critiques-là les brevets sont une infamie capitaliste, etc…
  • Le brevetage « du vivant » : à interdire sous prétexte que Dame Nature n’appartient à personne mais à tout le monde.
    Sauf qu’il a bien fallu inventer un procédé, découvrir et aménager des fragments de gènes qui fonctionnent de manière innovante, utile et non évidente pour le commun des praticiens. Et il a fallu engager des frais de R&D importants sur de nombreuses années. Qui ferait ça sans s’assurer d’une possibilité de retour sur investissement ? Les premiers brevets sur les OGM sont d’ailleurs déjà tombés dans le domaine public, en particulier les méthodes utilisées pour effectuer les modifications.
    Par ailleurs, toutes les variétés végétales, non OGM, d’intérêt commercial sont déposées par les obtenteurs qui jouiront d’une exclusivité pour 20 ans (25 pour la vigne et les arbres). Convention UPOV, Paris 1961. Cela ne s’appelle pas brevet, mais ça a les mêmes buts.
  • Le petit nombre d’entreprises faisant du business avec ces organismes et formant un mystérieux oligopole mettant les agriculteurs sous une domination esclavagiste. En fait il n’y en a pas moins que les grands groupes automobiles de la planète, mais ça, ça ne dérange personne. Et la concurrence entre eux est féroce[5].

Comme d’autres technologies les OGM sont un exemple type de développement devenant impossible, en tous cas dans le vieux monde :

  • pas de familiarité du public ni avec le sujet (biologie moléculaire) ni avec les acteurs (monde de l’agriculture, le lait sort d’une boîte en carton) ;
  • expertise très pointue en recherche, en développement et, ne l’oublions pas en production : le Dr Faust ou Méphistophélès à l’œuvre ?
  • entreprises, américaines par-dessus le marché, gagnant des sous avec ce qu’elles font (les alterno-mondialistes ne vivent que d’amour est d’eau fraiche, à condition qu’un miracle de transformation de l’eau en vin se fasse chaque matin aux frais du patron) ;
  • risques allégués, mais jamais avérés, parfait pour tout adhérent aux théories du complot ou atteint de précautionnite aigüe.

On peut être reconnaissant à Pasteur, Curie, Fleming, Fermi, Borlaug et tant d’autres d’être nés au bon moment : aujourd’hui ils n’auraient que très peu de chances de pouvoir faire ce qu’ils ont fait en leur temps.

Rôle des médias. Connaissant un peu le sujet je vois vite les failles des articles ou émissions qui y sont consacrés. Chacun qui dans son domaine (nucléaire, finance, aide sociale, chimie, peu importe) a eu à faire avec les journalistes raconte chaque fois la même histoire de leur incompréhension du sujet et de leurs préjugés. C’est pourquoi je ne lis la presse qu’avec une attention sceptique.

On sait que la population mondiale va encore augmenter et on aussi sait que les superficies agricoles stagnent. On sait donc qu’il est nécessaire d’augmenter l’efficacité de la chaîne alimentaire. À l’origine de cette chaîne se trouve la production de semences et leur utilisation en agriculture. Il faut impérativement intensifier la production agricole, faire plus sur autant d’hectares, c’est d’une logique implacable. Et bien sûr il faut le faire sans empoisonner les gens et l’environnement. Le reste, grande distribution et consommation, doit aussi s’améliorer afin de minimiser les pertes. La technologie de modifications génétiques de tissus végétaux n’en est encore qu’à ces débuts, et elle jouera un rôle significatif sur cette scène, sans y être ni panacée ni poison.

 

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[1] Un gène donnant à la plante une immunité envers un herbicide total tel que le glyphosate permet à celle-ci de survivre alors que le champ est traité pour éliminer toutes les adventices. On plante, on attend la levée et les premières adventices, et on traite en une seule fois toutes les mauvaises herbes.

[2] Tous basés sur des toxines issues de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt), exprimées par un gène que l’on introduit dans la plante. La toxine est activée dans l’intestin de la larve d’un insecte ravageur (lépidoptères, certains diptères) qui ne s’alimentera plus. Des produits à base de Bt obtenus par fermentation, et certifiés bio, sont couramment appliqués comme insecticides par aspersion foliaire ou au sol. Leur spectre d’utilisation est limité à certaines espèces bien définies.

[3] Le 2,4-D n’est pas le composant toxique de l’agent orange utilisé au Vietnam pour défolier les forêts. C’était le 2,4,5-T, source de dioxine en cas de traitement thermique, dont l’usage est interdit depuis le début des années 70.

[4] Le trait génétique introduit pour modifier la plante se transmet ensuite de génération en génération, sans autre intervention. Il peut subir lui-même une mutation et ne plus avoir l’effet désiré, c’est ce qu’on appelle le gene silencing, mais ça ne concerne pas les semences commerciales actuellement sur le marché.

[5] Par ailleurs, si le nombre d’hectares est impressionnant les revenus des ventes de semences OGM n’est pas si considérable, environ 13 milliard de $ par an (on ne sait pas au juste car toutes les sociétés produisent et vendent des semences non-OGM et ne publient pas de détails). En comparaison : pesticides 53 milliards, engrais environ 100 milliards, contribution de l’agriculture au PIB mondial 3%, soit environ 1800 milliards de $.


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