Essence ou diesel, hydrogène, hybride, ou tout électrique ?

Chaque constructeur a son modèle préféré, en particulier celui qu’il est en train de vendre. Tous s’y mettent et le consommateur se fait assommer de merveilleux articles plus ou moins rédactionnels ou publi-reportages sur les bienfaits d’une variante ou d’une autre.

Des savants chercheurs apportent aussi leurs contributions, bien qu’avec une forte tendance à habiller des technologies bien établies par une nouvelle robe verte et salvatrice de la planète, telle la récente annonce de l’EPFL à propos d’une station de recharge pour véhicules électriques et à hydrogène. Presque toujours leurs évaluations économiques sont ou bien absentes ou manquent cruellement de la rigueur que leur science devrait leur imposer. Le marketing technico-scientifique reste bizarrement infirme quant à ces aspects.

Chaque variante a ses avantages et inconvénients, à évaluer selon trois axes : énergétique, économique, et environnemental.

Ci-après une grossière comparaison énergétique (faite comme on dit sur le dos d’une enveloppe) qui considère l’usage d’un véhicule privé de taille moyenne pour satisfaire les besoins du consommateur parcourant 100 km. Sont mis en comparaison : les véhicules avec moteur à explosion classique et hybride, le tout électrique alimenté directement par le réseau, le tout électrique alimenté par une station fabricant le courant continu avec une pile à combustible fonctionnant avec de l’hydrogène, avec une pile à combustible au H2 embarquée dans le véhicule, et enfin brûlant l’hydrogène dans un moteur à explosion. L’hydrogène aura été produit par électrolyse puis stocké.

Les résultats se voient sur la table ci-dessous (la cliquer pour l’agrandir, un tableur peut être téléchargé ici pour varier les paramètres à sa guise):

besoins-energie-vehicules

Il en ressort que dans les conditions actuelles et possiblement futures de notre approvisionnement électrique c’est le véhicule hybride qui, avec 29.4 kWh par 100 km, est le plus performant d’un point de vue énergétique intégral, c’est-à-dire tenant compte des conditions de production de l’électricité. Avec le mix électrique actuel de la Suisse le tout électrique a besoin de 32.6 kWh/100 km. Le tout électrique est éventuellement justifié (23.4 kWh/100 km) dans un pays comme la Norvège qui s’approvisionne presque exclusivement par l’hydroélectrique en Norvège, d’autant plus que beaucoup de parkings y sont d’ores et déjà équipés de prises électriques utilisées pour garder les moteurs tièdes en hiver.

Cette position de l’hybride est renforcée si, par-dessus le marché, on considère que l’investissement supplémentaire par rapport à un moteur à combustion classique n’est que de quelques milliers de francs par véhicule et qu’aucune autre infrastructure de production et de distribution n’est nécessaire pour satisfaire les besoins du marché.

Pour les véhicules tout électriques il faut aussi compter les investissements supplémentaires pour les systèmes de recharge. Rappelons que pour recharger un véhicule afin qu’il puisse parcourir 200 km il faut utiliser toute la puissance disponible d’une maison individuelle (~5 kW) pendant 4 à 6 heures, et ceci en évitant de faire la vaisselle, la lessive, la cuisine et le repassage en même temps. S’il fallait augmenter les puissances disponibles pour tous les logements du pays les investissements à faire seraient énormes.

De ma dernière facture électrique je tire que le prix du mix électrique que nous consommons (à Kaiseraugst AG) est de 18.4 centimes par kWh (avec TVA de 8% : 19.8).

Le prix à la pompe actuel de l’essence est de 1.60 à 1.80 franc par litre. Après y avoir enlevé la TVA de 8% et la taxe sur les carburants de 73.12 centimes le prix hors taxe s’établit à 75-95 centimes par litre, ce prix contenant l’extraction du pétrole, son raffinage, sa distribution et les marges bénéficiaires des intervenants dont aucun ne touche ni subside ni rabais fiscal. Ce prix se convertit en 8.3 – 10.6 centimes par kWh[1].

Le coût en énergie pour parcourir 100 km sera donc, hors taxes de consommation :

Véhicule à essence :          4.5 à 5.3 Fr        (infrastructures comprises)

Hybride :                           2.1 à 2.6 Fr        (infrastructures comprises)

Tout électrique :                ~3.5 Fr              (infrastructures actuelles insuffisantes)

Filière hydrogène :            5.8 à 10.5 Fr     (+ énormes infrastructures)

À ce tarif-là et sur une base d’une durée de vie du véhicule de 200’000 km, l’hybride permet d’économiser environ 5’000 Fr par rapport au véhicule à essence, ce qui en compense à peu près le prix d’achat plus élevé. Il reste un doute sur la longévité des batteries utilisées tant pour les hybrides que pour les tout électriques.

En tous les cas j’ose espérer que toutes les propositions de soutien à l’hydrogène s’évaporent maintenant en une grosse détonation, car par-dessus le marché laisser manipuler ce gaz dangereux par des consommateurs serait irresponsable.

Ayant pour but de pomper à l’économie marchande les sous nécessaires au fonctionnement de l’État, la fiscalité biaise nécessairement l’analyse économique du consommateur, mais pas celle de l’économie publique car ce sont des considérations hors taxe qui doivent compter.

Il est impératif que l’État reste neutre à propos des technologies à utiliser ou à éviter. Seules doivent compter les normes de sécurité établies sur la base d’analyse de risques : émissions de NOx, CO et autres polluants, bruit, etc. qui sont mises en relation avec les seuils de toxicité à long terme que l’on peut ou non tolérer. Si les risques encourus sont acceptables il n’y a dès lors plus aucune raison de taxer une filière plus qu’une autre. Rien n’est clean-tech, ou plutôt tout l’est si les normes que l’on s’est données sont satisfaites. Et, par exemple, comme le climat n’est pas en danger de se faire gravement changer par le gaz carbonique on pourra éviter de croire que l’on sauve la planète avec des taxes ou redevances sur le carbone.

Pour la mobilité il serait préférable de percevoir une taxe au km parcouru, éventuellement modulée par le poids ou la puissance nominale du véhicule (qui sont les facteurs d’usure du réseau routier). Pas besoin d’un complexe « road-pricing », ce ne serait pas plus compliqué que de lire les compteurs d’eau et d’électricité des maisons. À la fin du mois le consommateur qui devrait payer environ 50 francs pour les 1000 km qu’il aura parcouru saura pourquoi il les paye et saura aussi comment réduire cette facture.

Mais si l’État veut, tel qu’il le fait actuellement à tort, privilégier une filière technique alors il introduit des mécanismes de perception et de subvention qui vont inciter le consommateur à ne pas faire certaines choses et à en faire d’autres. Ils n’en jouissent pas tous mais tous comptent bien sur les bienfaits de la corruption officielle – autrement nommée subventions, modulations de taxes et certificats – mise en place pour convaincre ou contraindre investisseurs et consommateurs. Cette planification étatique vise plus que souvent à côté d’une cible qui bouge toujours, mais jamais comme prévu. Hélas ça marche pour beaucoup de parasites, malgré qu’il ne soit pas légitime d’attribuer un tel rôle à l’État. Mais si en plus ces schémas vont à l’encontre du bon sens, alors on se sera compliqué, pourri, et renchéri la vie ; et surtout on aura démontré l’impéritie, voire la crasse bêtise, de ceux qui veulent intervenir partout et pour tout.

[1] Saviez-vous que lorsque vous faites un plein de 50 litres vous stockez dans votre réservoir environ 470 kWh thermiques (1.68 giga joule) qui s’utiliseront pour 2/3 à perdre de la chaleur et pour 1/3 à la propulsion mécanique, sauf pour un hybride où ces proportions s’inversent.

 


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